Affiche de 1899 pour le “Wild West Show” avec le portrait du colonel W.F. Cody à cheval.

Du pays naborien au pays des bisons, des cow-boys et des Indiens

par Jocelyne BARTHEL Extraits de l’article paru dans le numéro 22 du “Cahier du Pays Naborien”

Qui ne connaît Buffalo Bill ? Un mythe de l’ouest américain, un personnage légendaire connu de tous. Mais combien savent qu’il a réellement existé et que la plupart de ses exploits ont été réalisés avant l’âge de 20 ans ? Qui se souvient qu’il est venu à Metz en 1906 ? Et surtout qui sait qu’il avait de la famille en Moselle et que son épouse et ses enfants descendent de laboureurs du pays naborien ?

Un mythe vivant

Si son personnage est si célèbre, c’est que ses aventures touchent aux principaux symboles de l’Ouest américain : les convois de bétail, la ruée vers l’or, la guerre civile, les guerres indiennes, la cavalerie américaine, l’épopée du Pony Express et celle des chemins de fer… Grand pourfendeur d’Indiens et de bisons avant de devenir leur protecteur à sa façon, William Frederick Cody, dit “Buffalo Bill”, est aussi un homme de spectacle et un chef d’entreprise. À l’américaine : show man et champion de la publicité !…

Carte postale de la tournée française de 1905 de Buffalo Bill. Collection Jean-Claude Berrar.

C’est après son mariage avec Louisa Maude Frederici qu’il songe à mener une vie “plus rangée” en interprétant son propre rôle dans des spectacles à sa gloire, puis en fondant son propre show itinérant le “Buffalo Bill’s Wild West Show” (le spectacle de l’ouest sauvage de Buffalo Bill), connu en français sous le nom de “Cirque Buffalo Bill”, avec lequel il fait plusieurs tournées en Europe, passant par Metz les 1er et 2 septembre 1906. Faire découvrir au vieux monde la vie dans l’ouest sauvage américain, tel est le but de l’entreprise de près de 200 artistes dont 97 véritables Indiens : courses-poursuites entre Indiens et cow-boys, attaques de diligence, tireurs d’élite, chefs indiens en costumes de cérémonie, chevaux, bisons…

Il met en scène sa propre vie, ses exploits sont racontés de son vivant dans des pièces de théâtre, des romans, des magazines illustrés. Difficile alors de faire la part du vrai et du faux, de la vie légendaire ou réelle, une vie de toutes façons aventureuse, digne des meilleurs westerns de la grande époque. Les sources et sites américains s’y perdent, donnant parfois des renseignements erronés ou contradictoires, même les plus sérieux. Il faut démêler l’écheveau, ce qui n’est pas toujours facile, en généalogie encore moins, de nombreuses familles américaines cherchant à se rattacher à lui par les Cody ou par les Frederici, nom de son épouse. Même les sources référencées par les sérieux Mormons se perdent en noms d’épouses, en générations de Frederici, en origines supposées.

Des origines controversées

Cody, c’est forcément irlandais, voire canadien, ou même espagnol ! Frederici, ça fait penser à l’Italie, et comme on sait que le beau-père de Buffalo Bill venait “d’Alsace-Lorraine”, on suppose les Frederici originaires du sud de la France et par là de l’Italie. Alors qu’il s’agit tout simplement de la forme latine, déformée par les registres paroissiaux locaux, de bons vieux Friedrich de l’est mosellan, de la Lorraine germanophone ou d’autres territoires de même langue avant la guerre de Trente Ans. Friedrich ou Frédéric.

Belle coïncidence, Frederick est aussi le deuxième prénom de William Frederick CODY, dit “Buffalo Bill”, né le 26 février 1846 à LeClaire dans le comté de Scott, Iowa, quatrième d’une famille de huit enfants.

Son père, Isaac Cody, est né en 1811 à Toronto au Canada, mais la famille Cody est originaire du Massachusetts sur trois générations : deux Philip et un Joseph, nés respectivement en 1770, 1729 et 1700 dans le comté d’Essex et les villes d’Oxford, Ipswich, Beverly. Le Massachusetts, c’est la région de Boston et de Salem, un des États les plus anciennement peuplés par les immigrants en Amérique, celui où les pères pèlerins du Mayflower ont débarqué. Faire remonter sa généalogie à 1700 quand on est américain, c’est une gageure. Les Cody peuvent le faire : ils sont depuis au moins 1700 en Amérique. Et après, surprise ! Le père de Joseph CODY, ou LECAUDY, né dans le Massachusetts en 1700, vient de Saint Pierre, île de Jersey. “France “, précisent les Américains, fâchés avec la géographie.

