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Petite histoire de la forêt domaniale de Saint-Avold.
Par Bernard Becker d’après les études de J.M. BALLU et Laurent NEUHAUS
Une forêt du Warndt
Le Warndt est une entité à la fois géographique, géologique et historique constituée à l’origine d’une vaste forêt et qui, aujourd’hui, englobe cinquante localités dont vingt-neuf en Moselle et vingt et une en Sarre. Ce vaste ensemble en forme de fer à cheval s’ouvrant sur la vallée de la Sarre s’étend de Boucheporn (à l’ouest) jusqu’à Völklingen et Sarrebruck (à l’est) et de Sarrelouis (au nord) à Saint-Avold, Hombourg-Haut et Forbach (au sud). Cette cuvette est bordée, à l’est par les pentes de l’Hunsrück et, à l’ouest, par des versants abrupts et des collines de plus de 400 mètres. Du Mottenberg (413 m), dans la commune de Boucheporn, on peut jouir d’une vue imprenable sur le Warndt. Le sol est un sable pauvre, le “Gries”, qui contraste beaucoup avec les terres lourdes et riches du Plateau lorrain défrichées et cultivées de longue date.
Cette région, restée forestière parce que pauvre, a souvent servi de refuge ou de zone franche au cours des périodes troublées de l’histoire, ce qui expliquerait son nom : “warndt” dérivant de “warant” ou “garant” - comme les mots “varennes” et “garennes”. De tout temps refuge, elle a servi de zone de protection, limite naturelle, d’où son nom de “silva warenda” : “la sylve garante”, forêt frontière entre les grands états : Terres d’Empire, Lorraine et Évêché de Metz puis Allemagne et France.
L’époque romaine n’entraina pas de défrichement du Warndt mais y laissa beaucoup de vestiges en bordure (Boucheporn, HérapeI) ou le long des grandes voies de communication traversant le Warndt (Sainte Fontaine - Temple de Diane ou Velleda à Hombourg-Haut).
Jusqu’au XVe siècle, la colonisation se limita à un défrichement de bordures : Saint-Avold, Longeville, Merten, Varsberg et à l’occupation de quelques clairières : Chapelle Saint-Nicolas (1270), Grande Rosselle (1290). L’Hôpital par exemple était au départ une ferme (1200). Ces petits hameaux à caractère agricole vivaient beaucoup de la forêt (pâturages, panages).
Les premiers défrichements importants se firent tardivement, au XVIe siècle, notamment lors de l’arrivée des Huguenots français fuyant les crises religieuses avant l’édit de Nantes (1598). Bons artisans ou agriculteurs ils furent accueillis par le comte de Nassau-Sarrebruck qui leur accorda des terres. Plusieurs villages français furent ainsi créés dans le Warndt.
Après les déboisements agricoles, les déboisements industriels s’étendirent à partir du début du XVIIe siècle pour les verreries d’abord, pour l’industrie du fer ensuite suivie de celle du charbon et enfin de l’industrie carbochimique et pétrochimique.
Les premières verreries furent installées par une famille de gentilshommes verriers, les Condé. Citons les verreries de La Croix en 1601-1607, de Loudviller (Ludweiller) en 1604-1616, de Wilhelmsbronn en 1626, de La Houve en 1705 et de Lauterbach en 1707. Au lieu indiqué “Vieille Verrerie “ se trouvait une verrerie construite par Jacques Hennezel en 1630 au cœur de la forêt de Saint-Avold. Quant à elles, les forges de Creutzwald, Hombourg-Haut, Sainte Fontaine prélevèrent beaucoup de bois pour l’alimentation des hauts fourneaux au point que la population s’en alarma comme cela apparaît dans les Cahiers de Doléances.
L’agriculture ne pouvait être florissante sur des sables qui ne permettaient qu’un maigre élevage ou la culture du seigle et de la pomme de terre. La vocation du Warndt était donc forestière et ce n’est que sous la pression des industries que les déboisements eurent lieu.
