L’agriculture dans la région de Saint-Avold au début du XVIIe siècle.
par Henri Hiegel (extraits de l’article paru dans le numéro de janvier 1971 des Cahiers Lorrains)
Dans l’ensemble, la fin du XVIe siècle et le début du siècle suivant furent une période de paix, sauf quelques exceptions. Pendant les Guerres de religion et de la Ligue, des mercenaires allemands traversaient la Lorraine pour se rendre en France. En 1591, les habitants de Saint-Avold obtinrent une réduction de l’aide de Saint-Rémy pour les pertes, supportées au « passage de l’armée hérétique venant d’Allemagne ». En 1596, l’armée espagnole passa par le bailliage d’Allemagne. Le receveur de Hombourg fournit des grains au receveur de Vaudrevange pour cette armée. Les habitants de la seigneurie de Hombourg se plaignirent en 1596 des pertes subies au dernier passage de ‘l’armée du prince d’Anhalt et de l’armée espagnole, conduite par le cardinal d’Autriche. Il s’en suivit une période de 20 ans de paix.
Mais en 1617, eut lieu un nouveau passage de troupes, cette fois des Hollandais. Le duc Henri II envoya un archer des gardes et sept soldats au château de Hombourg pour « préserver les foules de l’oppression des gens de guerre aux passages des Hollandais ». En 1622, lors du passage de l’armée du chef protestant, le comte de Mansfeld, qui se rendait d’Alsace au Luxembourg, on monta la garde au château de Hombourg.
Le duc Charles III sentit la nécessité d’être informé de la consistance de son domaine; de janvier à mars 1594, l’historien Thierry Alix rédigea « les descriptions particulières des duchés de Lorraine, comtés et seigneuries et dépendances et notamment du comté de Bitche ». II y fit un dénombrement très complet du bailliage d’Allemagne, dont aussi « les châtellenies, terres et seigneuries de Hombourg et de Saint-Avold ». Comme domaine ducal, Alix cite Hombourg, château, ville et église collégiale de Saint-Étienne, la ville de Saint-Avold ou de Saint~Nabor, Hombourg-village, Macheren, Petit-Ebersviller, Guenviller, Cocheren, Emmersweiler, Folkling, Vahl-Ebersing, Lixing, Farébersviller, Morsbach, Seingbouse, Freybouse, Maxstadt, Hoste, Téting, Métring, Pontpierre, Haute-Vigneulles, L’Hôpital, Dourd’hal, Lachambre, Téterchen, Altviller et Guinglange. D’après le même auteur, l’abbaye bénédictine de Saint- Avol, placée sous la sauvegarde de la châtellenie de Hombourg, possédait des biens dans les villages suivants : Guessling, Hémering, Téting, Boustroff, Bisten, Boucheporn, Obervisse, Niedervisse, Aling, Lclling, Folschviller, Hinckange et Biding. Comme fiefs, dépendant de l’office, Alix ajoute: Valmont, Folschviller, Haute-Vigneulles, Laning et Frémestroff. On peut regretter qu’il n’ait pas donné d’autres renseignements sur l’office de Hombourg, comme il. l’a fait pour le comté de Bitche. Sa mort, survenue la même année de la rédaction du dénombrement, l’empêcha, sans doute, de compléter ses recherches.
Les aspects de la propriété rurale
Comme les autres offices du bailliage, celui de Hombourg était une circonscription de caractère rural. Il importe de relever les caractères de la propriété rurale.