Des enfants du pays naborien

Passons à nos amis FRIEDRICH, FRIDERITZI, FREDERITZI, FREDERICI. Nous ne remonterons qu’à 1650. C’est déjà bien, surtout dans nos régions ravagées par la guerre de Trente Ans, où les registres ont disparu ou n’ont pas existé, où les populations passent d’un territoire à un autre, fuyant la guerre comme les ravages des troupes en temps de paix. Barthélémy FRIEDRICH, né avant 1650, s’installe à Guenviller à cette époque ou un peu plus tard, venant de la région ou de plus loin, les sources manquent pour préciser davantage. Probablement par le biais d’un registre paroissial rédigé en latin, il est devenu FREDERICI, comme son fils Jean-Pierre, né vers 1670, appelé lui aussi FRIEDRICH ou FREDERICI. Ils sont probablement laboureurs ; plusieurs fils de Jean-Pierre le seront à leur tour. Jean-Pierre épouse à Guenviller, le 23 juin 1693, Anne Marguerite KIEFFER, fille de Michel KIEFFER et Sybille MARTIN. Ensemble ils auront neuf enfants à Guenviller entre 1695 et 1721. Jean-Pierre y décède le 7 juin 1734 et son épouse le 25 décembre 1753.

Un de leurs plus jeunes fils nous intéresse : Jean Gaspard ou Caspar FREDERICI, né à Guenviller le 21 août 1717. Il perd son père à 17 ans et devient néanmoins laboureur, ce qui prouve une certaine aisance de la famille. Il se marie à Cappel le 23 janvier 1742 avec Catherine PHILIPPE, de Cappel, née en 1717 également, fille de Christophe PHILIPPE et de Anne Catherine ARNOULD ou ARNOLD. Celle-ci est veuve, remariée depuis 1736 à un Pierre FRIDERICI, de Guenviller, qui doit être un cousin de Jean Gaspard. Christophe PHILIPPE, né le 11 octobre 1693 à Théding, est le fils de Georges PHILIPPE et Catherine EGLOFF, de Théding. Anne Catherine ARNOULD, née à Cappel le 4 novembre 1697 (elle y meurt le 26 janvier 1751), est la fille de Jean Etienne ARNOULD et Barbe METZINGER. Ils ont eu six enfants à Cappel entre 1719 et 1732.

Le village de Cappel avant 1914.

Après son mariage, Jean Gaspard FREDERICI s’installe à Cappel où il a avec son épouse Catherine PHILIPPE sept enfants entre 1744 et 1759. Il s’éteint dans cette commune le 29 janvier 1762, à 45 ans; son épouse lui survit 30 ans, décédant à Cappel le 17 juin 1793. C’est à Cappel qu’il faut suivre désormais la famille. Un de leurs fils, Jean Melchior FREDERICI, devient cordonnier. Né à Cappel le 14 septembre 1751, il épouse d’abord en janvier 1785 à Biding Madeleine THIRION, née à Biding en 1757, décédée à Biding également seulement dix mois après son mariage en novembre 1785 (peut-être morte en couches). À peine six mois plus tard, à Cappel, le 9 mai 1786, Jean Melchior le cordonnier épouse une jeune fille de Cappel, Anne Marie ADAM, née le 15 novembre 1757.

Anne Marie est la fille d’un manœuvre, Christophe ADAM, né en 1727 à Seingbouse, décédé en l’an treize (1805) à Cappel, fils de Jean ADAM et Anne Marie JUNG de Seingbouse. Christophe ADAM a épousé le 16 janvier 1753 à Valette Marguerite EGLOFF (née en 1718 à Cappel, décédée en 1792 à Cappel), avec laquelle il a eu quatre enfants à Cappel entre 1753 et 1760. Marguerite EGLOFF est elle-même la fille de Jean Nicolas EGLOFF, manœuvre originaire de Puttelange (fils d’Albert EGLOFF et Madeleine ZIEGLER de Puttelange) et de Barbe DEUTSCH, mariés à Altrippe le 26 avril 1712. Barbe DEUTSCH, qui a eu ses trois enfants à Cappel, y décède le 26 avril 1761 ; elle est la fille de Pierre DEUTSCH et Marie JUNG d’Altrippe.

Guenviller, Cappel, Théding, Biding, Seingbouse, Valette, Puttelange, Altrippe, puis Hoste, Ellviller : c’est dans une micro-région à l’est de Saint-Avold que se situent tous les ancêtres et alliés de la famille FREDERICI. C’est à Cappel qu’il faut les suivre encore une génération avant le grand saut vers l’Amérique.

De Cappel à Saint-Louis (Missouri)

Jean Melchior FREDERICI (dit aussi FRIDERITZI), le cordonnier né à Cappel en 1751, épouse donc Anne Marie ADAM, de Cappel également (1757). Ils ont six enfants à Cappel entre 1787 et l’an IV (1796). Jean Melchior décède au village le 19 juin 1829, son épouse le 1er août 1835. Leur fils Christophe FREDERICI/FRIDERITZI, né à Cappel le 7 avril 1789, devient tonnelier. Le 22 février 1816, il épouse à Hoste Elisabeth HENNESIENNE, née à Cappel le 15 juin 1788. C’est la fille d’un aubergiste, Henri HENNESIENNE ou HENGSTEN, né vers 1748, décédé à Cappel le 28 avril 1819, fils de Louis HENNESIENNE/HENGSTEN et Anne Marie GOUTH de Puttelange. Il avait épousé à Puttelange, le 22 novembre 1785, Anne VAILLAND, née vers 1751, décédée le 36 frimaire an V (1797) à Cappel, fille de Pierre VAILLAND d’Ellviller. Ils ont quatre enfants à Cappel entre 1788 et l’an IV (1796).