Avant d’examiner de façon plus approfondie l’évolution de ces déboisements depuis le XVIIIe siècle dans l’actuelle forêt de Saint-Avold, il peut être intéressant de suivre les mutations foncières, changements de propriétaires et morcellements, que subit le Warndt.
La fusion de quatre forêts.
Si de nombreuses périodes restent obscures dans l’histoire du Warndt, on sait qu’Adalbéron, évêque de Metz, se plaignait à son oncle, l’Empereur, des difficultés qu’il rencontrait sur les limites Est de l’évêché avec le “burg de Sarrebruck”. L’Empereur Otton III lui donna, le 14 avril 999, à Rome le château de Sarrebruck, le Warndt et les domaines environnants (Volklingen). Cette donation fut confirmée par son successeur l’Empereur Henri IV en 1065 et par l’Empereur Frédéric en 1147.
L’évêque donna une partie du Warndt (vers 1150) à son cousin le Comte de Sarrebruck-Commercy qui avait déjà reçu de l’Empereur, en 1080, Wadgassen (Val de Gossange) où sera construite en 1135 une abbaye de prémontrés. La famille de Sarrebruck-Commercy ne laissant, en 1381, plus d’héritier mâle, le domaine passa à une fille, Jeanne de Sarrebruck, mariée à un Nassau, prince allemand, d’où la lignée des Nassau-Sarrebruck et l’influence allemande sur cette région.
La partie Nord-Ouest du Warndt avait été attribuée au Duc de Lorraine qui la confia à l’abbaye bénédictine Sainte-Croix de Bouzonville d’où son nom : forêt de la Sainte-Croix puis Creutzwald et, plus tard, lors du défrichement, la Hub et enfin la Houve (actuelle forêt domaniale de la Houve et forêts communales voisines résultant des cantonnements des droits d’usages). Cependant, le Comte de Sarrebruck revendiquait encore en 1580 des droits de chasse sur la forêt de Sainte-Croix (traité du 23 août avec le Duc de Lorraine).
Quant à la partie Sud, elle fut partagée entre les abbayes Saint-Martin de GIandières (Longeville) et Saint-Nabor. Après ces démembrements, ce n’est que sous Louis XIV et Louis XV que l’unité du Warndt sera presque refaite. Elle le fut complètement en 1793 lorsque la Convention annexa la principauté de Nassau-Sarrebruck jusqu’au Rhin. Mais les défaites napoléoniennes ramènent la frontière à celle de 1792 (traité de Paris : 30 mai 1814) et surtout après les Cent jours et la défaite de Waterloo (juin 1815), la France perd encore une partie du Warndt dont Sarrelouis qui - ville fondée par Louis XIV - était française depuis 1680.
Aujourd’hui la partie française du Warndt comprend les massifs de la Houve et de Saint-Avold, tous les deux composés d’une forêt domaniale, respectivement de 1350 ha et 2700 ha, bordée de forêts communales (1930 ha). Quant à la partie allemande, elle comprend pour l’essentiel la forêt domaniale de Karlsbrunn.
La forêt domaniale de Saint-Avold résulte de la fusion en 1871, par l’habitude :du service forestier allemand. de réunir toutes les forêts d’une même circonscription administrative, des massifs de Longeville, de Saint-Avold, du Crevald et de de Rondheitgen.
Forêt de Rondheitgen
La forêt de Rondheitgen faisait partie de la forêt dite “Warndtwald” appartenant au Prince de Nassau. En effet, avant l’incorporation définitive du Duché de Lorraine à la France qui devait intervenir à la mort de Stanislas Leczinski, le 23 février 1766, le Duc de Choiseul, Premier Ministre de Louis XV, avait préparé des rectifications de frontière et des suppressions d’enclaves par voie d’échanges avec le Prince de Nassau-Sarrebruck.
