Les églises de Merlebach.

Extraits de l’article d’Antoine ROUGÉ paru dans le « Cahier Naborien » numéro 15

L’église de Merlebach n’est pas le produit d’un fondateur célèbre : elle n’est ni un édifice ducal, ni un sanctuaire de pèlerinage ou un édifice dû à un grand apôtre de l’évangélisation de la région. La construction est tout simplement l’œuvre des habitants du village. Dès les premières traces de l’histoire de Merlebach, nous trouvons dans cette localité des populations ayant déjà une confession : il s’agit soit de catholiques, soit de protestants. L’évangélisation semble exclusivement le fait du clergé local.

1629 -1648 : DE LA FONDATION À LA GUERRE DE TRENTE ANS

Le tout premier cimetière de Merlebach est situé sous l’actuel parking de la Mairie. Ce cimetière là se perd dans les brumes de l’histoire et se confond avec la naissance de la ville en 1590. À l’époque, en lieu et place de la mairie se trouvait le presbytère, à la place de l’actuelle poste se trouvait une église et le cimetière était juste à côté.

L’abbé Touba nous informe qu’il n’y avait pas de cimetière sans chapelle. Par ailleurs, on sait que les habitants de Merlebach portaient leurs morts à l’église de Béning puis les ramenaient pour les enterrer à Merlebach. Les anciens pouillés du diocèse de Metz nous disent qu’en 1698 il n’y a qu’une chapelle libre et indépendante d’autre paroisse sans maison curiale. On peut admettre avec Joseph Rohr qu’en 1629 fut construite la chapelle de Merlebach, sous le vocable de la Nativité de la Vierge et que probablement un chanoine de Hombourg-Haut la desservait en même temps que la chapelle Saint-Maurice à Freyming (village cité en 1602).

Depuis 1696, les deux villages forment l’unique paroisse de Freyming et Merlebach, le curé réside à Freyming; à Merlebach il n’y a qu’une chapelle libre et indépendante de toute paroisse sans maison curiale.

Sur un tout autre plan, il faut savoir que pour qu’un village soit reconnu comme tel, il lui fallait une église. C’est pourquoi il est extrêmement important pour les habitants de ce nouveau village de construire une église afin que Merlebach soit reconnu comme village.

Le premier abornement de Merlebach en 1613 donne aux habitants les limites du ban de leur village. Dès 1621, le projet de construire une église est mentionné dans le « livre de Justice » de Merlebach : « le 8 avril 1621, Jean BABILLON vend au nom de la commune à Jean THIRY des terrains pour 20 francs … cette somme est à employer au bastiment de l’église qui doit se bâtir ».

Il faut en outre rappeler quelques notions relatives au contexte historique : l’abbé Touba affirme qu’en 1697, il n’y avait que 16 propriétaires de maisons à Merlebach dont 7 maisons avaient une grange et une étable côté route. On peut alors facilement s’imaginer ce que pouvait être l’église à cette époque … Il ne pouvait en effet s’agir que d’une petite chapelle.

Voici la transcription d’un texte d’archives non signé et intitulé: « Église de Merlebach». « Une compagnie de verriers a défriché une partie de la forêt et y a placé une verrerie en 1590. Tout à côté de l’usine s’est formé le village de Merlebach, nom dérivé d’un petit torrent qui passe près du hameau. La première église date de 1629, sous l’invocation de Notre Dame de la Nativité. Cette église a été construite par les soins de l’abbé Kremer et le concours généreux des habitants qui ont fourni tous les fonds, le gouvernement n’avait pas accordé de secours, et la commune n’a aucune rentrée de ressources. L’église de Merlebach sera à jamais un monument de la foi et de la piété désintéressée de ses pauvres habitants.

Saint-Nicholas (district de Sarrebruck) dépendait de Merlebach, jusqu’à la limitation de 1814. Saint-Nicholas quoique enclavée dans ce devant Duché de Nassau Sarrebruck appartenait aux moines de Saint-Avold qui y entretenaient un étang poissonneux.

La partie catholique de Nassviller (district de Sarrebruck) dépendait également de la paroisse de Merlebach, jusqu’à la limitation de 1814. En 1814, Nassviller en a été distrait, mais en vertu d’une transaction entre les deux évêchés, le 20 août 1822, les catholiques ont été de nouveau incorporés dans la paroisse de Merlebach. Cette église n’a d’autres revenus que la location des bancs et les quêtes qui rapportent en tout en commun la somme de quatre cent cinquante francs ».