Christophe FREDERICI épouse donc Elisabeth HENNESIENNE en 1816. Ce sont eux qui vont faire le grand bond vers l’Amérique. Mais d’abord, entre 1816 et 1832, ils ont 12 enfants à Cappel. Qu’est-ce qui peut les décider à ce moment-là à quitter la terre ancestrale ? L’immigration en Amérique connaît un pic après 1832, probablement à cause de l’épidémie de choléra qui sévit partout en Europe. Et, dans les études sur l’émigration des Lorrains en Amérique, on constate que la région de l’est mosellan donne un fort contingent. On argumente sur la diminution des bois notamment. La matière première devient-elle trop chère pour notre tonnelier ? Au moment de son départ, son père est mort depuis quatre ans, mais sa vieille mère de 76 ans est toujours en vie (elle meurt trois ans plus tard au village). On ne saura sans doute jamais ce qui décide Christophe à s’embarquer au Havre avec sa famille un beau jour du printemps 1833 sur le BOLIVAR, à destination de La Nouvelle-Orléans.

L’espoir d’une vie meilleure sans doute, l’Amérique rêvée comme un Eldorado. Une certaine passion peut-être pour le nouveau monde. Il embarque donc avec femme et enfants, dont Jean, 16 ans, né à Cappel le 19 novembre 1817 et qui, en Amérique, deviendra John, plus exactement “John Francis” ; ce deuxième prénom, qu’il ne portait pas en France, est peut-être la déformation d’un surnom, “John le Français”, ou peut-être se présente-t-il comme “John, français”, ce qui a donné John Francis. Celui-là, il est certain qu’il est passionné d’Amérique, car il prénommera son fils aîné “Christopher Colombus”. Certes, des Christophe, il y en a d’autres dans la famille, à commencer par son propre père, mais, pour ajouter “Colombus”, il faut au minimum une certaine connaissance de l’histoire américaine, voire une passion certaine pour le nouveau monde !

Deux tiers des immigrants en Amérique débarquent alors dans les deux principaux ports du pays : New-York et La Nouvelle-Orléans. Les Français choisissent en général la deuxième ville, en terre francophone, la Louisiane. Ensuite la plupart remontent le Mississipi vers la région de Saint-Louis au Missouri. Notre famille FREDERICI fait exactement la même chose : ils débarquent à la Nouvelle-Orléans, le 22 juillet 1833, après environ deux mois de traversée ; ils ne restent pas dans la ville cosmopolite surchargée d’immigrants, et remontent vers le nord pour s’installer dans les faubourgs de Saint-Louis, dans la “french town”, le quartier des Français. On pourrait s’interroger sur le fait qu’ils choisissent la voie des francophones, alors qu’ils parlent sans doute une langue germanique. On ne s’étonne plus lorsqu’on sait que cette région du Missouri a été aussi fortement peuplée par des Allemands et d’autres germanophones, tels les Suisses.

Que sont devenus Christophe, devenu Christopher FREDERICI, et son épouse Elisabeth HENNESIENNE ? Nous ne le savons pas exactement, n’ayant pas trouvé mention de leurs décès. Il est certain qu’ils s’installent à Saint-Louis en 1833 et que, dans les années 1840, leur fils Jean y est encore. Tentent-ils entre temps l’aventure de l’Ouest ? Une généalogiste américaine, peut-être descendante de John Francis, dit sur son site que John racontait qu’ils sont partis vers l’ouest et que lui, John, âgé d’environ 15 ans, marchait derrière les chariots durant le “trip westward”, le voyage vers l’ouest. Faut-il y voir les affabulations d’un grand-père se vantant de son voyage vers l’ouest profond dans sa jeunesse ? Faut-il imaginer le voyage de La Nouvelle-Orléans vers Saint-Louis en chariots, alors qu’il se fait traditionnellement par bateau sur le Mississipi (et que dans ce cas le voyage n’est pas vers l’ouest mais vers le nord) ? Toujours est-il que John Francis vit à Saint-Louis en 1840, qu’il s’y marie avec une Américaine du nom de Margaret SMITH, dont nous ne savons pas grand-chose. Mais allez chercher des informations sur un Smith aux Etats-Unis…

Du shérif au cow-boy

Si donc il y a expédition vers l’ouest, il y a aussi retour à Saint-Louis. Fortune faite ? Dans les biographies romancées de son gendre Buffalo Bill, John Francis est parfois présenté comme un sénateur, un chef de la police, ou un shérif, un “policeman”. Il semble toutefois qu’il est un personnage important de la communauté.