Ainsi par la convention de Bockenheim (Sarre Union) du 15 février 1766, la France recevait l’abbaye de Wadgassen (la Sarre formant frontière), et les villages ou parties de villages précédemment au Prince de Nassau : Wilhelmsbronn, Diesen et l’Hôpital. Un avenant ou “supplément du 16 novembre 1770” y ajoutait Carling et les cantons de forêts appelés Wilhelmsbronn, Stangen, David-Roth (Davidsrod) et Ronnhagen. Les cantons Stangen et Davidsrod (en partie) devinrent plus tard la forêt de Creutzwald la Croix et Wilhemsbronn. Le surplus du canton Oavidsrod devenant, compte tenu de la limite d’arrondissement, une partie de la forêt domaniale de la lIouve.
La vente de cette forêt fut concrétisée par un acte du 27 Octobre 1770 comme le confirment les registres du Conseil d’Etat du 4 juillet 1776. Cette forêt royale fut ainsi dès 1777 affectée à l’usage du “Corps royal de l’Artillerie de Metz” et délimitée par des bornes portant les deux lettres A.R. (Artillerie Royale) surmontées d’un fleur de lys.
À la Révolution cette forêt devint domaniale et faillit être vendue. En effet, la loi du 6 floréal an IV, prévoyait la vente de certains domaines nationaux dont les forêts de moins de 150 ha et éloignées de plus de 1000 toises des grands massifs. Il y eut des excès de zèle des Préfets et des abus. Le Ministre des finances rappela ainsi au “citoyen-préfet” de Moselle : “les particuliers se permettent de faire beaucoup de défrichements dans les bois dès qu’ils en sont devenus propriétaires “. Le Ministre dut également rappeler aux Préfets que le Directoire envisageait “d’annuler toutes les ventes qui seraient vicieuses ou illégales ….. “ mais ajoutait “désire également que si les bois sont en âge d’être coupés qu’ils le soient avant l’aliénation”. En effet, l’administration forestière avait présenté quelques recours car elle n’était pas très favorable à ces aliénations. La forêt de Rondheitgen ne fut finalement pas vendue.
La forêt de “Warent-Rondheitgen” fut mise à l’affiche en 1831 et elle devait, conformément à l’arrêté de Louis-Philippe du 27 mars 1831, être vendue “au rabais”, méthode pratiquée couramment pour les ventes de bois par l’administration forestière. Mais le propriétaire des forges de Creutzwald (M. Payssé) fit opposition à la vente car conformément à l’arrêt du 13 janvier 17S9 du Conseil d’Etat, le propriétaire des Hauts fourneaux et forges de Creutzwald avait droit d’extraction “mines, pierres, sables et argiles nécessaires à l’exploitation de ces usines”. C’est ainsi que cette forêt ne fut pas vendue lors de l’adjudication du 23 Novembre 1831 et resta domaniale.
Forêt de Crevald
La forêt de Crevald faisait partie de celle de Saint-Avold appartenant à l’abbaye et ne fut individualisée qu’après 1611, date de la création du village de Porcelette par défrichement.
L’évêque de Toul et abbé commandataire de l’abbaye bénédictine de Saint-Nabor, Jean des Porcelets de Maillane, d’où le nom de Porcelette, signe le 14 septembre 1611, à la demande de quelques habitants de Boucheporn le contrat de fondation d’un nouveau village dans la forêt du Krienwald puis Kreiwald, et enfin Crevald.
Ce nom proviendrait de “bois des corbeaux, des corneilles” ou plus probablement “bois des querelles” par suite peut-être de nombreuses querelles ou guerres qui s’y sont déroulées : en 1290, guerre entre le duc de Lorraine Ferri III et l’évêque de Metz, en 1328 guerre entre l’évêque et le seigneur de Boulay qui ravageait Saint-Avold. Querelles également entre l’abbé et les seigneurs avoués qui revendiquaient plus de droits qu’ils n’en avaient, notamment le seigneur de Créhange (1463), le seigneur de Raville (1460), le seigneur de Kerpen (1492).
Après les déboisements de 1611 à 1621 qui rejoignaient les anciennes clairières de Diesen (Dizain) de nouveaux défrichements furent autorisés, notamment celui du Marckberg (Marbergue) devenu le Kirchenberg (environ 20 ha), le produit du déboisement était destiné à construire l’église de Porcelette.
