L’abbatiale de Saint-Avold édifiée entre 1754 et 1769

L’Archiprêtré de Saint-Avold au XVIIIe siècle.

extraits du Mémoire de Maîtrise de Sandrine BELVOIX

Les abus du personnel ecclésiastique, l’impuissance face aux angoisses du temps, les nouvelles exigences des fidèles font qu’à la fin du Moyen Âge, la religion catholique, ancrée dans ses vieilles traditions, ne répond plus aux attentes des fidèles.

En 1545, s’ouvre le Concile de Trente qui prévoit la Réforme de l’Église, en particulier celle du clergé. Il redonne aux évêques leurs pouvoirs face aux religieux, aux séculiers, aux chapitres et rend obligatoires les visites pastorales. Celles-ci auront pour but “d’établir une doctrine pure et orthodoxe en bannissant toute hérésie, de maintenir les bonnes mœurs et de corriger les mauvaises…”. La visite pastorale est ainsi un moyen pour l’évêque de contrôler le clergé et les fidèles ainsi qu’un moyen d’information.

Sans doute en raison de son éloignement de Metz, l’archiprêtré de Saint-Avold , pendant la période étudiée (1698 - 1789), n’a jamais été visité par l’évêque. C’est donc l’archiprêtre de Saint-Avold qui le remplace. Il doit visiter ses paroisses tous les ans et transmettre ses rapports à l’évêque “dans la première semaine de Carême”.

Milieu géographique.

L’archiprêtré de Saint-Avold se situe en grande partie dans la dépression du Warndt. Le Warndt qui a une superficie d’environ 300 km2 se trouve sur la rive gauche de la Sarre. Il est entouré d’une côte de grès et de calcaire qui s’étend de Bérus vers Varsberg, Longeville, Saint-Avold, Hombourg-Haut jusqu’à Spicheren. Cette dépression est alimentée par la Bisten et la Rosselle qui se jettent dans la Sarre. Sur ce sol, s’étend une vaste forêt, en particulier de hêtres. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, cette étendue forestière n’est touchée que par quelques carrières de défrichements : Creutzwald, Ham, Carling, Porcelette et les vallées de la Bisten et de la Rosselle. La Nied française traverse l’extrême nord-ouest de notre archiprêtré au niveau de Guerstling et la Nied allemande l’extrême sud-ouest au niveau de Fouligny.

Situation politique : un imbroglio administratif.

L’archiprêtré de Saint-Avold, au plan politique, se partage en quatre zones absolument inégales en 1698.

• Les territoires qui appartiennent au duché de Lorraine. Béning, Farébersviller, Seingbouse, Cocheren, Bérus, Nouveau Forveiller, Vieux Forveiller, Felsberg, Bisten, Eschveiller, Berveiller, Narbéfontaine, Château-Rouge, Creutzwald, Petit-Ebersviller, Macheren, Valmont, Lenzviller, Falck, Guerting, Freyming, Guerstling, Guenviller, Ham, Haute-Vigneulles, Henriville, Hombourg-Haut, Ittersdorff, Lachambre, Leyding, Longeville, Dourd’hal, Marange, Fouligny, Zondrange, Hallering, Marienthal, Merlebach, Merten, Rémering, Saint-Avold, L’Hôpital (pour une partie), Tritteling, Redlach, Laudrefang, Varsberg, Villing.

• Les territoires qui appartiennent à la France. Betting, Boucheporn, Obervisse, Bisten, Dorviller, Altviller, Leyviller, Holbach, Hellering, Porcelette.

• Les territoires qui appartiennent au comte de Nassau-Sarrebruck. Bas Diesen, une partie de L’Hôpital, Lauterbach, Wilhelmsbronn, Linsel, Uberhern, CarIing (fondé en l716).

• Territoire qui appartient au duché de Luxembourg. Bambiderstroff.