John Francis FREDERICI et son épouse américaine ont quatre enfants à Saint-Louis : Christopher Colombus, né en 1842, Louisa Maud, née le 27 mai 1844, qui épousera Buffalo Bill en 1866, Elisabeth, née en 1846, et Francis John, dit Frank, né en 1856. Veuf à une date qui nous est inconnue (avant 1880, peut-être en 1878), John Francis FREDERICI rejoint sa fille Louisa et son gendre Buffalo Bill dans leur ranch de North Platte au Nebraska en 1878 ; il y apparaît comme fermier dans le recensement de 1880 et c’est là qu’il s’éteint en novembre 1905, à l’âge de 88 ans, en citoyen reconnu de la communauté. Suivant le destin de son célèbre gendre, on peut se demander s’il a participé à la tournée européenne de celui-ci en 1890, tournée qui passa ses quartiers d’hiver durant plusieurs mois en Alsace, non loin de sa terre d’origine. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

De son côté le jeune William (Bill) Frederick Cody, né comme nous l’avons dit dans l’Iowa en 1846, émigre avec sa famille en 1854 dans le Missouri et il est amusant d’imaginer que le petit Bill, âgé de 8 ans, a pu croiser dès cette époque la jolie petite fille d’un shérif du coin de Saint-Louis, âgée de 10 ans, qui va plus tard devenir sa femme pendant 51 ans. Mais ne refaisons pas l’histoire. La famille Cody a la bougeotte et repart la même année vers le Kansas où malheureusement le père meurt en 1857, assassiné lors d’une rixe. Bill n’a qu’onze ans et la même année, pour subvenir aux besoins de sa mère, Mary Ann Laycock, et de ses sœurs, il commence à travailler, comme messager du télégraphe et comme convoyeur pour une compagnie de bestiaux.

En 1859, il passe l’hiver comme trappeur, puis participe à la ruée vers l’or dans le Colorado; il n’a que 14 ans. En 1861, il contribue pendant quelques mois à l’épopée postale en travaillant pour le Pony Express, chaîne de messagers qui franchissent les montagnes Rocheuses pour porter le courrier entre le Missouri et la Californie, avec des étapes de 76 miles par jour (122 km). En 1862, pendant la guerre civile, il rejoint une bande de guérilla fidèle à l’Union et commence à servir l’armée fédérale comme éclaireur contre les Kiowas et les Comanches. En 1864, il entre comme volontaire dans le 7e régiment de cavalerie du Kansas et combat dans le Missouri et le Tennessee.

La petite histoire dit que sa mère, décédée vers 1863, avait pour amie d’enfance l’épouse du général Polk qui commandait un service à l’état-major de l’armée à Saint-Louis. Les deux femmes sont restées toute leur vie en contact épistolaire et lorsque Mrs Polk apprend que le fils de sa chère amie est dans l’armée au Missouri et a réchappé de peu d’une bataille meurtrière, elle s’empresse de lui trouver un “bon poste” à l’état-major. Mais le jeune éclaireur, habitué aux longues chevauchées, ne supporte pas son travail de bureau. Il trompe son ennui dans de grandes promenades à cheval au cours desquelles il croise régulièrement une cavalière émérite, la jeune Louisa Frederici. La version romancée dit qu’il la sauve d’un sort funeste alors que son cheval s’est emballé et sa bride cassée. Il se fiance à la belle avant la fin de la guerre civile en 1865.

Le couple Buffalo Bill / Louisa Frederici avec probablement leur fille aînée. © Site de la Société d’histoire d’Arnold (USA)

L’éclaireur des Prairies

Pour financer sa future vie de famille, considérant que la vie de soldat ne rapporte pas, il se fait convoyeur de chevaux au Kansas, puis il revient à Saint-Louis pour épouser sa belle le 6 mars 1866, dans la maison paternelle de celle-ci. Il a à peine 20 ans (elle 22), mais déjà neuf années aventureuses derrière lui. Pour contenter sa femme, il prend un temps la direction d’un hôtel, mais ne pouvant rester en place, il reprend vite du service dans l’armée avec pour mission de repérer les pillards, faciliter le passage des rivières, diriger les transports. Il confie sa femme à ses sœurs. Madame Cody devra s’y faire : elle devra suivre son mari ou se résigner à en être souvent séparée. La première fille du couple, Arta Lucille CODY, naît à Leavenworth, dans le Kansas, le 16 décembre 1866, neuf mois après le mariage.

L’année suivante, William Frederick CODY gagne son surnom de “Buffalo Bill” en chassant des bisons pour nourrir les ouvriers de la compagnie de chemin de fer Kansas Pacific. On dit qu’il en tuait 12 par jour et qu’il en aurait abattu 4280 en 17 mois. Mais comme il était payé à la pièce, il est possible qu’il ait gonflé les chiffres de ses factures… Lors d’un concours avec un chasseur concurrent, il en aurait même tué 69 en une journée (contre 46 pour l’adversaire).

En 1868, il devient chef des éclaireurs pour la 5e cavalerie U.S. et se bat auprès du général Custer contre les Indiens, notamment Cheyennes. Il participe à seize batailles et obtient la médaille d’honneur du Congrès américain en 1872. Cette récompense lui sera retirée en 1916, un an avant sa mort, parce qu’il n’était pas membre régulier de l’armée. Elle ne lui sera rendue, à titre posthume, qu’en… 1989 ! À partir de 1869, Ned Buntline, journaliste de la côte est, écrit plusieurs romans pimentés d’histoires rocambolesques dont Buffalo Bill est le héros et que l’on raconte dans les saloons. William CODY entre ainsi dans la légende de l’Ouest aux côtés de Davy Crockett, Daniel Boone et Kit Carson dont il donne d’ailleurs les nom et prénom à son fils unique : Kit Carson Cody, né à Fort MacPherson, dans le comté de Lincoln, Nebraska, le 26 novembre 1870. Sa seconde fille, Orra Maude Cody, naît au même endroit le 13 août 1872.

