La rue de Longeville (aujourd’hui rue Hirschauer) au début du XXe siècle.

US et coutumes de Saint-Avold autrefois.

Souvenirs d’une Naborienne.

Extraits de l’article de Léonie GRIMAUD paru dans le « Cahier Naborien » numéro 9

Ce texte est extrait des notes que Léonie Grimaud avait rassemblées et qu’elle avait confiées aux « Cahiers » avant son décès mais dont la mise en forme n’avait pas pu être réalisée avec elle.

La météo

Le 25 janvier, fête de la conversion de Saint Paul, on n’accrochait pas les volets de sa demeure. Cette anicroche au rituel quotidien n’était qu’un stratagème. En effet, suivant le dicton, ce jour-là les vents se battaient. Bon vent d’est, vent malingre d’ouest, vent clément du sud, froidure du nord mesuraient leurs forces respectives. Le vainqueur sortait du combat à minuit et rythmait, par pluie et beau temps, le labeur de toute l’année. C’est le volet qui le faisait connaître : c’est lui, plus ou moins soulevé ou complètement plaqué qui, par sa position, indiquait le vent qui avait gagné et donc le temps de l’année.

Eviter de manger durant un orage : « Den Schläfer lass schlafen, den Fresser schlag tot . » (« Laisse dormir le dormeur, tue le glouton »)

La maladie

Le Lorrain n’aime pas déranger, fût-ce dans ses derniers moments. Si un matin, il ne se levait pas à l’heure habituelle, ce changement insolite du rituel quotidien ne présageait rien de bon et les familiers comprenaient. Appeler le médecin ? Impossible, cela effraierait le malade et, de toute façon, coûte trop cher. On trouvera bien quelqu’un qui détient un bon remède, un flacon contenant le reste d’une prescription lointaine.

Si l’état du malade s’aggravait, on avait recours au curé qui était plus ou moins homéopathe. Le plus souvent, c’était lui qui mandait le praticien. Pour les voisins, voir arriver un “médecin” était de mauvais augure. L’homme de science lui-même n’avait pas la partie facile. Le patient se méfiait des médicaments, abhorrait les piqûres, sauf celles à base de camphre, l’unique produit connu. Posséder un thermomètre était rarissime. Prendre la température incombait soit à la sage-femme, soit au curé.

Si le traitement prescrit ne donnait pas rapidement le résultat escompté, même administré à double dose, on avait recours au “Hexenmeister” (sorcier du village). J’ai connu en 1917 ou 1918 un brave boulanger atteint de pleurésie et désireux de guérir “au plus vite”. Il s’était soumis à un enduisage de tout le corps, avant le lever du soleil, avec de la crotte de porc ! L’issue fatale ne tarda pas et imposa une toilette funèbre atroce.

Edmund Bund et son corbillard en 1924

La maison

Le jeudi avant le mercredi des Cendres, jeudi dit Fette Donnerstag, les ménagères sortaient toute leur batterie de cuisine, casseroles de cuivre, faitouts en fonte, ustensiles de pâtisserie. Dehors, à l’air libre, tout était lavé, brossé, bien séché puis remisé pour son emploi à Pâques.

Il ne fallait pas faire de lessive le Vendredi-Saint et le boucher ne touchait jamais de la viande ce jour-là. On ne mangeait même pas d’œufs ce jour-là.

On bénissait la maison le 1er mai. On suspendait une couronne de jeune feuillage au-dessus de la porte d’une vieille fille. Mais la nuit précédente (Hexennacht) voyait se répandre beaucoup de maléfices.

Le jardin et les champs

On plantait un arbre le jour de la naissance d’un enfant. On fixait un arbre garni de rubans sur la toiture de la maison nouvellement construite. On plantait le Maibaum sur la place publique et on servait à boire. On plantait des arbres le long du parcours des processions ou sur le parcours du jeune prêtre qui allait célébrer sa première messe. On plantait un arbre pour honorer un(e) centenaire. On plantait un arbre à proximité d’un champ de blé afin que le hibou, qui voit mal, puisse se poser et mieux chasser rats et souris, ce qui explique la présence isolée de certains arbres.

Lors de la moisson, il était de coutume de laisser la “gerbe du pauvre” dans les champs (c’était ordinairement la I3ème). Les enfants glanaient le reste afin de confectionner de gros bouquets que l’on suspendait dans les arbres en “Noël des oiseaux”.

Le soir de Noël, les bêtes recevaient double ration de foin et on évitait d’entrer à J’écurie à minuit, minute précise où boeuf, cheval, brebis se mettent à genoux pour adorer l’Enfant divin, ayant reçu du Seigneur, pendant cette minute, le don de la parole. Le chien de garde est appelé pour accompagner les enfants voir la crèche et, le soir de Noël, il a le droit de séjourner dans la chambre (in da gùt Stùb).

Rites de jardinage : Il est défendu de remuer la terre le Vendredi Saint, mais il est pennis de semer des fleurs. On ne transplante jamais ni persil, ni cerfeuil. Le persil qui jaunit est présage de mort. L’endive d’hiver se sème le 24juin pendant l’Angélus de midi. Ne pas trop enfouir les haricots (se mùn lùden hären), il faut qu’ils entendent tinter l’Angélus. Ne jamais planter un pied de rhubarbe près d’un pied de vigne, la rhubarbe la fait périr.

Les premières bicyclettes à Saint-Avold

Les enfants

La poupée, du temps des Allemands, était très belle et venait de Sonneberg en Thuringe. Les enfants jouaient aussi au cerceau, à la toupie, à sauter à la corde, à la balle, au tambourin, aux billes (Sicken, Klickert avec son Treffert. bille qu’il fallait atteindre), à Blinde Kuh (Colin-maillard), au Steckenpferd (cheval de bois), à Schwartzer Peter ( jeu de cartes), aux dominos, à cache-cache. Les garçons jouaient surtout avec le Steckenpferd (cheval de bois, pour les humbles), avec le Schaukelpferd (cheval à bascule, pour les plus favorisés), mais faisaient aussi usage du Baùkasten (jeu de construction), construisaient des Windmühlen (éoliennes); ils faisaient de la musique avec la Mùndhannonica (musique à bouche).

Les petites Allemandes, surtout les filles d’officiers, ne jouaient pas avec les enfants de la ville. Elles ne parlaient même pas avec ceux qui utilisaient le dialecte “Vora ditch”. Elles se distinguaient par une coiffure différente, avec des tresses autour de la tête, coiffure dite Gretchenfrisùr.

Les enfants mangeaient des bonbons (Ninalä) très bon marché (c’étaient différentes sortes de bonbons qui collaient ensemble, extraits de fonds de bocaux), du Bärendreck (réglisse), des Geissenknodel (petites billes de réglisse).

Les livres préférés étaient : Genovefa, Maria mit den goldenen Finger, Reineck Fuchs, Till Eulenspiegel, les contes de Grimm, Gullivers Reisen.