En 1552, le roi de France Henri II met la main sur les Trois Évêchés (Metz, Toul, Verdun). Si l’Empereur Charles Quint ne put, en 1553, malgré un siège difficile, reprendre Metz défendu par le duc de Guise, la suzeraineté de l’Empire ne cessa cependant officiellement qu’au traité de Westphalie en 1648, qui confirma le rattachement de cette région à la France. Elle devint alors une enclave française en terre ducale.
La forêt, propriété de l’abbaye de Saint-Nabor, temporel de l’évêché de Metz, fit alors partie du royaume de France. Elle devint forêt domaniale en 1789, lors de la confiscation des biens du clergé.
Forêt de Saint-Avold
L’évêque de Metz disposait de l’abbaye Saint-Nabor et des domaines qui en dépendaient dont la forêt et l’abbé avait la qualité de premier baron de l’évêché. Le comte de Sarrebruck et le seigneur de Créhange étaient respectivement l’avoué et le sous-avoué de cette abbaye.
En 1611 en fut distraite la forêt de Crevald . À partir du XIIIe siècle, les Ducs de Lorraine essayent d’étendre le Duché au détriment du Temporel de l’évêché, ce qui entraîna d’incessants conflits, notamment autour de Saint-Avold. Cependant de 1551 à 1562, Saint-Avold et Hombourg futrnt donnés en gage au Comte de Nassau-Sarrebruck par l’évêque de Metz. Puis en 1573, par crainte de voir ces deux villes tomber aux mains des “hérétiques” dont le pouvoir grandissait, le Cardinal Charles de Guise, évêque de Metz, les céda â son neveu Henri de Guise (le “balafré” chef de la Ligue et instigateur de la Saint-Barthélemy). Le pape Paul IV ratifia en 1578 cette cession.
Lr 24 novembre 1581, Henri de Guise revend ces deux villes, avec la forêt, à Charles III, Duc de Lorraine. La forêt, à l’exception du Crevald qui fait partie des biens réservés de l’abbaye avec Porcelette et Boucheporn, devient donc ducale à cette date. À la mort de Stanislas Leszczynski, elle devient forêt royale par rattachement du Duché à la France. Elle deviendra domaniale à la Révolution.
Forêt de Longeville
L’abbaye bénédictine de “Saint-Martin de Glandières” (ou “Saint-Martin aux Chênes”), entourée d’une grande forêt de chênes, fut fondée en 587. Elle fut richement dotée par Louis 1er le Pieux (778-840). L’abbaye se plaça, en 1550, sous la défense du Comte Philippe II de Nassau-Sarrebruck. Mais lors de la montée rapide de la Réforme (Luther) en Allemagne, à laquelle étaient favorables les Princes allemands et en particulier le Comte Jean IV, fils de Philippe II, l’abbaye se mit sous la suzeraineté du Duc de Lorraine en 1571. Restée jusqu’en 1789 propriété de l’abbaye, la forêt devient domaniale à la Révolution.
L ‘histoire des forêts est ainsi intimement liée à celles des grandes abbayes de la région, aux efforts colonisateurs des moines, aux créations de villages ou de nouvelles fermes.
Une forêt victime de l’industrialisation
La surface actuelle de la forêt domaniale de Saint-Avold est d’environ 2700 hectares contre 6000 au début du XVIe siècle.
C’est la présence de houille dans les couches du sous-sol qui a donné à la région sa véritable vocation industrielle. À partir du moment où 1 ‘homme commence à extraire le charbon, il provoque une accélération notoire des déboisements. Mais c’est la reconversion industrielle qui a le plus marqué le paysage forestier en régression dans la région de Saint-Avold. La reconversion industrielle, nécessaire pour sauvegarder l’emploi, a transformé une industrie essentiellement souterraine en une industrie de surface, notamment chimique, grande dévoreuse d’espaces, c’est-à-dire de forêt.