Buffalo Bill jeune, probablement à l’époque de ses saisons théâtrales. Carte postale. *© Collection Jean-Claude Berrar.

Avant tout homme de terrain, il devient également guide des parties de chasse de riches Européens, dont le grand duc Alexis de Russie. En 1873, Ned Buntline le persuade de participer à un spectacle théâtral sur sa vie en y tenant son propre rôle. Buffalo Bill assume pendant onze ans ce rôle vedette dans la pièce “les Éclaireurs de la Prairie” puis dans “les Éclaireurs des Plaines” et démarre ainsi sa vie d’homme de spectacle, tout en participant, hors saison théâtrale, à diverses expéditions d’exploration et guerres contre les Indiens, sous le commandement du colonel George Armstrong Custer.

En 1875, il s’installe avec sa famille à Rochester, état de New York. Mais son fils y meurt de la scarlatine le 20 avril 1876. Il repart alors vers l’ouest et, en 1878, fonde un ranch dans le Nebraska.

L’année suivante, alors qu’il se vantait jusque-là d’avoir tué de sa propre main et scalpé un certain nombre de Peaux-Rouges, il commence à parler publiquement des droits des Indiens et devient lui-même auteur et producteur de son autobiographie et de quelques romans d’aventures.

The Buffalo Bill’s Wild West Show

Le 4 juillet 1882, il crée son premier spectacle à North Platte, Nebraska, où il s’est installé pour un certain nombre d’années. S’inquiétant qu’il n’y ait pas de spectacle prévu pour animer la fête nationale, il se voit répondre par les autorités quelque chose du genre : “il y aura un spectacle et c’est vous qui allez l’organiser”. Il relève le défi avec succès, avec courses de chevaux et tireurs d’élite et, fort de son expérience théâtrale, cela lui donne l’envie de devenir lui-même producteur de spectacles. En 1883, il s’associe à un dentiste du Nebraska, tireur d’élite amateur, et fonde le premier Wild West Show. Mais 1883 est aussi une année contrastée qui voit la naissance à North Platte de sa fille Irma Louise, le 9 février, et la mort de sa fille Orra, à l’âge de 11 ans, le 24 octobre.

William Cody met désormais toute son énergie dans son entreprise. Des personnalités comme la tireuse d’élite Annie Oakley, en 1884, et le grand chef Sioux Sitting Bull (1831-1890), en 1885, rejoignent sa troupe. Allié à un auteur-producteur-metteur en scène et à un agent qui a le génie de la publicité, il devient un véritable show man. Moitié cirque, moitié leçon d’histoire, son spectacle fait de la conquête de l’ouest une aventure merveilleuse où s’affrontent les bons et les méchants et où les Visages Pâles gagnent toujours à la fin.

Pendant trois heures, dans les cris et la poussière, les spectateurs assistent à une attaque de diligence par les Indiens, au combat de Custer, à la chasse aux bisons, à des acrobaties à cheval, avant de voir défiler Sitting Bull en personne. Les chapeaux des cow-boys sont gigantesques et impeccables, les Peaux-Rouges n’apparaissent que dans leur grand costume de cérémonie, toutes plumes dehors, constituant le clou du spectacle.

Les Indiens sont bien traités et perçoivent un salaire de 25 dollars par semaine, 50 pour le chef Sitting Bull qui se réserve par ailleurs l’exclusivité du bénéfice de la vente de ses photographies et autographes ! Il est respectueusement présenté par Cody comme l’équivalent d’un chef d’état. Mais il ne participera pas aux tournées européennes, déclarant que le wigwam, la tente sioux est le meilleur endroit où puisse vivre un Peau-Rouge : “Je suis fatigué de dormir dans des maisons et de voir toute cette agitation et cette multitude de gens”, déclarera-t-il avant de regagner sa réserve.

En 1886, fortune probablement faite grâce à son show, Buffalo Bill s’installe dans un nouveau ranch au Nebraska, le “Scout’s Rest Ranch” (le ranch du “repos de l’éclaireur”) et se voit bientôt appointé comme colonel de la garde nationale de cet état. C’est depuis cette époque qu’on l’appelle aussi “colonel CODY”, grade qu’il n’a jamais eu dans l’armée, n’ayant jamais fait partie des troupes régulières, mais seulement des éclaireurs. Il passe les mois d’hiver dans son ranch avec une partie de sa troupe et y reçoit ses amis. Un peu trop d’amis avec lesquels il est un peu trop généreux et avec lesquels il boit un peu trop… au grand désespoir de son épouse.

Ranch Buffalo : maison et hara.

L’écurie peut accueillir des dizaines de chevaux, la maison d’habitation a tout d’une maison bourgeoise, avec ses quinze pièces et toutes les commodités modernes de l’époque. En saison, lorsque le Wild West Show est sur les routes, le ranch est géré par une sœur de Buffalo Bill, Julia Cody, et son mari, Al Goodman. Julia est son aînée de trois ans; après la mort du père, suivie de peu par celle de la mère, Julia a pris en charge les petits frères et sœurs. Elle suivra Buffalo Bill de ranch en ranch, ils seront toujours très proches et William la qualifie de “sœur-mère”.