L’abbé Touba nous fournit des renseignements permettant d’éclaircir cette période initiale de 1629 à 1635 :

● Les chanoines de la collégiale de Hombourg étaient les plus proches de ce nouveau groupement de maisons, c’est à eux qu’incombait la prise en charge de ces habitants. Leur paroisse affective, Béning, qui est une de leur fondation, se situe à une demi-heure à pied de Merlebach. Or les habitants de Merlebach portaient leurs morts à Béning pour la messe d’enterrement puis les ramenaient à Merlebach pour les enterrer dans le cimetière.

● Nous trouvons aussi la mention d’un cimetière à Merlebach dès 1618 dans le livre de Justice: Le « 20 décembre 1618, Hans Pfug und Sipt Nikel verkaufen ein Haus und 1 Acker Land am Friedhof ». Suit l’affirmation qu’un cimetière comprenait nécessairement un lieu de culte, probablement un petit oratoire.

● Vient ensuite l’affirmation que les merlebachois peuvent s’enorgueillir d’avoir eu au moins trois ou quatre églises. L’abbé Touba affirme que les habitants de Merlebach pouvaient avoir une église bien avant 1629 même si ce n’était qu’une petite chapelle. L’abbé KRAUT ne mentionne pas le petit oratoire du cimetière mais une première église construite bien après. Cependant, cette construction était pour lui d’un grand intérêt. C’est à partir de cette église que Merlebach pouvait revendiquer le titre de paroisse.

De 1662 à 1882 : La restauration du village et de l’église

La guerre de Trente Ans (1618 à 1648) avait fait de Merlebach un amas de ruines. À cette triste destruction suit une période accompagnée de la peste. À partir de 1660, douze ans après la guerre des Suédois et vingt-cinq ans après la destruction de Merlebach, quelques colons viennent dans la région. Le marquis de Faulquemont s’efforce de son côté de repeupler ce village en attirant des habitants par l’exemption temporaire de rentes et d’impôts.

L’abbé Touba nous précise qu’en 1682, la rénovation de l’église se faisait attendre. L’évêque de Metz, Mgr Georges d’AUBUSSON DE LA FEUILLADE se sentit obligé de donner un nouvel élan à cette opération. Il instaure à cette date le conseil de fabrique de l’église par décret épiscopal du 27 août 1682. Ce décret fit-il avancer la restauration de l’église ? C’est ce qui semble bien s’être produit : en 1682, le clocher a été érigé; en 1686, la première cloche a été achetée et l’église a été crépie à l’intérieur et à l’extérieur (un crépi de chaux). La dépense a été couverte en grande partie par la vente de l’immobilier de Dorothée JUNGBLUTT qui en fait don à l’église avant de retourner à Hombourg.

Le tabernacle a été acheté par Didier DELESSE, et l’autel de la Sainte-Croix par Pierre DELESSE. Le curé HEINTZ de Forbach a laissé poser de nouvelles dalles dans le chœur. Le marquis d’HARRAUCOURT a fait don d’un ornement blanc orné de fleurs en soie de Damas. L’évêque a offert un calice d’argent.

De 1883 à 1924 : Reconstruction de la nef

À partir de 1883, Merlebach connaît une lente croissance de sa population. L’église qui était jusqu’à cette date une grande chapelle ne suffit plus désormais aux croyants. Quand, en automne 1835, Mgr BESSON, évêque de Metz, bénit l’ancienne église nouvellement agrandie, Merlebach comptait 600 habitants. En 1905, il y en a 2000.

Il va de soi que l’église de Merlebach va devoir gérer cet essor démographique. On projette donc de construire une nouvelle église sans toutefois démolir l’ancienne.

1924 : Édification de la nouvelle église

Freyming venait de construire une nouvelle église qui a été achevée en 1918. Son édification étant une réussite, Merlebach avait à cœur de faire aussi bien, voire mieux. Le projet va se concrétiser au courant de l’année 1923. Dès 1910, il y eut des tractations entre la commune et l’architecte, le Professeur Ludwig BECKER, ainsi que son collaborateur Anton FALKOWSKI de Mayence.

Le plan initialement élaboré présentait une église en croix ayant deux tours comme façade et un petit campanile au niveau du transept arrière. Comme à cette époque l’église de Freyming n’a pas encore vu le jour, ce plan semblait avoir un avenir prometteur.

Le projet définitif sera approuvé le 13 juin 1923 à Forbach, mais le plan d’origine sera modifié. L’architecte de Mayence sera d’ailleurs remplacé par M. GRESSER, architecte de Forbach. Si les plans se précisent, il faut remarquer qu’au fur et à mesure, la future église de Merlebach va acquérir de plus en plus de similitudes avec la nouvelle église de Freyming. Il semble que ceci s’explique pour des raisons d’ordre économique. Un clocher revient moins cher que deux tours, mais il faudra adopter le plan de la façade … Freyming servira alors sans doute de modèle.