Nous pouvons constater qu’une grande majorité des villages de l’archiprêtré de Saint-Avold appartiennent au duché de Lorraine. Il existe parfois une situation politique très complexe et qui engendre des difficultés étant donné qu’un même village peut dépendre du prince de Nassau-Sarrebruck et du duc de Lorraine. C’est le cas à L’Hôpital. En effet, il y a une église située en premier lieu hors du village qui est insuffisante et menace de s’écrouler. Les habitants n’ont eu l’autorisation d’en construire une autre dans le village et sur les terres du comte qu’en 1750. Autre difficulté : certaines annexes n’ont pas la même domination que leur église-mère. Par exemple, Béning est dominé par le duc de Lorraine et Betting par le roi de France.

Les paroisses de l’archiprêtré de Saint-Avold connaissent au cours des XVIIe et XVIIIe siècles la même évolution que le duché de Lorraine. Située entre la France et l’Empire germanique, la Lorraine est au cœur de la guerre de Trente Ans (1618-1648). De plus, elle connaît une occupation française de 1632 à 1661 et de 1670 à 1697. La situation redevient à peu près normale à partir de 1697 avec le traité de Ryswick et en 1698 avec le retour du duc Léopold 1er. À partir du moment où la Lorraine est donnée à Stanislas Leszczynski en 1737, elle perd son indépendance et est administrée par un intendant français, Chaumont de la Galaizière. En 1766, à la mort de Stanislas, la Lorraine est définitivement réunie à la France. Le comte de Nassau-Sarrebriuck cède ses territoires à la France en 1766. En 1769, Bambiderstroff est rattaché à la France.

Le diocèse de Metz au XVIIIe siècle.

Situation religieuse : une carte paroissiale en évolution.

Le cadre : le diocèse de Metz.

Le diocèse de Metz est constitué de quatre archidiaconés : Metz, Marsal, Vie et Sarrebourg. Ces derniers se subdivisent en archiprêtrés. L’archiprêtré de Saint-Avold fait partie de l’archidiaconé de Marsal qui comprend également les archiprêtrés de Marsal, Morhange, Varize, Kédange, Thionville, Rombas, Haboudange. Le diocèse de Metz qui fait partie des trois évêchés est sous la domination du roi de France. De plus, le pape Clément IX, par induit du 23 mars 1668, accorde au roi de France la nomination des évêques. Ce diocèse frontalier a une importance capitale pour le monarque français. Il lui porte une attention toute particulière. Comme le dit Henri Tribout de Morembert : « Des frontières enchevêtrées et des confessions juxtaposées y entretiennent une confusion permanente entre politique et religion ». Le roi confie une tâche très importante à l’évêque : « L’évêque au nom du Roi Très Chrétien se doit de maintenir la cohésion d’un diocèse tout pénétré d’influences étrangères et soumis aux forces centrifuges ». Cependant, il est également suffragant de l’archevêque de Trêves.

Trois évêques se succèdent au cours de notre période étudiée :

• Henri-Charles du Cambout de Coislin : il est né en 1664. En 1694, il est ordonné prêtre et en 1697, il devient évêque de Metz. Il se consacre tout entier à son diocèse et poursuit l’œuvre réformatrice de Georges d’Aubusson de la Feuillade. La générosité marque son épiscopat. Il meurt en 1732.

• Claude de Rouvroy de Saint-Simon : il est né en 1695. De caractère vaniteux, il se fait beaucoup d’ennemis : « Dès son intronisation, l’évêque Claude de Saint-Simon avait, par son esprit dominateur et ses « prétentions princières », soulevé l’animosité de son clergé ». Toutefois, nous pouvons mentionner la fondation en 1748 du séminaire saint-Simon. Ce séminaire ouvre la carrière ecclésiastique aux jeunes hommes peu fortunés par l’attribution de bourses et un enseignement gratuit. C’est à partir de son épiscopat que la visite pastorale devient administrative. Il meurt en 1760.

• Louis-Joseph de Montmorency-Laval : il n’arrive à Metz qu’en 1762. Il néglige les curés. Il accumule les honneurs : grand aumônier de France en 1786, cardinal en mars 1789. Il meurt en 1808.