La Houille
L’exploitation houillère débute véritablement vers 1873, bat son plein au début du vingtième siècle pour subir un très net ralentissement vers les années 1950-1960 pour cause de coût et de manque de maîtrise technique avant de disparaître.
Les installations houillères, c’est-à-dire puits, terrils et carrières, représentent 119,23 hectares, soit 9 % du total des déboisements effectués depuis une soixantaine d’années. Un chiffre encore modeste par rapport au total déboisé. L’industrie houillère a motivé les déboisements liés à l’industrie mais n’en a retiré aucun profit.
Cités et hâbitat minier
Marquant profondément le paysage forestier de la région houillère lorraine, la construction des habitations et des cités minières va de pair avec la mise en valeur du gisement minier sarro-lorrain. L’extraction charbonnière a contribué à une métamorphose du paysage du Warndt et de ses bordures. Par ses exigences en main d’œuvre, elle a également confronté les compagnies, minières et, plus tard, les HBL au problème du logement. C’est pourquoi, il a fallu construire une multitude de cités et d’habitations qui ont évolué en fonction des besoins de la mine et qui reflètent l’histoire socio-économique mouvementée de la plaine du Warndt.
- Les compagnies minières
Il y a très peu de réalisations avant 1860. En 1873, se forme la Société des Mines de la Sarre et Moselle qui regroupe huit concessions et en 1895, apparaît une nouvelle concession à Creutzwald : la Société des Mines de la Houve. Entre les deux guerres, la Société de la Sarre et Moselle bâtit la cité Jeanne d’Arc (en 1926). Cette cité s’implante en bordure de la forêt domaniale de Saint-Avold, avec pour souci, pour les urbanistes de l’époque, de procurer un cadre verdoyant et calme pour les habitants. Cette implantation ne fut qu’un prétexte. La cité, bien que dessinée suivant un plan adapté aux courbes de niveau, n’est pas parfaitement adaptée au site. Le contact avec le massif forestier est brutal : les lisières rectilignes, bien définies, bien dessinées et de surcroît peu biodiversifiées sont extrêmement fragiles.
- Les réalisation des H.B.L. : 1945-1965
Les compagnies minières se trouvent confrontées aux destructions de la deuxième guerre mondiale. L’état décide alors de les nationaliser le 28 juin 1946 pour former les Houillères du Bassin de Lorraine qui doivent répondre à trois impératifs : parer le plus rapidement possible aux destructions, accroître pour cela les effectifs, engendrer une conception moderne de l’urbanisme. De 1950 à 1955 naissent de nouvelles cités : celles de Bellevue et Beau Site à Creutzwald et la cité Émile Huchet implantée dans la forêt à Saint-Avold. À partir de 1954, les H.B.L. passent un contrat avec l’entreprise Camus-Dietsch prévoyant la construction de 2500 logements en ensembles collectifs sur une durée de cinq ans.
Centrale thermique, cokerie, industrie chimique
Les industries annexes à l’industrie houillère (centrale thermique, cokerie) ont nécessité les déboisements les plus importants. Ceux-ci se sont surtout accélérés avec la reconversion industrielle et l’apparition de l’industrie chimique. Au total, ce sont plus de 560 hectares qui auront été nécessaires pour faire place aux vapo-crackeurs et autres bâtiments. Aux déboisements intensifs, il faut ajouter une croissance de la pollution qui cause la mortalité de surfaces relativement importantes, pollution qui atteint parfois les villes voisines de Carling et de L’Hôpital.
La plate-forme dite de Carling (ou Saint-Avold Nord) occupe une surface d’environ 300 hectares ce qui en fait une des plus importantes d’Europe. Créée dans les années cinquante, ses activités reposent jusqu’en 1960 sur les matières premières issues de la houille, c’est-à-dire l’élaboration d’hydrogène, d’éthylène, de méthane. Le charbon est alors en récession et en 1968, la plate-forme est contrainte de passer de la carbochimie à la pétrochimie ce qui en fait aujourd’hui un complexe dont la production est essentiellement constituée par la chimie minérale et organique, Saint-Avold s’étant équipé d’un pôle de plasturgie.