Première tournée européenne

En 1887, le Wild West Show part à Londres pour le jubilé de la reine Victoria. La troupe, composée de 200 personnes dont 97 Indiens, est accompagnée de 18 bisons, 180 chevaux, 4 ânes, 2 daims, 5 taurillons sauvages et 10 élans. Elle est précédée d’une campagne publicitaire jamais vue. Londres est couverte d’affiches montrant Buffalo Bill. Des tribunes de 30 000 places ont été dressées à Kensington. La reine Victoria assiste au spectacle, se fait présenter la troupe et commande deux représentations spéciales au château de Windsor.

Après un bref retour aux États-unis, la troupe repart pour une tournée de quatre ans dans les pays d’Europe, dont la France : Paris, en 1889, pour l’exposition universelle et un séjour de près de 6 mois, Orléans, Lyon, Saint-Étienne, Marseille… Puis l’Italie : Rome, où la troupe, qui stationne au Colisée, est reçue par le Pape. La petite histoire rapporte qu’on avait largement “briefé” les Indiens de la troupe pour qu’ils se tiennent correctement devant sa Sainteté. Ceux-ci jouent le jeu, curieux de découvrir “le grand sorcier blanc”, mais déclarent ensuite qu’il ne vaut rien, ne comprenant pas qu’il n’ait pu empêcher la mort de l’un d’entre eux, gravement malade, qui s’est éteint au camp pendant leur visite même au Saint-Père. La tournée se poursuit vers Naples, Florence, Venise… Puis c’est l’Allemagne : Wiesbaden, Cologne, Aix-la-Chapelle…

Le 15 décembre 1890, Sitting Bull est tué lors d’une révolte indienne. Le colonel Cody est rappelé d’Europe pour aider à la pacification. Il obtient de repartir avec une vingtaine de prisonniers dont les chefs sioux Short Bull et Kicking Bear pour les joindre à sa troupe qui l’attend en Alsace, à Benfeld près de Sélestat. Les quartiers d’hiver sont prévus en Alsace-Lorraine de toutes façons.

Sitting Bull (mars 1831 - décembre 1890)

Leader de la résistance des indiens sioux, il défait l’armée américaine à la bataille de Little Big Horn, le 25 juin 1876. Il fuit au Canada et revient aux U.S.A. en 1881.

Après deux années d’emprisonnement, il est conduit à la réserve de Great Bear. Il participe au Wild West Show en 1885 aux U.S.A. et au Canada. Il ne sera pas autorisé à se rendre en Europe et est reconduit à la réserve de Great Bear.

Rendu responsable du mouvement de protestation de la “Danse des Esprits”, il est assassiné le 15 décembre 1890 lors de son arrestation par la police indienne, sur ordre des autorités américaines.

Ci-contre : Buffalo Bill et Sitting Bull

Faut-il y voir une volonté de visiter la terre des ancêtres de son épouse, ou même d’y rencontrer la famille FREDERICI restée en Lorraine ? L’histoire ne nous le dit pas, de même que nous ignorons si l’épouse de Buffalo Bill l’a suivi dans sa tournée européenne. Le fait que le ranch du Nebraska est confié à la sœur de Buffalo Bill et à son mari laisse supposer que Mme Cody n’y est pas présente en permanence et qu’elle suit peut-être les tournées, au moins l’européenne qui doit durer quatre ans. Leur plus jeune fille, Irma, n’a que sept ans et l’on peut croire qu’elle suit sa mère. En revanche, on est certain que leur fille aînée, Arta, qui a 23 ans en 1889, ne part pas en Europe. Elle se marie en effet à North Platte, le 27 novembre 1889, avec Horton S. BOAL, 27 ans, né au Kansas.

Ce mariage a lieu alors que Buffalo Bill est incontestablement en Europe, et peut-être contre son avis. Horton BOAL prend en effet la direction du ranch peu après son mariage et, à son retour, le colonel CODY lui en enlève la responsabilité pour la rendre à son beau-frère, Al Goodman. La mère d’Arta est-elle présente lors de ce mariage ou a-t-elle suivi son mari en Europe ? Son père, John Francis Frederici, qui les a suivis depuis dix ans au Nebraska, a-t-il pu participer lui aussi à cette tournée européenne ? Il a tout de même 73 ans. Si l’épouse a suivi son mari, on peut supposer que le beau-père a suivi également, car il ne me paraît pas anodin qu’on ait choisi de passer les quartiers d’hiver en Alsace. S’ils étaient présents à Benfeld, ils ont probablement fait le chemin jusqu’à Cappel pour voir le village et la famille. Mais rien n’est certain. Au printemps 1891, la troupe repart vers l’Allemagne, la Belgique, puis l’Angleterre à nouveau, en 1892, avec 270 représentations à guichet fermé.

Direction Wyoming

Pendant ce temps, au ranch du Nebraska, le 7 novembre 1890, Arta Cody a accouché d’une fille prénommée Arta Clara. Al Goodman étant malade, son mari Horton BOAL reprend la direction du ranch en 1891, pour quelques années seulement, car, devant son inefficacité, Goodman, parti quelque temps au Kansas puis au Colorado, doit reprendre les choses en mains. Les années BOAL au ranch sont comme par hasard les années de la tournée européenne du propriétaire. Dès son retour, Buffalo Bill part rechercher les Goodman, qui n’acceptent de revenir qu’à la condition d’être seuls dans la propriété. Cela tombe bien : Arta et Horton BOAL sont partis au Wyoming, où la fille de Buffalo Bill accouche d’un fils le 18 mars 1896. Pas si fâchée que cela avec son père, ou réconciliée, puisque l’enfant est prénommé… William Cody BOAL. De son côté, Goodman tient le ranch jusqu’en 1899 et meurt en 1901.