L’archiprêtré de Saint-Avold se trouve à la frontière du diocèse de Metz. Il faut savoir qu’il est très récent. En effet, les archiprêtrés de Mohrange et de Varize comptaient chacun environ soixante paroisses. C’était presque impossible à gérer. Par conséquent, il a été décidé de démembrer ces archiprêtrés et d’en créer deux autres : Haboudange et Saint-Avold. Ce travail a été confié à Nicolas Martigny, vicaire général. Ce fut très long. Le Fouillé de 1607 nous montre les hésitations qu’il y a eues. Par exemple : Guerstling devait d’abord faire partie de l’archiprêtré de Varize. Martigny a noté ensuite que c’était trop éloigné de Varize donc il valait mieux le rattacher à Saint-Avold et donner à la place Créhange. En fait, l’ancien archiprêtré de Varize est coupé en deux parts à peu près égales du Nord au Sud. Trente-deux paroisses composent l’archiprêtré de Saint-Avold en 1789.

Henri-Charles du Cambout de Coislin évêque de Metz de 1697 à 1732.

Claude de Rouvroy de Saint-Simon évêque de Metz de 1732 à 1760.

Louis-Joseph de Montmorency-Laval évêque de Metz de 1762 à 1808.

Le nombre de paroisses s’accroît au cours du XVIIIe siècle.

Au début du XVIIIe siècle, certaines paroisses sont très étendues. C’est le cas entre autres pour Eschveiller avec 7 annexes, Petit-Ebersviller qui compte 6 annexes ou même Béning avec 5. De nombreux changements interviennent au cours de la période étudiée.

Quatre types de demandes de changement de statut existent : la demande d’érection en cure, la demande de vicaire résidant, la demande de changement de paroisse de rattachement, la demande de chapelle avec service régulier. Au XVIIIe siècle, 49 demandes de changement de statut sont présentées. Sur ces 49 demandes, 34 ont abouti soit 69 %.

L’érection en cure est le statut le plus envié et le plus prestigieux. Mais c’est celui qui entraîne le plus d’efforts financiers de la part des futurs paroissiens. Quatre annexes sont érigées en cure pendant la période étudiée : Guenviller, Creutzwald, Zimming, Cocheren. Ceci représente seulement 33 % des demandes effectuées.

La demande de vicaire résidant est moins coûteuse et permet d’avoir un ecclésiastique présent jour et nuit. Ce genre de demande représente environ 33 % et aboutit dans 75 % des cas. La demande de changement de paroisse de rattachement concerne les habitants qui ne peuvent pas supporter la charge d’un curé ou d’un vicaire résidant car ils sont trop pauvres mais qui veulent un service religieux plus proche. Les habitants de Holbach veulent être démembrés de la paroisse de Petit-Ebersviller et unis à celle de Lachambre. Le village est « composé de 31 feux qui font nombre de 102 communiants de toutes sortes d’âge, fort ignorants dans les principes de la religion catholique, apostolique et romaine ». Il est distant de Petit-Ebersviller de près de cinq quarts de lieue ce qui correspond à environ 5 kilomètres. Le chemin est mauvais. Il est coupé de plusieurs fossés et plusieurs monticules qui le rendent presque impraticables en hiver. Beaucoup d’habitants remplissent très rarement leur devoir de paroissiens. Le curé n’est pas souvent là pour les malades. Holbach n’est distant de Lachambre que d’un quart de lieue soit environ un kilomètre. Les habitants y remplissent le plus souvent leur devoir de chrétiens. Ils sont prêts à aider à l’agrandissement de l’église de Lachambre. En 1753, Holbach est uni à Lachambre. La même situation s’observe pour le village de Hombourg-Bas qui en 1762 est détaché de la paroisse de Béning et rattaché à celle de Hombourg-Haut.

Des villages comme Marienthal et Henriville sont des paroisses qui n’ont pas de curé. Les habitants demandent à être desservis par des prêtres voisins. En 1731, Marienthal est desservi par le vicaire de Seingbouse et en 1767, après une étude du chemin, le village est rattaché à Barst. Pour Henriville, les habitants sont desservis par le vicaire de Farébersviller à partir de 1740 à la place de celui de Cappel.

L’archiprêtré de Saint-Avold en 1789.

Les communautés religieuses.

Les monastères de Longeville et de Saint-Avold sont régis par la règle de saint Benoît (les Bénédictins). Au début du XVIIe siècle, ces communautés religieuses sont pénétrées par la réforme de saint Vanne et saint Hydulphe. Cette congrégation de saint Vanne et de saint Hydulphe est d’origine tridentine. Elle a pour but de lutter contre le protestantisme surtout dans ce pays de « frontière de catholicité ».

