Cette très ancienne photo prise depuis la colline de Valmont montre, au premier plan à droite, l’hôpital Lemire, mais aussi la basilique, l’église protestante et, plus loin à gauche, les clochers de l’église abbatiale.*

L’Hôpital Lemire hier et aujourd’hui.

par Monique Becker d’après une étude de Marie Losson et des documents récents.

Plusieurs articles parus dans le “Cahier du Pays Naborien”, notamment le numéro 23, et un autre article sur ce site ont évoqué la médecine à Saint-Avold autrefois et en particulier le premier Hôtel-Dieu fondé le 7 juillet1313 par les religieux de l’abbaye bénédictine de Saint-Avold et leur abbé Jean « pour le soulagement des pauvres et des malades ». Nous nous limiterons donc ici à la seule histoire de l’hôpital Lemire fondé en 1906 et qui a connu, ces dernières années, bien ces vicissitudes.

Des débuts difficiles

Le 25 janvier 1858, le Bureau de bienfaisance de Saint-Avold décide de « doter la ville d’un dispensaire ou maison de charité … où pourraient s’établir une ou deux sœurs de la Congrégation de Sainte Chrétienne ». Ce dispensaire-hospice est effectivement créé mais il n’aura jamais les moyens de ses ambitions et, en 1883, il sera rayé de la liste des hôpitaux en raison de son aménagement défectueux. Peu de temps avant, le 8 octobre 1882, l’abbé Georges Auguste Lemire avait offert une somme de 3 000 marks qui devait permettre son extension. Malgré son agrandissement, l’établissement se révèle très vite insuffisant et, le 23 octobre 1889, les membres du Bureau de bienfaisance décident l’acquisition « sur la colline de Valmont, dans les confins dénommés “jardins de la chapelle de Valmont” et “jardins de la Tuilerie” d’une surface d’environ deux hectares et demi en vue de la construction d’un hôpital municipal ».

Le nouvel hôpital est inauguré le 10 septembre 1906. Ses plans ont été conçus par l’architecte Molz de Sarreguemines et il a, dans un premier temps, une capacité de 33 lits. Les moyens extrêmement limités dont dispose le Bureau de bienfaisance « et qui ne suffisent même pas à acquérir la totalité de l’installation intérieure » l’obligent à s’abstenir de toute festivité à cette occasion.

L’année même, 88 personnes y sont soignées, totalisant 3 094 journées d’hospitalisation. En 1909, en raison de l’ouverture de la mine de Folschviller et parce que l’hôpital municipal doit accueillir les mineurs malades, la présidence de Lorraine exige la mise à disposition de 22 lits supplémentaires. Le total des journées d’hospitalisation s’en trouve triplé.

L’hôpital municipal en 1909

Trois ans après son inauguration, l’hôpital se révèle trop petit. Suite à cette situation de surcharge, on ouvre, le 19 août 1909, un concours d’architecte en vue d’agrandir les locaux. Le 22 janvier 1912, le Bureau de bienfaisance retient le projet de PRIEDAT, pour la somme de 100 000 marks. Les travaux démarrent au début du mois d’avril 1914 et s’achèvent le 15 avril 1915. Pendant la première guerre mondiale, l’hôpital doit réserver 10 lits à l’armée et traiter de nombreux cas de typhus. Le docteur SUTTER sera le premier médecin nommé à temps plein, avec un traitement annuel de 400 marks.

L’hôpital municipal après son agrandissement.

Les années 1920 - 1935 sont essentiellement marquées par la mise en place d’une infrastructure d’équipement (appareil de rayons X, instruments chirurgicaux). Une troisième tranche de construction s’achèvera à la veille de la deuxième guerre mondiale, elle aura coûté 650 000 francs. En 1939, comme le reste de la population, l’hôpital est évacué. L’administration d’occupation nomme le professeur EWIG, intendant des hôpitaux. L’hôpital ne subira pas de dommages particuliers si ce n’est la dispersion de son matériel.

Un hôpital moderne et performant

Le 27 octobre 1947 marque un tournant dans la vie quotidienne de l’hôpital municipal. Ce jour là, Pierre Reisse, directeur de l’hôpital, accompagné des autorités municipales et ecclésiastiques naboriennes, accueille en gare de Saint-Avold les deux premières sœurs franciscaines du Luxembourg, chargées de préparer la relève des sœurs franciscaines de Thal qui officiaient à l’hôpital depuis 1945. Cinq autres sœurs les rejoignent peu de temps après. Elles se retireront de l’hôpital à partir de 1972.

Les années 1948 - 1980 sont marquées par l’acquisition d’un équipement médical moderne, la construction d’une maison de retraite et le recrutement de nouveaux personnels.

