La construction de la basilique Notre-Dame de Bon-Secours.

par André Pichler

(extraits de l’article paru dans le numéro 26 du Cahier du pays naborien : « Georges Auguste Lemire, sa vie et son œuvre à Saint-Avold »)

La chapelle de la colline de Valmont ou Walmer Kapelle, future basilique.

Les moines bénédictins de l’abbaye Saint-Nabor empruntaient fréquemment le chemin de la vallée du Seligenbach (aujourd’hui Selchenbach) pour se rendre à leur ferme de Furst (à Folschviller). Très attachés au culte marial, ils eurent sans doute l’idée de créer sur ce chemin un reposoir sous la forme d’un petit oratoire qu’ils dédièrent tout naturellement à la Vierge Marie. C’est probablement ainsi qu’est née la première chapelle de Valmont, au XVIe siècle semble-t-il. Des légendes issues de l’imagination populaire donnent d’autres versions, sans intérêt particulier toutefois. Au début du XXe siècle, la tradition locale liait la création de la chapelle à la venue au lieu-dit Ketzerrath (litt. conseil des hérétiques) d’un prédicateur luthérien que de pieuses femmes de la ville auraient chassé à coups de pierres et poursuivi jusqu’à Hombourg-l’Évêque. Cet événement se serait produit au milieu du XVIe siècle, près de l’endroit où est implantée l’église protestante, inaugurée en 1889.

Ce petit sanctuaire devint rapidement un lieu de pèlerinage qui prit de l’ampleur à la suite de faits prétendument miraculeux rapportés ici ou là. La chapelle finit ainsi par devenir trop petite pour accueillir les gens qui s’y pressaient certains jours. Cela amena les bénédictins, vers 1680-1685, à remplacer le petit oratoire par une chapelle, dont les plans furent réalisés par des ingénieurs français logés à Saint-Avold et occupés à l’édification des fortifications de Sarrelouis, sous la direction de Vauban. Le pèlerinage, ainsi conforté, poursuivit sa progression et rapidement apparurent des ex-voto en remerciement à la Vierge Marie pour des guérisons obtenues ou des vœux exaucés.

Un siècle plus tard, la chapelle fut détruite par les révolutionnaires naboriens, au cours de la campagne de déchristianisation de 1794, mais la statue de la Vierge avait pu être sauvegardée par les dames Simonin et Delèze (ou Delesse) qui la conservèrent précieusement à leur domicile. De nombreux fidèles continuèrent de venir prier sur les ruines de la chapelle, malgré les interdits formels. Sitôt le culte restauré, le sanctuaire fut « rétabli par les soins de fidèles de la ville et des environs », écrivit le curé archiprêtre de Saint-Avold, Jean Nicolas Houllé (1750-1841), dans son courrier à l’évêché daté du 3 août 1806. Il y demandait la permission de transporter en procession à la chapelle, un dimanche après vêpres, « l’image de la Sainte Vierge, sauvée et conservée jusqu’à ce jour », ce qui lui fut accordé le 6 août.

La chapelle était alors appelée par les fidèles « Notre-Dame aux trois montagnes », selon l’abbé Houllé, et aussi « la chapelle de Valmont » (die Walmer Kapelle). Elle est en effet implantée sur le ban de Saint-Avold, au pied de la colline de Valmont, à une quarantaine de mètres de la limite territoriale de cette commune. En 1853, le vocable « Notre-Dame de Bon-Secours » (Maria Hilf) était déjà attaché à la chapelle. En 1868, selon Bronder, elle était également connue sous le nom de « Notre-Dame des Sept-Collines », sans doute une allusion aux sept collines de Rome.

Le pèlerinage, qui avait naturellement repris sa progression, connut sans doute une apogée en 1832, lors de la grande épidémie de choléra. On éleva alors devant la chapelle une croix ainsi que des statues de saint Sébastien et de saint Roch, traditionnellement invoqués durant ces terrifiantes épidémies.

La construction d’une nouvelle chapelle.