La répartition de la propriété rurale
Les arpentages nous donnent ordinairement des renseignements précieux sur cette propriété, mais malheureusement nous ne disposons que d’un seul arpentage. En effet, Christophe de Serocourt, gouverneur de l’office de Hombourg, et les échevins de la grande cour de Sain-Avold abornèrent en juillet 1626 les terres communales de Vahl-Ebersing et de Biding. Les seigneurs et les couvents possédaient de grandes terres. Par contre, il semble que la propriété paysanne était d’une importance moyenne, même parfois réduite. La moyenne de terres par propriétaire n’était pas très élevée. En 1626, vingt-deux paysans de Rosbruck et des environs possédaient près de 50 fauchées de pré, allant d’un quart de fauchée à six fauchées et demie, la moyenne étant de deux fauchées, et 19 propriétaires possédaient 212 jours de terres, allant d’un demi-jour jusqu’à 27 jours, avec une moyenne de 11 jours; 3 propriétés mesuraient plus de 20 jours; 5 plus de 10 jours et 7 plus de 5 jours. Les seigneurs de Forbach y possédaient 24 fauchées de pré et les dames nobles du couvent de Fraulautern 13 fauchées. D’après les actes des notaires de Saint-Avold, conservés aux archives départementales de la Moselle, on constate qu’il existait une certaine bourgeoisie terrienne à Saint-Avold. Les biens du couvent de Sainte-Glossinde de Metz à Maxstadt, Hoste et Barst étaient loués en 1595 pour 650 fr et 24 quartes de blé et 15 d’avoine à un bourgeois de Saint-Avold. Des bourgeois de Metz mirent aussi la main sur des terres. En 1602, les mêmes biens de Sainte-Glossinde furent engagés pour 5 850 fr à Gédéon Duchat, marchand à Metz, rue Fournirue, seigneur de Charly, la Hautonnerie et Domangeville et membre de l’Église réformée de Metz.
Une survivance d’un genre de propriété médiévale est signalée encore au début du XVIIe siècle. En 1612, l’abbaye de Longeville donna en fief ou douaire certaines terres féodales, dites Lehngüter: à Longeville une part, à Bambiderstroff six parts et à Marange une part. Au Moyen Âge, ces terres, qui se transmettaient de famille en famille par le premier enfant, ou mieux le premier héritier mâle, n’étaient ni vendables, ni engageables. Cependant, par la suite, les locataires les considéraient comme biens-fonds et se les partageaient. Dans les temps reculés, les sujets recevaient de l’abbé de Longeville ces terres, les mains jointes et à genoux, en promettant de lui être fidèles. Ils devaient assister aux plaids annaux, dresser l’échelle du signe patibulaire, rétablir le gibet, si besoin en était, accompagner l’abbé en voyage et fournir des voitures de transport aux religieux. Le détenteur du Lehngut de Longeville était obligé de porter le fauteuil de l’abbé lors des processions autour du couvent, de tirer le cheval de monture hors de l’écurie et d’aider 1’abbé à le monter. En 1620, les religieux permirent à un sujet de construire une maison sur le Lehngut, à condition de payer un cens.
La valeur des propriétés
Par suite de l’effondrement monétaire, les propriétaires augmentaient le cens des terres louées. Au mois de mai 1618, l’abbé de Longeville acensa perpétullement un pré proche du bois, dit Walenberg, ban de Dourd’hal et du grand chêne de Saint-Avold, rapportant seulement deux charrées, à un bourgeois de Saint-Avold pour douze poules en plumes au lieu de neuf, livrables à Pâques, et à condition de bien entretenir le pré. La cense neuve de Longeville fut louée en 1617 pour une redevance de 56 paires de grains et en 1629 pour celle de 64 paires. De même, les taux des moulins furent augmentés. Ainsi, l’abbé de Longeville loua en 1570 le petit moulin de Longeville, dit Hetschtmühle, au sud du couvent, pour 29 ans, contre un cens de 36 fr. En 1626, le même moulin fut loué pour 9 ans contre le cens de 100 fr.
La valeur des terres variait selon la nature du sol, le site et la situation. En 1619, un orfèvre de Sarrebruck vendit à Merlebach, pour 100 fr la moitié d’un champ de 11 jours, entouré d’une palissade, ce qui fait environ 20 fr le jour. En 1621, trois jours furent vendus pour 151 fr, soit 50 fr le jour, et en 1629, douze jours coûtaient 100 fr, soit 8 fr le jour.