Ces abbayes sont touchées par la guerre de Trente Ans, surtout celle de Longeville. En 1635, elle est ravagée par les Suédois et en 1647 par les soldats de Turenne. De plus, elle est à nouveau pillée en 1673 par les soldats luxembourgeois sur demande des habitants de Bambiderstroff. Elle est reconstruite en 1685. Au XVIIIe siècle, les ravages de la guerre sont effacés et les deux abbayes connaissent un essor considérable tant au plan économique que spirituel. Les revenus des Bénédictins de Saint-Avold passent de 20 026 à 50 049 livres entre 1766 et 1789, ceux de Longeville de 16 385 à 45 148 livres pour la même période. Contrairement aux ordres mendiants qui au cours du siècle des Lumières enregistrent une baisse d’effectifs, l’abbaye de Saint-Avold compte douze religieux en 1766 et seize en 1789, et celle de Longeville onze en 1766 et treize en 1789.

Outre ces deux abbayes bénédictines, nous pouvons également mentionner la collégiale de Hombourg-Haut fondée par Jacques de Lorraine en 1254. Les chanoines se devaient de vivre dans la dévotion et sous le joug de l’obéissance. Monseigneur de saint Simon la supprime en 1743 et réunit les biens et revenus au Séminaire de Charité de Metz. À cette époque, il ne reste plus que trois chanoines. Les habitants, n’appréciant pas la suppression de la collégiale, ont demandé l’établissement des Récollets. En 1749, le duc Stanislas autorise leur installation. Ils sont chargés de l’administration de la paroisse. Ils reçoivent l’église du chapitre et la maison du doyen qui, une fois agrandie, sert de couvent. C’est une exception car à partir de 1730, les fondations de monastère sont rares étant donné que la vie régulière a perdu de sa crédibilité aux yeux des laïcs.

En 1630, un monastère de religieuses bénédictines se crée à Saint-Avold. La population y est favorable car ces religieuses assurent l’instruction des jeunes filles. Elles aussi subissent la guerre de Trente Ans. Elles sont obligées de s’exiler. Vers la fin du XVIIe siècle, la maison prend le nom de “Monastère de la Visitation”. Au début du XVIIIe siècle, leur situation financière n’est pas des plus favorables et en 1733, elles demandent l’autorisation de rentrer dans leurs familles quelque temps pour faire des économies. Cela est refusé par l’évêque.

D’après les visites canoniques, le règlement de la maison est dans l’ensemble bien observé. Nous pouvons noter toutefois qu’en 1788 « la mère Rosalie a eu la réputation d’avoir été engrossie par dom Bodeau, un bénédictin ». La mère supérieure a répondu que « cette sœur était malade et devait prendre les bains. » Elle ne peut pas croire que « cela soit possible surtout à 48 ans » . Tous les faits graves ont été démentis par les dépositions des sœurs. Le curé chargé de la visite pense que les bruits sont faux.

Dans l’archiprêtré, de nombreuses églises sont construites, reconstruites ou agrandies au XVIIIe siècle. C’est le cas, notamment, des églises de Valmont (la première photo) et de Macheren (la seconde photo).

La triple mission du clergé

• Former des chrétiens

Le catéchisme est né suite à la Réforme Catholique inspirée par les Pères du Concile de Trente. En effet, ces derniers ont déclaré que « le fidèle doit savoir pour être sauvé ». Ceci s’inscrit dans la volonté de combattre le protestantisme. Les évêques ont la charge de la rédaction et les curés celle de la diffusion qui a lieu en principe tous les dimanches. Au XVIIIe siècle, le catéchisme est enseigné partout. Il s’adresse en premier lieu aux enfants.

• Instruire le peuple

Création et implantation de petites écoles. En 1751, 29 paroisses sur 30 et 16 annexes sur 18 ont un maître d’école. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la quasi-totalité de l’archiprêtré est couverte de petites écoles. Ces petites écoles sont sous l’étroite surveillance de l’évêque par le biais des visites pastorales. L’article synodal de 1747 ordonne aux archiprêtres de « se renseigner auprès des curés et des habitants si le maître d’école tient son école dans tout le cours de l’année, à l’exception des temps des récoltes. Ils sont obligés de rendre compte une fois par an de leur capacité et de leur conduite ».