En décembre 1889, le conseil de fabrique constata qu’il était urgent d’engager une restauration de la Walmer Kapelle alors en très mauvais état, mais il ne disposait pas des 10 000 marks nécessaires à l’opération. D’autre part, la taille de cette chapelle, qui se trouvait alors à l’écart de la ville, au milieu des champs, n’était plus adaptée au succès du pèlerinage. C’est sans doute à partir de ces éléments que germa dans l’esprit de l’archiprêtre Georges Lemire l’idée de bâtir un nouveau sanctuaire. À vrai dire, il avait vraisemblablement encore une autre bonne raison d’envisager un tel projet. La proximité de la nouvelle église protestante, qui venait d’être inaugurée, constituait vraisemblablement à ses yeux une tache qu’il convenait d’effacer, ou au moins d’atténuer. À cette fin, la construction d’un sanctuaire dédié à la Vierge Marie, qui serait plus grand et qui dominerait tous les clochers de la ville, lui apparaissait sans doute la réponse appropriée.

Lemire aurait sûrement lancé son projet plus tôt s’il en avait eu les moyens, mais face aux finances exsangues de la fabrique et bien que disposé à puiser largement dans ses réserves personnelles, il se voyait contraint de trouver des fonds complémentaires conséquents, ce qui demandait du temps. Encouragé par l’évêque, il lança à cet effet des collectes à Saint-Avold, dans sa proche région, et plus largement dans le diocèse. Il bénéficia de dons de fidèles enthousiasmés par le projet, dont nombre de prêtres. On cite notamment l’abbé Jean-Pierre Louis (1822-1898), curé de Folschviller de 1873 à 1898, qui, selon l’un de ses descendants, légua la totalité de ses biens à Lemire pour l’édification du sanctuaire, cela au grand désappointement de ses héritiers. Enfin, les messes demandées par les pèlerins, de plus en plus nombreuses, constituaient une petite source de revenus bienvenue. Lemire se trouva donc contraint d’échelonner les travaux, au gré des ressources financières disponibles. Il engagea ainsi prudemment, au début de 1890, une première étape qui devait donner naissance à une chapelle nettement plus vaste que l’existante, mais somme toute encore relativement modeste. Il avait sûrement une idée assez précise de ce que devrait être l’église entièrement achevée, mais il n’avait alors aucune certitude sur sa capacité de financement et donc sur ses chances de pouvoir mener le projet à terme. Par ailleurs les premiers signes de ses troubles visuels allaient rapidement lui compliquer la tâche.

Pour l’établissement des plans du futur sanctuaire, Lemire fit appel à l’architecte messin Rémy Jacquemin (1844-1906), qui était déjà intervenu pour la réalisation de la chapelle des Sept-Douleurs en 1886. Les travaux de maçonnerie furent confiés au maître maçon Giuseppe Brunelli. Quant à la main d’œuvre, l’archiprêtre semble avoir bénéficié du bénévolat de nombreux fidèles, dont des maçons italiens occupés à la construction de casernes et de logements pour les militaires allemands, et auxquels il promettait sans doute des grâces célestes. La garnison y apporta probablement aussi sa contribution, soit ouvertement, soit par l’intermédiaire de militaires catholiques, plus ou moins bénévoles. Les archives, tant paroissiales que municipales ou départementales, sont totalement muettes sur la question du financement des travaux. Elles nous apprennent seulement qu’en avril 1902, lorsqu’il fut question d’acheter l’orgue nécessaire, l’édifice entièrement achevé n’avait pas coûté un pfennig (un centime, écrit Lemire) à la fabrique, bien qu’elle en fût propriétaire. Dans la réalité, l’archiprêtre semble avoir mené son projet sans tenir de comptabilité structurée, en ne rendant apparemment de comptes à personne. En tout cas, il est impensable que cette grande église ait pu être érigée dans les conditions normales des marchés de l’époque, avec les seuls dons en numéraires de fidèles. L’exemple de la construction de l’église luthérienne conforte largement ce point de vue, de même que la délibération suivante du conseil municipal, prise le 22 avril 1902, au sujet de travaux à l’église abbatiale : « Le conseil accorde 1 229 marks à l’archiprêtre Lemire, car si les travaux avaient été confiés à un entrepreneur, une somme plus élevée aurait dû être payée. »

La pose de la première pierre.