Les fermes
Une forme particulière d’exploitation agricole était constituée par les fermes, dites métairies ou moitresses. Dans la région de Saint-Avold, elles étaient nombreuses. L’abbaye de Longeville, qui relevait de l’office de Boulay, possédait plusieurs fermes. En 1615, l’abbé de Longeville permit à Jean Vernier, seigneur du ban de Giroué à Vatimont, d’ériger la ferme dite la Genette ou Premenhoff sur le chemin de Saint-Avold à Longeville, à l’est de cette dernière localité, sur des terres vagues et en friche. Le preneur possédait le droit de maronage, d’affouage, de bois de clôture de jardin et payait en redevance 7 quartes de seigle et autant d’avoine, mesure de Longeville, et deux livres de cire comme luminaire à l’église de Longeville. La cense des Genettes disparut après 1773. L’abbé de Longeville amodia en 1617 à Didier Collin, de Vigy, la moitresse, dite la cense neuve, située près de la chapelle d’Issing, à i’est de Longeville, pour neuf ans, avec autorisation de fermer les breuils, moyennant 100 fr, 56 quartes de blé-froment et autant d’avoine, une quarte de pois, un porc, 8 chapons ou coqs, 2 pots de beurre, 6 charrettes de paille de froment et d’avoine. Le preneur pouvait tenir 25 bêtes blanches. En 1624, l’abbé affranchit la cense de la dîme et en 1629 le bail fut renouvelé moyennant 64 paires de grains, blé et seigle, 2 chapons, 6 charrettes de paille, dont 5 de blé et une d’orge, le cens de 50 fr, la dépouille de trois arbres du jardin et le tiers des noix. Cette ferme, mentionnée en 1681 comme «neuve moitresse», existait encore en 1900 sous le nom de « Neuhof».
L’exploitation de ces fermes connut toutefois des difficultés à cause de la nature du sol. En 1606-1615, l’abbé de Longeville acensa des terres de Longeville aux lieux-dits Mitz ou Mutsch et Finselen à des particuliers, puis aussi à Jean Vernier. Cependant, à cause de la stérilité du sol, le rendement fut médiocre et les héritiers du dernier occupant y renoncèrent. L’abbé les offrit vainement à la communauté de Longeville. Finalement, les moines les prirent eux-mêmes en acensement en juin 1630, moyennant un cens de 30 paires de grains, froment et avoine. Ils restaurèrent la moitresse de Mitz, tombée en ruine et fournirent des chevaux, des bœufs et des voitures aux tenanciers, recrutés hors du pays, mais les métayers se plaignirent qu’ils n’avaient pas assez de prairies et que le fumier leur manquait pour fertiliser la terre stérile et quittèrent la ferme. Alors, en août 1631, un moitrier, originaire des Vosges, occupa la maisonnette. Telles furent les origines si difficiles du Mitschenhof et du Finslingerhof, le premier au nord-est et le deuxième au sud, qui subsistèrent jusqu’au début du XIXe siècle.
L’abbaye de Saint-Avold, le duc de Lorraine et d’autres seigneurs avaient également des fermes. L’abbaye de Saint-Avold possédait une moitresse à Berfang près de Folschviller. Le moitrier et vigneron reçut en 1623, pour trois ans, 9 arpents de bois de chauffage. En 1630, Mengin Chatillon, de Furst, qui tenait en amodiation la moitresse, reçut, pour trois ans, 16 bêtes rouges. II y avait à FarébersviHer un gagnage ducal, réparé en 1615, et dont le bétail comprenait des chevaux et des bêtes à cornes. La moitresse de Ganspach près d’EmmersweHer, appartenant à ‘l’abbaye de Fraulautern, se trouvait sous la sauvegarde du château de Hombourg en 1605, moyennant 7 resaux de seigle. En 1631, on trouvait une moitresse à Betting-lès-Saint-Avold, et une autre près du moulin d’Oderfang, au nord de Saint-Avold. C’est la cense neuve, citée plus haut. En février 1611, le seigneur de Hellering donna en bail pour 60 ans une certaine quantité de bois et de terres, non encore essartée, à Pierre Barthel pour l’érection d’un gagnage, mais, alors que celui-ci avait fini de construire sa maison, le notaire de Hombourg refusa sur l’ordre du seigneur de lui délivrer une expédition de ce bail, afin de l’évincer de l’acensement.