Projet initial de 1910 de reconstruction de l’église de Merlebach

Un texte en allemand paru à cette époque nous permet d’analyser la situation. Voici une traduction libre de cet article intitulé « Pour un éclaircissement dans l’affaire de l’ancienne église de Merlebach ».

« À l’occasion de la nouvelle construction de l’église, il a été convenu entre le conseil municipal et le conseil de fabrique :

  • que l’ancienne église sera maintenue;
  • que l’ancienne église restera Église Mère;
  • que l’ensemble de l’installation intérieure, sans exception, sera gardé dans l’église ».

Dans le registre des délibérations du conseil municipal, nous trouvons dans le compte rendu du 6 juin 1923 les déclarations suivantes : « Ordre du jour: selon la demande du conseil de fabrique de l’église, une somme de 400 000 francs a été allouée pour la construction de la nouvelle église. Après discussion, la subvention a été votée: 12 votants, 10 pour. Le projet du conseil de fabrique pour la nouvelle église s’élève à 800 000 francs, l’aide communale est de 400 000 francs tout en stipulant les conditions suivantes ayant reçu l’accord unanime :

  • La façade de la nouvelle église doit être dirigée vers la rue de l’Hôpital.
  • L’ancienne église de la rue de l’église doit être considérée comme Église Mère et son mobilier doit être conservé intégralement ».

Les architectes de la nouvelle église ont accepté ces décisions du conseil de fabrique. Tous unanimement ont accepté le projet entériné par le conseil municipal avec gratitude. Suit ainsi la transcription des décisions dans le registre des délibérations du conseil de fabrique du 15 juillet 1923. Etaient présents Jean JOST, président, Nicolas SHWAGER, trésorier, Pierre JOST, MULLER-BOUR, Nicolas BONHOMME et HEYER, curé (Registre de la fabrique de l’église du 15 juillet 1923). Ce même texte prévoit l’achat de deux cloches pour l’ancienne église et deux pour la nouvelle, avec l’harmonisation des sons. Le prix des quatre cloches est de 14 950 francs. Il faut déduire 2 400 francs pour la vente des deux anciennes cloches de l’ancienne église. Le prix était de 13 francs par kilo de métal.

La pose de la première pierre fut effectuée le 11 novembre 1924 par Mgr. PELT, évêque de Metz en présence de l’abbé Alexis HEYSER, curé de la paroisse et de Monsieur Nicolas COLSON, maire de Merlebach.

L’architecte M GRESSER, de Forbach, a conçu cette vaste église dans le style néobaroque. Si les gros œuvres furent terminés en 1926, plusieurs installations complémentaires se sont succédé depuis. En 1930, les frères OTT de Strasbourg réalisèrent les 14 stations. En 1948, les quatre nouvelles cloches, fondues par la société PACCARD d’Annecy, créèrent [‘événement dans la ville. Cet événement fut le poids, puisque Ste Barbe pèse 2 400 kg, Ste Marie 1 500 kg, St Joseph 1650 kg et Ste Thérèse 650 kg.

Entre 1957 et 1960, l’édifice fut rehaussé par la mise en place des verrières, exécutées par l’atelier BOHL et SCHERRER d’après les cartons d’Arthur SCHOULER de Saint-Avold. L’autel de l’église fut installé au début des années 1960. Tous ces travaux se sont déroulés dans de bonnes conditions.

En revanche, la mise en place de l’orgue a suscité quelques querelles de clocher. Le transfert de [‘instrument de la chapelle vers la nouvelle église a été contesté. Le maire protesta, estimant que l’installa/ion de l’orgue dans le nouvel édifice s’était faite contre l’avis de la municipalité et en dépit d’une convention signée au moment d’entreprendre la construction de la nouvelle église.

L’évêque demanda au curé dans un premier temps de faire rétablir l’instrument à son emplacement initial. Après de multiples rebondissements, cette affaire s’arrangea. À la demande de la « Commission du conseil de la vieille église», le conseil de fabrique s’engagea à placer, en compensation un harmonium dans l’ancien édifice. L’orgue de Merlebach remplacé à la fin des années 1960 est à bout de souffle et la paroisse, qui en 1987/88 songeait à un remplacement par un orgue plus modeste mais de conception traditionnelle, fut plutôt séduite en 1994, par les performances des instruments électroniques, projet a été concrétisé en 1997.

L’actuelle église de Merlebach est donc le fruit d’une histoire à la fois originale et captivante. Sa vie ne peut être découverte qu’au travers de celle de ses habitants et qu’en rapport étroit avec sa grande rivale, l’église de Freyming.