La cérémonie fut fixée au lundi de Pentecôte, 26 mai 1890, à l’issue des vêpres solennelles de 14h30. Pour la cérémonie, le chantier avait été décoré d’arcs de triomphe faits de colonnes de verdure surmontées d’oriflammes aux couleurs de la Vierge Marie (bleu et blanc) et du pape (jaune et blanc), reliées par des guirlandes de mousse. À la fin des vêpres, la foule se rendit en procession à la colline de Valmont, au son des cloches et sous les salves d’artillerie. Il y avait là plusieurs dizaines de prêtres, le maire et les conseillers municipaux, le conseil de fabrique au complet, les enfants de chœur, les premiers communiants des paroisses de Saint-Avold, Longeville et L’Hôpital, la grande foule des Naboriens, des fidèles des environs et de l’étranger, etc. Au total, l’événement rassembla plus de 2000 personnes, selon l’abbé Lemire. Sur place, le clergé et les notables s’installèrent à l’intérieur du périmètre des fondations déjà sorties de terre. Après que la foule eut chanté plusieurs cantiques, le chanoine et vicaire général Louis Willeumier (1844-1915), spécialement délégué par l’évêque, bénit le chantier et la foule. Le vicaire Philippe Chatelain (1863-1922) rédigea en latin le procès-verbal de la cérémonie, lequel fut signé par les membres du clergé et les notables, dont le maire Gustave Wolff (1850-1894). On plaça ensuite ce document avec des pièces de monnaie de l’époque dans la cassette que le maître maçon Giuseppe Brunelli scella dans la lourde pierre de taille fondamentale du portail principal. La cérémonie s’acheva par le « Te Deum de la Sainte Vierge », sans doute le Magnificat. De par la volonté de Lemire, le futur sanctuaire venait d’être explicitement placé sous le vocable de « Notre-Dame de Bon-Secours » ou Maria Hilf.

La chapelle de Bon-Secours en 1890

Le vocable « Notre-Dame de Bon-Secours ».

Le duc de Lorraine, René II (1451-1508), et ses alliés avaient écrasé les Bourguignons de Charles le Téméraire lors de la bataille de Nancy, en 1477. Sur le lieu de sépulture des milliers de soldats qui y avaient perdu la vie, le duc autorisa en 1484 la construction d’une chapelle qu’il plaça sous le vocable de Notre-Dame de Bon-Secours, en remerciement à la Vierge Marie pour cette victoire, et peut-être aussi par allusion au « bon secours » que les Suisses lui avaient apporté pour la circonstance. Ce vocable fut ainsi introduit dans le duché de Lorraine.

Quelques siècles plus tard, le pape Pie VII (1800-1823), Barnaba Chiaramonti (1742-1823), de retour à Rome, le 24 mai 1814, après cinq années de captivité sur ordre de Napoléon, institua la fête anniversaire de Marie, Secours des chrétiens, ou Mère Auxiliatrice, ou encore Notre-Dame de Bon-Secours. C’est donc très naturellement que la fête de la patronne du sanctuaire de Saint-Avold fut célébrée le 24 mai, et ce peut-être dès le milieu du XIXe siècle.

La tempête du 27 août 1890.

Les travaux de construction avaient progressé à une vitesse telle que le gros œuvre venait d’être achevé. La pose de la couverture était déjà bien avancée. Ce jour-là, vers 16 heures, une violente tempête balaya le vallon du Seligenbach. D’une violence inouïe, elle arracha plusieurs toitures, brisa des fenêtres et des palissades, renversa des cheminées, dont celle de la tuilerie Jochum, et jeta à terre la flèche de la jeune église luthérienne. La chapelle Notre-Dame de Bon-Secours ne subit aucun dégât, hormis la chute de ce qui restait de l’échafaudage mis en place pour la construction du campanile. Bien des fidèles y virent la main puissante et protectrice de la patronne de la chapelle, sans doute confortés en cela par le vénéré archiprêtre.

La bénédiction de la chapelle.