Ces fermes étaient en général des exploitations individuelles, qui échappaient au collectivisme agraire traditionnel, c’est-à-dire à l’assolement du village et qui constituaient un ban et un assolement à part. L’arpenteur juré de la ville de Metz rédigea en 1622 le pied de terre de la moitresse de Maxstadt, appartenant à l’abbesse de Sainte Glossinde de Metz. Le confin de Laning, de 64 jours, était divisé en dix morceaux ou parcelles, la saison de Betting, de 31 jours, en cinq morceaux, et la saison d’Altrippe, de 90 jours, en 13 morceaux. La moitresse comprenait, en outre, 11 jours de pâture, fermés de haies, 9 jours de pré et 2 jours de jardin. Au total, la ferme avait une superficie de 186 jours.
De même, le bétail de ces fermes formait des troupeaux séparés de ceux des villages. D’après le contrat de bail de la ferme de la Genette, appartenant en 1615 à l’abbaye de Longeville, le fermier avait le droit au troupeau à part, tant pour les chevaux que pour les bêtes rouges et blanches, qui étaient envoyées à la grasse et vaine pâture. Le bétail blanc comprenait 60 brebis, moutons et agneaux. Par contre, les porcs devaient être réunis à ceux de la commune de Longeville. Les fermiers étaient en outre dégagés des obligations des autres paysans. Les occupants de la Genette ne devaient pas être soumis à l’administration du maire’ et de la justice de Longeville, ni aux impositions et à la taille, sauf aux redevances ecclésiastiques. Pour toute action personnelle, réelle et mixte, ils étaient responsables devant l’abbé. La plupart de ces fermes avaient été érigées au bord du secteur cultivable des villages.
Les défrichements et les cultures
L’expansion démographique continue et la paix relative que connurent la Lorraine et le bailliage d’Allemagne du milieu du XVIe siècle jusqu’à 1632 permirent une mise en valeur constante du sol.
Les défrichements
Le besoin d’extension des cultures est attesté par les nombreux défrichements pratiqués au cours de cette période. Ce mouvement de défrichement aboutit entre 1507 et 1630 à la création d’une quarantaine de nouvelles localités, dont plusieurs dans la région de Saint-Avold. Économiste averti, le duc Charles III créa lui-même en 1585 le village de Lachambre, dont la signification de « résidence seigneuriale» atteste à la fois le programme politique et économique de son créateur.
À partir de 1590, des verriers défrichèrent une partie de la forêt de Guenviller pour y ériger une verrerie autour de laquelle se forma au début du XVIIe siècle le village de Merlebach.. Les comtes de Créhange fondèrent en 1602 le village de Freyming à l’emplacement de la forêt, dite Menger Wald, en affranchissant les colons de certaines servitudes. En 1608, le duc Henri II de Lorraine fonda le village, qui prit son nom, en s’appelant Henriville, comme il créa aussi, en 1614, le village de Henridorff, près de Phalsbourg. Louise de la Valette, abbesse de Sainte-Glossinde de Metz, créa en 1609, avec l”autorisation ducale, le village de Valette. Jean des Porcelets, évêque de Toul et abbé commendataire de Saint-Avold, fonda en 1611 le village de Porcelette, où 1 500 arpents de bois furent réservés aux terres labourables et 100 aux maisons, jardins, chènevières, paquis et autres aisances. En 1626, les habitants de Macheren, Petit-Ebersviller et Lachambre s’opposèrent à ce que Louis de Lorraine, prince de Phalsbourg, créât un nouveau vinage dans la forêt de la Fresne et du Mettenberg, où ils avaient le droit de maronage, d’affouage et de pâture. Ce nouveau village aurait sans doute porté le nom du patron de son fondateur, puisque l’année suivante, le même prince créa le village de Saint-Louis, près de Phalsbourg.