• Contrôler les fidèles

Il s’agit de lutter contre les hérésies et les superstitions par l’obligation d’assister à la messe, de pratiquer les sacrements et par l’étude du catéchisme et la scolarisation. Mais l’Église veut également lutter contre tout relâchement moral en limitant certaines pratiques.

Le cabaret est un rude concurrent du curé, en particulier le dimanche. Certains paroissiens préfèrent aller au cabaret plutôt que d’écouter le long prône du curé. Dans six paroisses, l’évêque ordonne aux paroissiens de ne pas profaner les saints jours de dimanche et de fêtes par la fréquentation des cabarets. Il les menace de les priver pendant toute l’année de la bénédiction du Saint-Sacrement. Nous pouvons cependant douter de la portée de ces menaces. En Lorraine comme en France, le cabaretier qui méprise les injonctions épiscopales d’avoir à fermer boutique pendant les offices apparaît comme le concurrent et parfois l’adversaire du curé.

L’Église essaie aussi de lutter contre les fêtes qui s’accompagnent de danses. En 1726, à Creutzwald, l’évêque interdit les danses publiques des deux sexes. En 1730, à la chapelle de saint Gengoulf, près de Boucheporn, le curé se plaint qu’il s’y tient tous les ans une foire le jour de la fête de ce saint. Cette année, il y a eu des danses publiques malgré sa ferme opposition. Là encore, le clergé craint les débordements et donc essaie de les limiter.

L’Église porte également une attention toute particulière aux veillées qui, selon elle, sont des lieux de débauche et d’irréligiosité. En 1726, à Creutzwald, l’évêque interdit « la publication des valentines ou fassenottes, les craignes, veillées nocturnes où les garçons et filles s’assemblent ». En hiver, les villageois se réunissent pour la veillée, les femmes filent ensemble le lin et le chanvre, on y raconte des histoires et les dernières nouvelles du village et on en profite pour danser, boire, s’amuser. Pendant ce temps, des jeunes filles et des jeunes hommes en profitent pour se livrer à une sorte de jeu dont l’aboutissement est la formation de futurs couples. Durant la période de Carnaval qui marque la fin des veillées, on dévoile les “fassenottes” : les couples formés de façon arbitraire. Si les jeunes hommes sont d’accord, ils officialisent leur demande aux parents des jeunes filles. L’Église est très méfiante envers ces pratiques qui cependant stimulent en quelque sorte la sociabilité villageoise. Elle ne parvient pas à les éliminer.

Cette vie trop austère que préconise l’Église n’est pas acceptée par les villageois. En effet, leur vie est tellement dure, remplie d’incertitudes, que le cabaret, les fêtes, les veillées leur permettent un instant d’échapper à ce destin. Sur ce point, la Réforme Catholique a échoué.

L’Église veille également à l’intégrité morale et religieuse de certaines professions. Le personnel ecclésiastique porte une attention toute particulière au maître d’école. En effet, il enseigne avant tout le catéchisme, il doit donc avoir une vie exemplaire. Il n’est pas le seul à être étroitement surveillé. En effet, la sage-femme, habilitée à donner le sacrement du baptême doit aussi être “de bonne vie et mœurs”. Rien n’est plus terrible pour les parents qu’un enfant qui meurt sans baptême. Or, la sage-femme est la première personne à toucher l’enfant ; donc si l’accouchement se présente mal, elle peut intervenir directement. Le curé doit donc lui enseigner la manière d’administrer “le baptême de précaution”. Elle est élue par les femmes. Cette élection est surveillée par le curé qui vérifie si cette personne est de bonne moralité et de surcroît une fervente catholique. Elle doit prêter serment sur les évangiles. En général, tous les villages de l’archiprêtré de Saint-Avold ont une sage-femme. Peu de plaintes sont formulées contre elles. Nous pouvons noter toutefois qu’à Leyding, en 1730, la sage-femme refuse de prêter le serment par superstition. La même chose s’observe à Ittersdorff en 1735. À Merten, en 1751, les habitants se plaignent qu’elle ne fasse pas correctement son devoir. Les deux matrones de Saint-Avold contestent la modicité de leur gage. À Redlach (1751) et à Varsberg (1730), le visiteur mentionne qu’elles sont trop âgées.