Les ressources en eau relativement faibles ont nécessité des pompages intensifs qui ont eu une influence négative sur la nappe phréatique causant également d’importants effondrements miniers ou encore l’assèchement de certains étangs comme celui d’Oderfang. Les industries ont donc directement ou indirectement eu une influence déstabilisante sur tout l’écosystème de la région et en particulier sur la forêt domaniale.
Les autres infrastructures
478 hectares ont été déboisés pour des implantations logistiques diverses : poste et lignes électriques, chemins d’accès menant aux pylônes; gazoducs, oléoducs et autres voies de communication énergétiques. Par ailleurs, la forêt a été littéralement coupée en deux par l’autoroute A4. L’emprise de cette autoroute est considérable. Elle est accentuée par l’aire de repos qui a nécessité une importante trouée dans les peuplements.
Une forêt de protection
Considéré comme le poumon vert du bassin houiller lorrain, le massif forestier du Warndt a subi, comme on vient de le voir, d’importants déboisements depuis le début de l’ère industrielle jusqu’aux années 1980. Il s’est ainsi fragilisé. La protection des forêts publiques, par le biais du Régime forestier ou des plans de gestion, s’est révélée insuffisante. C’est pourquoi la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt et l’ONF ont décidé de sauvegarder une partie des forêts restantes qui constituent un élément primordial du cadre de vie des 200 000 habitants du bassin houiller lorrain.
En 1989, la forêt domaniale de Saint-Avold a été classée en forêt de protection, mettant ainsi un terme à la diminution de sa surface. Il s’agit de sauver cette forêt tant que c’est encore possible. En effet, “le classement comme forêt de protection interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements”. L’aménagement forestier en cours devrait permettre, grâce notamment à de nouveaux financements, de corriger les erreurs passées. L’objectif principal qui est le retour à une majorité d’essences feuillues ne sera probablement pas atteint avant une quarantaine d’années. Dans le cadre de l’ordonnance NATURA 2000 émise par l’Union européenne, toutes les forêts du Warndt sont classées FFH (Faune, Flore, Habitat) ce qui signifie qu’elles peuvent continuer à être exploitées mais que la flore et la faune présentes doivent être considérées avec le plus grand soin.
Pour terminer sur une note optimiste, évoquons la fonction récréative de la forêt domaniale de Saint-Avold. Dans une zone de forte densité démographique, le massif forestier constitue un lieu de détente privilégié pour la population. Nombreux et diversifiés, les chemins forestiers, les sentiers pédestres sont très fréquentés que ce soit par les promeneurs, les groupes de marcheurs, les cueilleurs de champignons, les adeptes du footing ou du VTT et, quand ils le permettent, par les cavaliers.
En mal 2007, au cours d’une assemblée générale au centre international du Felsberg à Saint-Avold, une convention entre l’Office National des Forêts et les Clubs Vosgiens de la Lorraine a été signée. Grâce au sérieux, au dévouement, au dynamisme de ses membres et à la qualité de son balisage, le Club Vosgien de Saint-Avold est devenu un partenaire important de l’ONF afin que la forêt domaniale soit accessible au plus grand nombre de randonneurs de Saint-Avold et de ses environs. De son côté, le GECNAL (Croupe d’études et de conservation de la nature) multiplie les initiatives pour sensibiliser la population, les élus et les industriels au fort potentiel dont dispose le pays naborien en matière de tourisme vert.
Un arbre remarquable : le “chêne des sorcières”
On ne saurait évoquer la forêt domaniale de Saint-Avold sans mentionner le “chêne des sorcières” situé au croisement de la voie communale reliant la cité Jeanne d’Arc à Saint-Avold centre et de l’ancien chemin qui va de L’Hôpital à Hombourg-Haut. Le “chêne des sorcières” peut s’enorgueillir d’être le plus vieux de Moselle. Son âge semble difficile à déterminer : 800 ans pour les uns, plus de 1000 ans pour les autres. Il s’agit d’un chêne pédoncule dont la circonférence est de 6,40 mètres à 1,30 mètre du sol. Cet arbre singulier résulterait de la fusion de deux troncs juxtaposés. Il y a une centaine d’années on pouvait passer par le creux de l’arbre dans lequel était placée une statue de la Vierge. Il était appelé “chêne percé” dans l’aménagement forestier de 1862.