Cependant, les défrichements ne se limitèrent pas à des créations de villages et furent certainement plus importants qu’on pourrait le penser, par suite d’acensements de forêts en vue de défrichements, accordés à des communautés d’habitants, pour accroître· la surface cultivable. En 1609, 1’abbé de Longeville permit aux habitants de Dourd’hal de défricher 100 jours de bois entre le vieux ban de Dourd’hal et le bois de Furst. L’abbaye de Longeville vendit en 1620 aux habitants de Laudrefang 24 arpents du bois, dit Steinbesch ou rond bois, pour les convertir en terre arable, et en 1625, un supplément de 90 arpents du bois, dit Brandenstuden ou taillis brûlés. En 1614, l’abbé de Wadgassen acensa à dix habitants d’Altviller, Henriville et Lachambre des terres en friche au lieu-dit Duneacker entre Seingbouse, Guenviller, Macheren et Marienthal, avec possibilité d’y ériger un village. En 1611, le duc de Lorraine acensa 201 arpents de la forêt de la Fresne aux habitants de Macheren et de Petit-Ebersvller, qu’ils avaient d’ailleurs essartés sans permission.
Louis de Lorraine confirma en 1625 aux habitants de Lixing et de Vahl-Ebersing, l’usage des essarts de forêt, à condition de payer un droit pour la terre essartée. En 1627, il acensa 338 arpents de bois, moyennant 3 gros par arpent, à Seingbouse. La même année, le lieutenant au gouvernement et bailliage de Hombourg donna des lettres-reversales au prince de Phalsbourg pour l’acensement de certaines contrées de bois de la gruerie de Hombourg, près de L’Hôpital, moyennant le cens d’un gros par jour et la dixième gerbe des terres ensemencées. Le même officier fut autorisé à défricher une contrée de la forêt de Saint-Avold, en 1631.
Les modes de culture
Dans le bailliage d’Allemagne, on pratiquait la culture temporaire et l’assolement triennal. Le premier mode de culture, dit aussi culture sur brûlis ou Brandwirtschaft, consistait à brûler les herbes et les buissons pour améliorer par les cendres le sol et à l’utiliser pendant deux ou trois années. Dans presque tout le comté de Nassau-Sarrebruck, de sol pauvre, mais riche en forêt, on pratiquait la culture sur brûlis, et principalement dans le Warndt. La culture temporaire semble avoir été pratiquée dans la partie du Warndt, située dans ‘le bailliage d’Allemagne. Le receveur de l’office de Hombourg indique en 1604 qu’au village de Hombourg se trouvaient 90 jours entre les bans de Hellering et de Betting, « lesquelles terres sont de peu de valeur et sont vagues, personne ne les veult, si elles n’ont pas reposé quantité d’années ». Elles avaient été louées en 1599 pour 6 années.
L’assolement triennal ou Dreiflurenwirtschaft divisait le ban en trois soles, la saison de blé d’hiver, la saison de blé de printemps et la jachère, et la rotation se faisait en trois années, de manière que la culture essentielle, le blé d’hiver, parcourait la totalité du secteur arable. Le blé d’hiver comprenait soit le froment, soit le seigle ; le blé de printemps, l’avoine, l’orge et les fèves. La deuxième année, les soles comprenaient le blé de printemps, la jachère et le blé d’hiver, qui succédait à la jachère de la première année. Enfin, la troisième année, ces soles se composaient de la jachère, du blé de printemps et du blé d’automne. Ainsi, l’assolement triennal donne le tableau suivant de rotation des cultures :
L’assolement triennal se pratiquait dans la plus grande partie du bailliage d’Allemagne, dont aussi l’office de Hombourg. En 1696, lors du remembrement du ban de Rosbruck, on se basa sur une liste de propriétaires de 1626, répartis suivant deux saisons, la troisième non désignée étant celle de la jachère. Des terres de l’abbaye de LongeviHe à Freybouse étaient réparties au début du XVIIe siècle sur trois saisons: 66 jours sur la jachère, 47 jours sur la saison du blé, 31 jours sur l’Habergewend ou saison d’avoine. À Altviller, on connait en 1615 une saison ou Wendt supérieure, moyenne et inférieure.