Construite ainsi en un temps record, la chapelle fut bénie le samedi 11 octobre 1890. La cérémonie fut présidée par l’évêque de Metz, François Louis Fleck, ancien curé de Valmont et proche de Georges Auguste Lemire. Dès 6 heures du matin ce jour-là, l’archiprêtre célébra la dernière messe à l’ancienne chapelle. La procession venant de Valmont, conduite par son curé, arriva dans le même temps. Après une dernière prière, la statue de Notre-Dame de Bon-Secours, « Mère auxiliatrice », quitta les lieux, portée sur les épaules de jeunes filles de Saint-Avold et de Valmont. Vers 7 heures, la procession fit son entrée à l’église paroissiale, puis à 8 heures, l’évêque de Metz, qui venait juste d’arriver, célébra la messe devant une forte assistance. Vers 9 heures se forma la grande procession pour transporter la statue de Notre-Dame de Bon-Secours à travers la ville, jusqu’au nouveau sanctuaire. Vers 10 heures, le cortège de plus de 4 000 personnes, venues de tous horizons, arriva au pied de la colline de Valmont. L’évêque y bénit la statue de la Vierge et la chapelle, puis le curé de Guentrange, Jean Nicolas Klein (1830-1904), enfant de Saint-Avold, y célébra la première messe en grande solennité. Le nouveau sanctuaire contenait près de 400 personnes, tandis que plus de 4 000 autres se tenaient à l’extérieur. Après l’émouvante allocution de l’évêque, on chanta le Te Deum, puis le prélat fut reconduit en ville, toujours en procession. Au cours du repas qui suivit au presbytère et qui réunissait prêtres et notables, l’évêque rendit un hommage vibrant à Lemire en ces termes : « Il a travaillé avec une indomptable énergie. Il s’est fait quêteur, carrier, maçon, entrepreneur, architecte, se prodiguant sans relâche pour faire beau et vite, avec peu de ressources. » En peu de mots, l’évêque venait de parfaitement décrire le personnage et de lui témoigner toute l’estime qu’il nourrissait à son endroit.

Le chœur primitif et les deux autels du transept vers 1960.

La chapelle et son mobilier.

Cette chapelle, objet de la première tranche du grand projet de l’archiprêtre Lemire, avait été construite dans le prolongement du sanctuaire du XVIIe siècle, reconstruit après 1802, et sur le même axe. Édifiée en forme de croix latine, elle était formée d’une abside polygonale, d’un transept et d’une nef à vaisseau unique de trois travées. Conformément à la tradition chrétienne, son chœur était orienté, le soleil levant évoquant l’image du « Christ lumière ».

Au moment de sa bénédiction, la chapelle avait reçu son maître-autel, dessiné par Rémy Jacquemin et réalisé en pierre blanche de Hellering par le sculpteur hombourgeois Pierre Théodore Nousse (1861-1929). Les deux autels du transept, dédiés respectivement à la Sainte Famille (côté nord) et aux quatorze saints auxiliaires associés à la Vierge auxiliatrice (côté sud), furent réalisés par les mêmes, sans doute un peu plus tard. Les baies du chœur et du transept avaient reçu leurs vitraux, encore en place aujourd’hui, élaborés dans les ateliers du Nancéien Victor Höner (1840-1896). Quant aux six baies de la nef, elles furent (provisoirement) fermées par du verre cathédrale ou en simple grisaille, dans l’attente de l’extension future.

Le campanile de la croisée du transept, réalisé en pierres de taille, était surmonté d’un ange de taille humaine sculpté dans la pierre de Savonnières (à côté de Bar-le-Duc), qui portait la bannière de Maria Hilf. Dans les derniers jours de 1890, on y installa deux cloches fondues par Bour et Guenser, l’une payée par Lemire, l’autre, de 180 kg, offerte par la famille du fondeur Louis Bour (1848-1917), originaire de Folschviller. Les deux cloches, bénies le 6 janvier 1891, jour de l’Épiphanie, furent sonnées en volée pour la première fois dans l’après-midi.

Destinée avant tout au pèlerinage de Notre-Dame de Bon-Secours, dont le succès croissait de jour en jour, la chapelle devint également église de garnison au début de 1891, pour une durée d’environ une année. Quant à l’ancienne chapelle demeurée en place, elle allait être convertie, en 1906, en logement pour le gardien des lieux.

Après avoir appelé les fidèles aux offices pendant plus de 50 années, les cloches disparurent avec le campanile, supprimé dans les années 1950 pour cause de stabilité douteuse. Toutefois, malgré tous les regrets que l’on peut en éprouver, il convient de reconnaître que cet imposant campanile en pierre de taille, supporté par la charpente en bois de l’édifice, relevait de l’aberration vis-à-vis des règles de l’art en matière de construction. Ce campanile ne pouvait qu’être fissuré de toutes parts et menacer de s’effondrer quand il fut décidé de le supprimer. Quant aux deux cloches, nul ne sait ce qu’elles sont devenues.

La “grotte de Lourdes” vers 1890.