Avec la Réforme Catholique, les fidèles sont de plus en plus encadrés et les curés, absents au siècle précédent, mieux formés à présent, véritables délégués de l’évêque, se voient attribuer au XVIIIe siècle un rôle de plus en plus important : responsables de la catéchèse, garants de la morale et des directives épiscopales.

La messe : fréquentation et attitude des fidèles

La messe dominicale constitue l’élément principal du culte catholique. En 1698, le curé de Longeville se plaint que ses paroissiens n’assistent pas assez assidûment aux services divins. C’est la seule plainte que l’archiprêtre a pu relever lors de sa visite générale de 1698. Cependant, nous ne pouvons pas conclure que dans toutes les autres paroisses, les fidèles assistent régulièrement aux offices divins. En 1735, à Tritteling, le curé se plaint que ses paroissiens n’assistent pas régulièrement aux vêpres. Il souhaiterait qu’il y ait au moins un chef de famille avec les enfants et les domestiques. L’évêque menace les paroissiens de les priver de la participation aux sacrements s’ils ne sont pas plus assidus.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’évêque rappelle aux habitants de Nouveau Forveiller, de Berveiller, d’Ittersdorff qu’ils doivent assister aux services divins avec plus d’assiduité. Il y a quatre causes principales à la non assistance à la messe. Ce sont les occupations professionnelles, les foires et marchés, la fréquentation des cabarets, la concurrence des réguliers. D’après les ordonnances de notre archiprêtré, la fréquentation des cabarets serait la cause première de ce manque d’assiduité aux offices. Mais, si nous considérons l’ensemble de nos paroisses et annexes, le nombre de plaintes et d’ordonnances concernant le cabaret sont minimes : environ 8 % en 1751. Nous pouvons supposer que les travaux des champs en juillet et août en sont aussi une raison importante. L’article synodal de 1741 autorise les curés « à accorder une permission générale de travailler les jours de fêtes et même les dimanches lorsque les biens de la terre péricliteront. Les offices seront avancés ou retardés à cet effet. En dehors de cette nécessité, il faudra se conformer aux heures fixées par les ordonnances ». En 1747, cet article est réitéré.

Quelle est l’attitude des paroissiens ? Tout d’abord, nous savons qu’à l’église, les personnes ont une place attribuée selon leur rang social. Pour le reste, peu de renseignements nous sont fournis par les procès-verbaux. Mais il est aisé de penser que lors de la cérémonie en latin, les fidèles ne comprenant rien, doivent être dissipés. De plus, quand il y a une tribune, le visiteur écrit plus d’une fois, qu’elle est à l’origine de beaucoup de débordements. La familiarité est de mise.

Monseigneur de Cambout de Coislin publie cette ordonnance : « Dans toutes les églises du diocèse, aucune personne ne doit avoir de longs entretiens ou conversations suspectes, aucune femme ne doit venir en robe de chambre ou le sein découvert. Si quelqu’un enfreint cela, l’office cessera et ne recommencera quand il n’y aura plus de présence scandaleuse ». Nous ne savons pas dans quelle mesure cette ordonnance a été appliquée dans notre archiprêtré mais nous pouvons voir que le problème de l’indiscipline des paroissiens est quasi-général. Plutôt que de l’absentéisme, les curés se plaignent de la mauvaise tenue des paroissiens, de leur inattention au sermon, de l’inobservation du repos dominical. Après la messe du dimanche et des jours de fêtes, les fidèles doivent observer le repos dominical. En effet, ce repos se fonde sur « l’idée que le travail étant une punition du péché, on est provisoirement libéré de cette servitude le jour où se célèbre le Seigneur ressuscité ».

Les cartes qui illustrent cet article ont été réalisées par Jean-Paul BELVOIX Les photos sont de Bernard BECKER et Gilbert HEYMES

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