Si la zone de l’assolement triennal couvrait la majeure partie du bailliage d’Allemagne, il y existait parfois encore des terres de quartiers non incorporées dans les saisons et non soumises à la même rotation. À Folschviller, le receveur de l’office de Hombourg signale en 1632 dans son compte que « Son Altesse voulait avoir au vinage plusieurs terres, dites terres de quartiers ».
La nature des cultures
La culture des céréales occupait la place la plus importante parmi les cultures du bailliage. La production céréalière ne peut être déterminée faute d’éléments statistiques. Cependant, les recettes des grains des comptes des receveurs ducaux du bailliage permettent de se rendre compte de l’importance des diverses cultures de céréales dans chaque office. Dans l’office de Hombourg, entre 1602 et 1622, les recettes de blé étaient supérieures à celles d’avoine jusqu’à 1610. Puis, après, les recettes d’avoine étaient plus importantes ; le seigle venait au troisième rang. Les recettes de seigle représentaient à peu près la moitié de celles de l’avoine. En 1602, 1610 et 1622, les recettes de blé-froment ou Weitzen étaient de 416, 752 et 732 resaux, les recettes de seigle ou Roggen, de 126, 442 et 387 resaux, et les recettes d’avoine ou Hafer, de 383, 731 et 939 resaux. Dans la seigneurie de Forbach, en 1629, l’avoine prédominait, le blé et le seigle venant ensuite. Dans l’ensemble, la production céréalière de l’office de Hombourg reste stable, alors que la population reste aussi élevée. L’office ne semble pas encore être touché énormément par les faits de guerre. Le maximum des recettes de blé se constate entre 1607 et 1610, correspondant certainement à des années de bonnes récoltes.
Les céréales n’occupaient pas seules tout le secteur cultivable. Dans les jardins et les champs, on pratiquait la culture des légumes. La culture des pois occupait une place importante. En 1616, le receveur de Hombourg reçut neuf resaux de pois. On cultivait d’autres légumes, comme les fèves, les fèvottes, les haricots, les flageolets, les raves, les navets et les oignons. Les Us et coutumes de Saint-Avold, de 1580, publiés par le préfet Hammerstein, rapportent qu’au record de justice de Pâques la justice nommait deux bangardes pour la surveillance du ban et principalement des récoltes de navets : « die den Bann zu Sanct Nabor sampt den Garten und den Rübfeidern und andere geblümte Frucht verhüten sollen ». En 1623, le prieur de Longeville afferma les dîmes de Zimming pour 25 quartes de blé et une quarte de navets. En 1605, le receveur de Hombourg fit recette d’un bichet (16 l) un pot d’oignons (2,44 l). La culture des arbres fruitiers semble avoir été répandue dans tout le bailliage. En 1631, le receveur ducal de Hombourg nota des recettes de fruits champêtres à Macheren, Petit-Ebersviller et Lachambre. On signale surtout le poirier et le pommier. Dans le plaid annal de Biding, de 1613, les paysans se plaignirent que les valets du fermier de la cense de Leyviller, en gardant les bêtes, leur volaient chaque année des poires. Avec les pommes, on faisait du cidre. En 1624, Louis de Lorraine fit installer un pressoir à cidre à Lachambre.