La « grotte de Lourdes »

À la suite des apparitions de 1858, le pèlerinage de Lourdes devint un grand modèle de piété pour la catholicité, ce qui donna naissance à de nombreuses représentations de la « grotte de Lourdes », le plus souvent implantées dans la périphérie des églises. La chapelle du pèlerinage marial de Saint-Avold eut ainsi sa « grotte de Lourdes », probablement dès le début des années 1880. La photographie ci-dessus la montre dans sa configuration de 1890, avec à l’arrière-plan la vieille chapelle démolie par les révolutionnaires, reconstruite après 1802 et rendue au culte marial en 1806. On y aperçoit également un jeune ecclésiastique sur ce qui pourrait être une chaire à prêcher avec son abat-voix, ou parasol, particulièrement rustique. La présence de bancs semble indiquer que cette grotte était un lieu habituel de célébration. Après plusieurs modifications, son aspect d’aujourd’hui en fait un élément parfaitement intégré dans le décor du sanctuaire.

L’achèvement du sanctuaire.

Georges Auguste Lemire ne perdait pas de vue son objectif de réaliser le sanctuaire marial grandiose qu’il avait imaginé. Aussi, à peine la première tranche achevée, s’attela-t-il à la définition de la suite du programme, et à la mise au point de son plan de financement. En 1897 débutèrent les travaux qui allaient donner naissance à la grande construction de plan centré octogonal, destinée à abriter le chœur principal du sanctuaire. La crypte du niveau inférieur, qui devait devenir une chapelle en partie souterraine, avait déjà pris forme en 1898, quand le chanoine et vicaire général Louis Willeumier présida la cérémonie de pose de la première pierre de la nouvelle construction, en présence d’une grande foule de pèlerins, venus de Lorraine et de « Prusse-Rhénane », des Sarrois essentiellement.

En 1900, le grand vaisseau de plan centré octogonal était achevé. Sa base, d’où se dégageait un second transept, était prolongée par un tambour à seize pans qui supportait le dôme monumental, surmonté d’un lanternon à jour. Ce dernier portait une grande croix de Lorraine, visible de loin, et qui culminait à 33 mètres au-dessus du sol du vaisseau. Le dôme comportait seize lucarnes, ornées alternativement de globes et de croix, symbolisant la rencontre des hommes avec Dieu. Quant aux seize pans du tambour, ils portaient chacun une discrète croix de Lorraine, gravée en creux dans la pierre. Lemire délivrait ainsi un message sans ambiguïté, à quelques pas de la Berg Kaserne des uhlans.

La façade occidentale présentait deux tours carrées encadrant la niche dans laquelle était logée la grande statue baroque de la Vierge venant de l’ancien portail classique de la cathédrale de Metz. L’inscription suivante y avait été gravée :

  • en partie supérieure, MATER BONI AUXILII REGINA LOTHARINGIA (Mère de Bon-Secours, reine de Lorraine) ;
  • sur le socle, VIRGO SUPPLEX SEMPER SUCCURE POPULO TIBI DEVOTO (Vierge suppliante, viens toujours au secours de ton peuple dévoué).

Des aménagements de dernière heure.

En 1900, alors que l’édifice était à peu près achevé et que les six baies de la nef de la chapelle primitive avaient déjà reçu les vitraux définitifs, on s’aperçut, semble-t-il, que l’esthétique de l’ensemble n’était pas idéale. Il existait en effet un abrupt excessif entre le grand volume de section octogonale et la couverture de la nef de la chapelle de 1890. On décida alors, dans l’urgence, de réaliser les travaux suivants, d’après ce que l’on peut comprendre de l’examen attentif des photographies disponibles :

  • rehaussement des voûtes de la seconde et de la troisième travée de la nef de la chapelle primitive,
  • construction de deux tours latérales ouvertes sur la seconde travée,
  • rehaussement des baies de la troisième travée et mise en place de vitraux nouveaux (Thiria, Metz),
  • transfert des vitraux de la troisième travée dans les baies des tours nouvellement construites. Vue du ciel après l’ajout de ces deux tours, la partie primitive de l’église formait ainsi une autre croix de Lorraine. Dans le même temps, on accola une sorte de balcon à la façade ouest du tambour qui supporte le dôme. Cette curieuse construction n’était en définitive qu’un moyen d’accès bien sécurisé aux combles de la coupole. Peu esthétique, elle fut rapidement démontée et remplacée un temps par une échelle métallique ancrée dans la maçonnerie, laquelle fut à son tour supprimée quelques années plus tard.