Il est actuellement classé et à préserver jusqu’à l’ultime limite, mais il est bien malade. Pourtant, dans les années 1950, il était encore relativement en bonne santé. Il a souffert, depuis, de la proximité de la plate-forme chimique de Carling, de l’abaissement de la nappe phréatique et de la pollution atmosphérique sous forme de poussières et de gaz industriels poussés par les vents du secteur ouest et se déposant sur les feuilles. Comme si cela ne suffisait pas, il a été percuté par un automobiliste ayant perdu le contrôle de son véhicule et des vandales imbéciles ont tenté d’y mettre le feu en 1984 et en 2009.
La chronique nous rapporte qu’en l’an 1180, l’empereur Frédéric Barberousse était venu chasser dans l’immense forêt du Warndt en compagnie du comte de Sarrebruck et du seigneur de Varsberg. Barberousse aurait planté sa lance dans le chêne en disant : « C’est ici que nous allons reprendre des forces ». Légende ou réalité ? Au temps des croisades, Clotilde, fille d’un seigneur de Varsberg, se réfugia sur le chêne avec sa mère, après avoir fui par un souterrain le château fort mis à sac par un certain chevalier de Schwartzenberg. En 1289, Heinrich von Werde, allant combattre les sires de Varsberg, alliés du duc Ferry, orna son casque et celui de ses hommes avec des feuillages de cet arbre et remporta la victoire. Après sa ruine complète à la suite de l’invasion des Suédois durant la guerre de Trente Ans, la belle Catherine de Hombourg-Haut, qui avait vieilli, désirant retrouver jeunesse, fortune et succès, avait invoqué tous les saints du ciel et en particulier sainte Catherine, sans résultat. Elle décida donc de demander aide au diable. Ayant entendu que les sorciers et sorcières se réunissaient près de la Hexeneiche avant de s’envoler sur leurs balais vers les lieux de sabbat, elle s’y rendit également mais n’y rencontra qu’un loup qui la dévora.
Plus sérieusement, le nom de “chêne des sorcières” donné à cet arbre daterait de la grande vague de sorcellerie qui sévit en Lorraine de 1505 à 1630. Les procès de sorcellerie, extrêmement nombreux pendant cette période, y compris dans le pays naborien, firent 1500 victimes dans le seul bailliage d’Allemagne. À l’initiative du Docteur Schuler, alors maire de L’Hôpital, se sont déroulées en 1995, au pied du vieux chêne, les premières °Maïades”. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un groupe de sorcières, toutes de noir vêtues, exécuta une danse endiablée autour du gros tronc. Elles furent ensuite emportées par une foule d’environ trois cents personnes munies de flambeaux, par le chemin forestier en direction du village. Arrivé à la lisière des bois, à hauteur du Merle, le groupe s’arrêta. La “Maïade”, une belle jeune fille toute de blanc vêtue et enguirlandée de fleurs, l’attendait pour triompher du mal et des sorcières. Ce long cortège de feux follets, Harmonie Municipale en tête, sillonna les rues de L’Hôpital depuis le Moulin jusqu’à la place du Marché.
Aujourd’hui, le “chêne des sorcières” figure parmi les chênes les plus vieux de France et fait partie des arbres importants du patrimoine forestier national. À ce titre, il a été intégré dans l’inventaire des arbres nationaux. Il a fait l’objet d’une étude globale confiée en 1996 à l’école des ingénieurs forestiers de Nancy et il est actuellement l’objet de soins homéopathiques afin de le préserver le plus longtemps possible.
Le “chêne des sorcières”: tableau de Patrice Strozyk