Après les cultures céréalières, c’était le vignoble qui tenait la place la plus importante du secteur cultural dans le bailliage. À Longeville, en 1629, le prévôt Mengin Losson possédait deux jours et un quarteron de vigne, de caractère roturier. Les moines de Longeville avaient fait planter en 1617 dix journaux de vigne le long du grand chemin de Metz pour leur propre usage. L’abbaye de Saint-Avold possédait une vigne à Berfang, près de Foischviller, qui était en ruine en 1648. On signale des vignes à Boucheporn dès le XVIe siècle. D’autres vignes appartenaient au duc de Lorraine. Les habitants de Macheren, Farébersviller, Cocheren et Seingbouse étaient obligés en 1615 d’aller chercher du vin seigneurial à une journée du château de Hombourg ou de payer un cens. À Freybouse, le receveur de l’office percevait en 1604, des cens pour des vignes. Il s’agissait de petites superficies. Des particuliers y possédaient des vignes, ainsi un boucher de Saint-Avold, un boulanger de Maxstadt. Mais, dans l’ensemble, c’était sans doute une culture en régression, puisque les seigneurs achetèrent ailleurs du vin.
L’élevage dans l’office de Hombourg
Les cultures tenaient la plus grande place. L’élevage resta, comme dans d’autres régions, communautaire et ne joua qu’un rôle complémentaire. Le gouvernement ducal ne s’est guère intéressé à son développement.
L’élevage du gros et du petit bétail
Le gros bétail, appelé « bêtes rouges », comprenait les chevaux et les bovins. Faute d’éléments statistiques, il est difficile d’apprécier l’importance numérique de ce bétail. En 1618, il y avait d’après le registre de l’aide de Saint-Rémy à Valette, outre 11 manouvriers et deux mendiants, 7 exploitations agricoles ou « charrues », à 27 chevaux, variant par charrue de 3 à 6 chevaux. En 1613, les habitants de Biding se plaignirent de ce qu’ils devaient contribuer tous de la même façon à l’entretien du bétail reproducteur ou Faselvieh, qu’ils aient plus de 20 bovins ou seulement un ou deux bovins.
Il semble qu’il y avait plus de bovins que de chevaux. Mais lès bovins comme [es chevaux étaient employés comme animaux de trait et n’étaient. certainement pas assez nombreux pour l’alimentation. Rarement on fait mention de redevances en produits laitiers ou en viande. En 1595 l’abbesse de Sainte-Glossinde de Metz afferma les biens de Maxstadt, Host et Barst à un bourgeois de Saint-Avold contre la redevance de six pots de beurre. Le cheval avait une importance assez grande dans le cheptel. On utilisait les chevaux pour les transports et les labours. Le cheval était plus cher à nourrir et sa valeur plus élevée. En 1632, un cheval, acquis à la princesse Henriette de Lorraine à Freybouse par le droit de chef d’hôtel, fut vendu pour 40 fr, mais en 1633, une vache, trouvée à Saint-Avold, ne fut vendue que pour 20 fr.
Le petit bétail, appelé « les bêtes blanches », comprenait ordinairement les porcs, les moutons et les chèvres. L’alimentation carnée était fournie essentiellement par les porcs et partiellement par les moutons. En 1613, on envoya en paxon 2 440 porcs dans la forêt de Saint-Avold, dite le Warndt, sur 11 605 arpents moyennant 3 deniers par bête. Saint-Avold disposait de 680 porcs, Hombourg-Haut 160, Hombourg-Bas 120, L’Hôpital 260, Lixing 400, Vahl-Ebersing 260, Petit-Ebersvller 300, Valmont autant, et Macheren, Laning et Haut-Vigneulles le reste. On envoya en paxon 1 727 porcs en 1615, 2 861 en 1619, 2 960 en 1620, 2 334 en 1625, 2 564 en 1626 et 2 953 en 1627. En général on envoyait en glandée un porc sur quatre à cinq arpents. Il arrivait que les communautés utilisaient la glandée ou Eichelrecht sans autorisation. La communauté de Varize paya une amende de 25 fr. pour avoir chassé en 1619 des porcs dans la forêt de Saint-Avold durant la grasse pâture sans autorisation. Un accord sur la glandée, fait en 1610 entre Cappel, Farschviller et Henriville, prévoyait qu’elle serait gardée par deux paysans, qu’il était défendu de ramasser des glands et d’envoyer les porcs sans autorisation. En 1615, le châtreur ou écorcheur des porcs et des chevaux de l’office de Hombourg devait livrer deux livres de poivre au duc.