Jusqu’en 1941, la loi autorisait la cohabitation de l’hôpital soignant avec l’hospice recueillant des personnes âgées. Cette loi ayant été abrogée, le conseil municipal de Saint-Avold décide de construire un hospice séparé; il y versera les dommages de guerre de la ville. Les plans des architectes GAERTNER et ZONCA de METZ sont acceptés en 1957; la construction s’achèvera en 1961 pour sa somme de 94 millions de francs.

L’évolution des techniques médicales et la diversification des services d’hospitalisation obligent le conseil d’administration à envisager une extension de l’hôpital. Un programme de construction est adopté le 23 novembre 1965 et approuvé par la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, le 29 avril 1966. Cependant, le ministère de la santé, soucieux de bien doter la région en moyens sanitaires, demande, en 1966, une révision du programme de 1965. De 1966 à 1970, sont examinés les problèmes d’implantation des bâtiments et définies les capacités des différents services d’hospitalisation.

La loi du 31 décembre 1971, portant sur la réforme hospitalière, bouleverse les programmes établis car HOSPITALOR a demandé à participer au service public hospitalier. Or cet établissement qui était logé dans des locaux vétustes, a également un projet de rénovation.

En 1971, le ministère de la santé demande une réorganisation de l’équipement hospitalier de la ville de Saint-Avold en mettant l’accent sur une répartition des disciplines hospitalières entre les deux établissements. HOSPITALOR, en raison de son passé chirurgical, doit effectuer toute la chirurgie alors que l’hôpital public se voit confier les disciplines médicales. Il en est résulté une convention dite « Association HOSPIAVOLD » approuvée par le ministère de la santé en 1972.

Un arrêté préfectoral du 22 mars 1973 portant autorisation d’extension de l’Hôpital Civil, fixe la capacité de l’établissement à 460 lits répartis comme suit :

  • médecine générale : 100 lits
  • cardiologie : 20 lits
  • gastro-entérologie : 20 lits
  • pneumologie : 20 lits
  • pédiatrie ; 50 lits
  • O.R.L. + ophtalmologie : 10 lits
  • malades chroniques et convalescents : 60 lits
  • psychiatrie : 120 lits
  • personnes âgées : 60 lits.

Mais l’évolution de la politique sanitaire de la région conduit à une révision en baisse du programme de 1973, concrétisée par l’arrêté préfectoral du 5 août 1976. On passe d’un projet de 460 lits à un projet de 175 lits répartis de la façon suivante :

  • médecine et gastro-entérologue : 35 lits
  • pneumologie ; 15 lits
  • cardiologie : 20 lits
  • soins intensifs médicaux : 5 lits
  • O.R.L : 15 lits
  • ophtalmologie : 5 lits
  • gynéco-obstétrique : 20 lits
  • personnes âgées : 60 lits.

L’année 1976 est marquée par l’arrivée d’un nouveau directeur, Bernard Schmitt. C’est lui qui, en octobre 1977, proposera à la Commission administrative de donner à l’hôpital le nom de Georges Auguste Lemire (1838 - 1922) en souvenir de l’archiprêtre de Saint-Avold qui créa la toute proche basilique Notre-Dame de Bon-Secours et aida financièrement, en 1882, le dispensaire-hospice de l’époque. Quelques mois après sa prise de fonction, il définit les grandes lignes d’un nouveau programme d’extension qui intègre les nouveaux paramètres établis par le Ministère de la Santé en matière de politique sanitaire. Dès lors, le Conseil d’administration de l’établissement poursuit trois objectifs :

Renforcement de l’équipe médicale :

En 1976, l’équipe médicale est composée de six médecins dont deux seulement à plein temps. Tous les postes de médecins chef de service sont transformés en temps plein; parallèlement des postes de médecins-assistants sont créés.

Nouveaux investissements :

En procédant à d’importants investissements, le conseil d’administration démontre sa volonté d’action. Ainsi au mois d’octobre 1977, deux services nouveaux sont ouverts; il s’agit d’une part du service de réanimation médicale dirigé par le docteur Reichert et d’autre part du service de cardiologie dirigé par le docteur Bour. Ces praticiens ont alors à leur disposition un matériel médical ultra-moderne que l’on ne trouve généralement que dans les centres universitaires. À côté de ces créations, l’année 1977 est également marquée par le renforcement des équipements hospitaliers des services d’O.R.L., de pneumologie et de gynéco-obstétrique. En ce qui concerne ce dernier service, de très importants investissements sont réalisés ce qui en fait une unité hautement équipée dont la direction est assurée par le docteur Adamy. En 1978, poursuivant sa politique d’équipement, le conseil d’administration décide d’équiper une nouvelle salle de radiologie. En résumé, c’est une somme de plus de 4 millions de francs que l’hôpital civil aura investie en moins de deux ans.

Humanisation des locaux :

Les efforts portent principalement sur la remise en état des chambres d’hospitalisation. À la fin de 1978, les 3/4 des chambres de l’hôpital auront été modernisées.