En 1893, à son retour d’Europe, le Wild West Show continue à se produire en tournée aux États-unis, notamment à Chicago pour la “World’s Columbian Exhibition”, manifestation grandiose célébrant le 400e anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. En 1894, William Cody, qui emploie des tireuses d’élite et autres “amazones” dans son show, défend le vote des femmes. Celles-ci sont par ailleurs sous son charme : ses employées de la troupe du Wild West Show, des femmes rustres qui jurent comme des charretiers, lui donnent du “colonel”; lui les appelle “Ma’ame” et leur fait le baisemain. Une journaliste l’ayant rencontré en 1893 le décrit comme un conteur romantique, plein d’humour, d’un rare magnétisme.

Dans les années 1870, Buffalo Bill a découvert la région du Wyoming avec le professeur O.C. March, brillant géologue de l’Université de Yale venu y faire une étude sur les ressources naturelles de l’Ouest. La richesse du sol, les vastes possibilités de développement, la beauté des paysages proches du parc national de Yellowstone incitent le colonel Cody et quelques amis à s’y installer dans les années 1890 et à y fonder une nouvelle communauté. Le nom de Cody est donné à la ville en 1895. Il y fait construire l’ “Hotel Irma”, du nom de sa plus jeune fille, hôtel dont il confie la charge à sa sœur Julia, après son veuvage.

Le colonel Cody s’investit beaucoup dans sa nouvelle ville. Il incite les chemins de fer à faire un détour pour y passer et fait tracer une route reliant la cité au parc de Yellowstone. En 1899, il y crée un journal, le “Cody Enterprise””, et investit de fortes sommes dans l’irrigation du Wyoming et d’autres projets pour cet état. Dans son ranch à 35 miles (56 km) au sud-ouest de la ville, il élève du bétail et des chevaux et vient passer de brèves périodes de repos entre ses tournées dans tout le pays. L’armée fait de nouveau appel à lui pour ramener ordre et autorité après les mouvements indiens et le massacre de Wounded Knee .

Seconde tournée européenne, passage à Metz

En 1903, après avoir circulé pendant dix ans aux États-Unis, le Wild West Show repart pour une tournée de quatre ans en Europe : ils sont à Paris sur le Champ de Mars en 1905, à Metz les 1er et 2 septembre 1906, dans la plaine du Ban Saint-Martin. De 1883 à 1916, le cirque de Buffalo Bill est vu par plus de 50 millions de personnes, dans 12 pays et plus de 1000 villes.

Ce spectacle se veut éducatif tant sur le plan des arts équestres et militaires que sur celui de l’ethnologie. Il veut permettre de mieux comprendre les mœurs et coutumes des Indiens et des autres champions de cavalerie dans le monde. Car, après 1898, le cirque de Buffalo Bill rassemble des cow-boys, des Indiens, mais aussi des cavaliers mexicains et arabes, des uhlans prussiens, des lanciers britanniques, des cosaques du Caucase et des gauchos d’Argentine, ce que le colonel Cody appelle “le congrès mondial des cavaliers sauvages” (rough riders).

Buffalo Bill lui-même y participe. Spécialiste du tir, il peut utiliser indifféremment n’importe quelle arme (Derringer, Colt, fusil de chasse, carabine, espingole ou arme de guerre) et atteindre sa cible à pied, à cheval, au grand galop, tenant sa carabine d’une seule main. Un orchestre de 36 musiciens donne un concert 30 minutes avant chaque représentation et exécute des morceaux classiques et populaires. D’autres attractions traditionnelles des cirques de l’époque sont également montrées au public : des acrobates, des contorsionnistes, une charmeuse de serpents, une magicienne, mais aussi une lilliputienne, un géant, un obèse et un orchestre de lapins !

Cow-boys, Indiens et Mexicains du Wild West Show. © Collection Jean-Claude Berrar.

Trois trains spéciaux d’une quinzaine de wagons chacun sont nécessaires pour acheminer 800 hommes, 500 bêtes et le matériel, dont une cuisine et un réfectoire qui débarquent en premier. Les tentes disposées en quadrilatères autour d’une arène non couverte, abritent 12 000 places. La publicité précise qu’elles sont imperméables à la pluie et au vent et que le spectacle a lieu par tous les temps ! L’entreprise assure son propre éclairage grâce à une batterie électrique de 25 000 chevaux.

Le programme présenté en septembre 1906 à Metz compte 22 numéros qui s’enchaînent avec rapidité pendant une heure et demie. Autour de l’arène principale, d’autres tentes sont installées avec des attractions de variétés, mais aussi la vente de bière, glaces et produits divers comme des cartes postales, des livres sur la vie de Buffalo Bill, des boîtes à tabac, des paquets de cigares ou des savons à son effigie.