Par suite des besoins en laine, l’élevage ovin occupait une place importante. Les habitants de Biding se plaignirent en 1613 que le propriétaire de la ferme de Leyviller, profitant de ce qu’il avait le droit de vaine pâture sur leur ban, envoyait en pâture non seulement des bovins, mais encore des moutons. L’élevage des moutons donnait lieu à un commerce assez actif. En 1631, les amodiateurs du comté de Blâmont envoyèrent deux personnes pour acheter des moutons à Saint-Avold. Au contraire en 1614, des habitants de Blâmont avaient vendu plus de 400 moutons au marché de Saint-Avold.
Les problèmes de nourriture du bétail
Comme on a pu le voir déjà pour l’élevage des porcs, un des problèmes les plus angoissants de la vie agraire était de nourrir convenablement et suffisamment le bétail. On disposait pour cela des prairies naturelles appelées « les prés, Wiesen, Matten », quand il s’agissait de propriétés privées, et les « embannies, Freiheiten », quand c’étaient des propriétés collectives. Les prés étaient fauchés au printemps, une première fois pour la fenaison, puis une deuxième fois, pour le regain. Les embannies ne pouvaient être fauchées qu’exceptionnellement.
Mais ce qui prédominait en fait de pacage, c’était la vaine pâture, le Weidstrich ou la Weidfahrt, une sorte de dépaissance collective, qui s’exerçait dans les forêts, sur les friches, sur la jachère, les terres vides où les récoltes avaient été faites, et même les prés et [es embannies la majeure partie de l’année. Selon le chanoine Kirch, de Welferding, en décembre 1609, le duc Henri II de Lorraine permit à l’abbesse de Sainte-Glossinde d’accorder la vaine pâture et la glandée aux nouveaux colons de Valette, à condition d’indemniser les habitants de Maxstadt et de Hoste, qui se « disaient être en possession de leur usage desdits bois tant pour ce qui est de la grasse et vaine pâture que droits d’affouage et marnage en iceux ».
D’après les Us et coutumes de Saint-Avold, de 1580, la justice de la ville fermait à la Saint-Georges le 23 avril, le pré communal, dit Bruch, et situé à l’extérieur de la porte de Longeville, pour que le locataire puisse en faire la fenaison 15 jours avant la fenaison ordinaire et les bourgeois fussent à même ensuite de jouir de la vaine pâture le plus rapidement possible, « damit die Bürgerschaft ihren Weidstrich destoeher vor anderen Wiesen darin geniessen mögen ». Louis de Lorraine, prince de Phalsbourg, céda en 1624 par acensement le tiers de la vaine pâture à la communauté de Béning, à condition de payer trois gros par laboureur et la moitié par veuve ou manouvrier. En 1610, les sujets de Cappel, Farschviller et Henriville signèrent devant le notaire de Puttelange un accord sur les délits champêtres, commis par les bêtes qui s’échappaient de la vaine pâture pour aller dans les blés.
L’élevage des volailles et l’apiculture
Les sujets du bailliage faisaient l’élevage des volailles : poules, chapons ou coqs et oies. Les conduits devaient des redevances en poules et chapons pour la jouissance des biens ou la sauvegarde des personnes. En 1616, l’office de Hombourg fit une recette de 351 chapons. Entre 1612 et 1617, le revenu moyen en volailles de l’office est estimé à 53 chapons, à 6 gros la pièce, à L’Hôpital, à 54 chapons à Lachambre, à 4 chapons et 44 poules à Vahl-Ebersing et Lixing, à 42 poules à Farébersviller et à 56 poules à Cocheren. En 1615, les meuniers et les bouchers de l’office livrèrent comme redevances 40 œufs.
L’apiculture a toujours été pratiquée en Lorraine. Le miel remplaçait le sucre, alors inconnu ou rare. La cire servait principalement de luminaire. Outre les abeilles domestiques, il y avait les abeilles sauvages des bois. En 1631, cinq chopines de miel recueillies au bois de Saint-Avold furent vendues par le receveur de Homboutg pour 22 gros.