Le sanctuaire achevé en 1902

La bénédiction du sanctuaire.

La bénédiction du sanctuaire achevé eut lieu le samedi 11 octobre 1902, douze années, jour pour jour, après celle de la chapelle, objet de la première étape. Curieusement, l’événement semble s’être déroulé dans une relative discrétion. Les documents paroissiaux connus n’en portent aucune mention. Seul un petit encart de l’édition du 7 octobre du St. Avolder Anzeiger en faisait état. Il y était précisé que « le grand vicaire de Metz, l’abbé Willeumier » procéderait à la bénédiction (Einsegnung) le samedi 11 octobre et que la consécration (Einweihung) aurait lieu l’année suivante avec toute la festivité requise. Finalement rien ne permet d’affirmer que cette consécration eut bien lieu. Une telle discrétion est pour le moins surprenante en comparaison des fastes dont furent entourées les bénédictions précédentes et de la publicité qui en fut faite. Quoi qu’il en soit, le sanctuaire fut dès lors appelé « basilique » par le public, sans doute de par la volonté de l’archiprêtre Lemire, qui semblait associer ce terme à l’aspect ou à l’architecture de son église.

Le vœu le plus cher de l’abbé Lemire était sans aucun doute que ce sanctuaire devînt un jour officiellement basilique mineure. Ce vœu se concrétisa le 31 août 1932, dix ans après sa mort, avec le bref apostolique N. 1047/1932 du pape Pie XI (1922-1939), Achille Ratti (1857-1939).

Les statues de la cathédrale de Metz

Les deux grandes statues qui ornent les façades occidentales de l’église paroissiale et de la basilique, proviennent de la cathédrale de Metz.

Jacques François Blondel (1705-1774), architecte du roi et membre de l’Académie, avait conçu le grand portail classique de la cathédrale de Metz, dont la construction s’étendit d’avril 1764 à juillet 1766. Les deux arrière-corps de cette façade, situés de part et d’autre de la grande porte, étaient chacun ornés d’une niche. Celles-ci avaient reçu des statues en pierre de Jaumont, d’environ 3 mètres de hauteur, réalisées par le sculpteur namurois Pierre François Le Roy (1739-1812). Celle de gauche représentait « La France » et celle de droite « La Religion », le catholicisme étant alors religion d’État en France.

En 1895, l’empereur Guillaume II approuva le projet de nouvelle façade néogothique, élaboré par le Dombaumeister (l’architecte de la cathédrale) Paul Tornow (1848-1921) en collaboration avec le sculpteur Louis Auguste Dujardin (1846-1925). Les travaux débutèrent en 1898 pour s’achever en 1903. Ainsi dès 1898, les deux statues de Le Roy étaient disponibles.

Georges Auguste Lemire eut très tôt connaissance de cette disponibilité, en sa qualité de membre à vie de l’Œuvre de la cathédrale de Metz, dont le comité était alors formé de l’évêque Louis Fleck, du Bezirkspräsident Hans von Hammerstein et du Dombaumeister Paul Tornow. Tout à sa paroisse, il ne pouvait manquer une telle opportunité qui se présentait au meilleur moment, la façade du sanctuaire de Bon-Secours étant en cours de construction. Par ailleurs, l’église paroissiale présentait au-dessus du portail une niche vide, parfaitement adaptée à la taille de ces statues. Face à de tels arguments, ses pairs n’eurent aucune raison de lui refuser cette faveur.

L’ancien portail de la cathédrale de Metz vers 1896.

De son côté, le conseil municipal de Saint-Avold, dans une décision du 19 septembre 1898, accorda 800 marks à la fabrique pour l’installation de ces statues. « La Religion » vint alors orner la niche de la façade occidentale de l’église paroissiale. Sur son socle on grava : « De Eccla / Cathedrali Metensi / Huc Translata / Anno 1898 » (Transférée de l’église cathédrale de Metz en ce lieu, en l’an 1898). Quant à « La France », elle fut intégrée dans la façade occidentale du sanctuaire de Bon-Secours, alors en voie d’achèvement, où elle allait représenter la « Mère de Bon Secours ».

Relevons que ces deux statues sont aussi connues à Saint-Avold respectivement sous les noms de « La Foi » et « L’Espérance », des appellations peut-être dues à l’archiprêtre Georges Auguste Lemire.

«La France » (basilique Notre-Dame de Bon-Secours) et «La Religion » (église abbatiale)