Car William Cody est aussi un champion du marketing et de la publicité : ses programmes et prospectus sont truffés d’annonces payantes vantant des dizaines de produits locaux ou américains tels que des armes ou encore les fameux chapeaux Stetson. La liste des numéros sur le programme officiel se termine par cette petite phrase : “le colonel Cody ne se sert que du fusil Winchester et de munitions Winchester dans tous ses exercices”. Nul doute qu’aujourd’hui on le verrait dans des spots télévisés vanter certaine marque de chaussures de sport ou de boisson gazeuse.

Cette seconde tournée européenne et ce passage à Metz ont-ils été l’occasion d’une rencontre avec la famille Frederici de Cappel ? Les délais sont courts : dès le lendemain de la représentation, la troupe repart vers Luxembourg, Trêves… La famille semble cette fois être restée aux USA. Le beau-père FREDERICI est mort à North Platte, Nebraska, en novembre 1905. Le gendre Horton BOAL est décédé avant le départ en 1902 et Arta s’est remariée à Denver le 1er janvier 1904 avec le Dr Charles W. THORPE, qu’elle a suivi dans l’Etat de Washington, sur le Pacifique, mais elle y est décédée le 30 janvier 1904, à Spokane, âgée de 38 ans, laissant une fille de 11 ans et un fils de 6 ans de son premier mariage.

C’est le troisième enfant du couple Cody/Frederici qui décède ; il ne leur reste plus alors que leur plus jeune fille, Irma, qui a épousé, le 24 février 1903, à 20 ans, à North Platte, dans le Nebraska, Clarence Armstrong STOTT, de North Platte. Veuve assez rapidement, elle se remarie le 16 mars 1908 à North Platte avec Frederick Harrison GARLOW, originaire de l’Iowa. Ils auront deux fils, Frederick en 1911 et William en 1913.

Fin et survivance

De retour aux USA en 1908, Buffalo Bill, incapable de bien gérer la fortune qu’il gagne dans ses spectacles, court à la faillite. Il tente une fusion avec un concurrent, le “Pawnee Bill’s Far East Show”, pour une série de tournée aux U.S.A. Malgré cela, la faillite est effective en 1913. Incapable de prendre une retraite pourtant méritée, il participe alors à d’autres spectacles. En 1912, il joue même le Père Noël pour les enfants des mineurs à Oracle, en Arizona. Il fonde encore une compagnie pour produire des films sur les guerres indiennes et tourne huit films muets avec reconstitutions de batailles. Le cinéma arrive un peu tard dans sa vie, nul doute qu’il aurait aimé tourner des westerns, y compris comme acteur, si l’âge le lui avait permis.

La veille de sa mort, il assure à son épouse (portrait ci-contre) qu’elle ne doit pas s’inquiéter, qu’il est “bien dans ses bottes” et prépare la tournée suivante, mais il s’éteint le 10 janvier 1917 à Denver, Colorado. Sa tombe se trouve à proximité de Denver, sur la montagne Lockout où se trouve un mémorial à son nom. Jouissant d’une grande notoriété de son vivant, pleuré unanimement comme seul Lincoln l’avait été avant lui, il est probablement la première superstar américaine, et l’un des fondateurs du western en tant qu’art et forme de spectacle.

Sa fille Irma ne lui survit qu’un an, elle et son mari Frederick Garlow sont emportés en octobre 1918 à Cody par l’épidémie mortelle de grippe qui suit la première guerre mondiale. Son épouse, Louise Maud Frederici, décédée le 21 octobre 1921 à Cody, repose à ses côtés. Ne leur survivent que quatre petits-enfants dont certains ont eu une descendance. Sa sœur Julia passe les dernières années de sa vie à visiter ses nombreux enfants dont certains ont émigré en Floride ou aux îles Hawaï.

Un musée est dédié à William Frederick Cody, dit Buffalo Bill, dès 1927 dans la ville de Cody qu’il a largement contribué à développer. Le Buffalo Bill’s Wild West Show, quant à lui, survit à sa façon à Euro-Disney… On dit même que quelques Indiens jouant à Marne-la-Vallée seraient les descendants des membres de la troupe de Buffalo Bill. Un mythe ne peut pas mourir.

Par les petits-enfants de Buffalo Bill, BOAL et GARLOW, par les frères et sœurs, oncles et tantes de son épouse Louisa Maud qui ont essaimé dans différents États des Etats-Unis, survit en Amérique le sang des Frederici du Pays naborien. Du 5 mars au 31 mai 2007, les Archives Municipales de Metz ont présenté une exposition de cartes postales du cirque Buffalo Bill. Un témoignage oral de seconde main m’informait alors qu’un journaliste aurait tenté d’avoir il y a une vingtaine d’année le témoignage d’une descendante d’une tante ou cousine de Louisa Frederici qui vivait à Metz. Selon ce témoignage, celle-ci se serait récriée, il était interdit de parler de cette branche de la famille considérée comme honteuse. Pensez : des Américains, des saltimbanques, des Peaux-Rouges ! Impensable ! J’ignore si l’anecdote est vraie, mais gageons qu’aujourd’hui les descendants des Frederici mosellans seront fiers de se rattacher à leur célèbre cousin d’Amérique.