En ce qui concerne les bâtiments, le conseil d’administration du 5 mai 1977 prend les décisions suivantes :

  1. Construction d’une nouvelle maison de retraite de 60 lits.
  2. Construction d’une nouvelle aile hospitalière, regroupant certains services généraux, ainsi que les services d’O.R.L et de gynéco-obstétrique.
  3. Transformation des bâtiments existants qui seront affectés aux services de médecine, de gastro-entérologie, de pneumologie, de cardiologie et de réanimation médicale.
  4. Renforcement du plateau technique : bloc opératoire, service de radiologie, laboratoire d’analyses (ce dernier ne sera jamais réalisé).
  5. Construction d’une école d’infirmières d’une capacité de 70 à 80 élèves.

Ces travaux d’un coût global de 40 millions de francs bénéficient de subventions du Conseil Général et de l’État, d’une aide financière de la commune de Saint-Avold et d’un prêt sans intérêt de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie de 9,5 millions de francs, le centre hospitalier ayant emprunté 23 millions de francs. Achevé en 1984, le centre hospitalier LEMIRE de Saint-Avold est alors un très bel établissement particulièrement bien équipé et permettant la mise en œuvre de techniques médicales modernes. Pour un total de 160 lits, il compte 12 médecins hospitaliers, 6 internes et 170 agents appartenant à diverses catégories : personnel soignant, ouvrier et administratif.

L’hôpital municipal devient en 1984 le “Centre hospitalier Lemire”

Un hôpital dans la tourmente

Au début des années 1990, le Centre hospitalier Lemire est un établissement envié : hôpital pluridisciplinaire, bien doté en personnel et en matériel, il a de plus la particularité d’être excédentaire alors que beaucoup d’établissements similaires sont déficitaires. L’hôpital s’enrichit d’un service “Long séjour” destiné à accueillir les personnes âgées de plus de 60 ans présentant un état pathologique chronique qui ne peuvent plus demeurer à leur domicile. Cette réalisation d’un montant de 2 600 000 francs nécessaires pour les travaux et l’acquisition des équipements est rendue possible grâce à un legs d’un million de francs de Marguerite Crusem, ancienne résidente de la maison de retraite. Selon Marc Clemmer, directeur de l’époque, « cette nouvelle structure permet à l’hôpital Lemire de mieux répondre aux besoins démographiques et d’élargir sa mission au sein de la commune de Saint-Avold ».

Mais les différents plans de restructuration imposés par la D.D.A.S.S. (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) puis par l’A.R.H. (Agence régionale de l’hospitalisation) vont complètement bouleverser l’offre de soins dans le bassin houiller.

Les ennuis commencent avec la création des S.I.H. ou Syndicats inter-hospitaliers. Le premier S.I.H. de Moselle voit le jour en 1992 et regroupe le Centre hospitalier Lemire et l’hôpital de Boulay. 1996 voit la création d’ “UNISANTÉ +”, syndicat inter-hospitalier regroupant l’hôpital Marie-Madeleine de Forbach, le Centre hospitalier Lemire et l’hôpital de Boulay. Dès lors, le Centre hospitalier Lemire perd son autonomie et son existence juridique propre. Le S.I.H. prévoit la mise en commun au niveau de la logistique et des services administratifs ainsi qu’une direction unique à Forbach. Il apparaît très rapidement que cette création du S.I.H. se fait au détriment du Centre hospitalier Lemire qui, en 1999, se voit retirer les services de maternité, d’O.R.L. et de réanimation. Ces services sont transférés à Forbach avec le personnel … qui continuera à être payé par le Centre hospitalier Lemire. Alors qu’il a perdu ces trois services, le Centre hospitalier Lemire continuera à financer le S.I.H. comme s’il était en pleine activité ! Ces décisions, prises en l’espace de quinze jours, contre l’avis des personnels, suscitent la colère de la population naborienne qui soutient les manifestations organisées alors mais qui ne réalise pas immédiatement l’ampleur des dégâts.

Article paru dans “Le Républicain Lorrain”

De 2000 à 2003, l’A.R.H. finance la construction d’un nouveau bâtiment destiné à la réadaptation cardiaque. mais les menaces continuent de peser sur l’établissement qui, jadis excédentaire, devient déficitaire. La situation s’aggrave : en 2011-2012, le nouveau bâtiment de réadaptation cardiaque est fermé et les services de cardiologie et de pneumologie sont transférés à Hospitalor, l’autre grand hôpital de Saint-Avold. Quelques mois après leur transfert, ils sont tout simplement dissous tandis que le service de réadaptation cardiaque est rouvert.

La loi de 2009 créant des Agences régionales de santé prévoyait la disparition des S.I.H. au 1er juillet 2012. Le Centre hospitalier Lemire fusionne désormais avec l’hôpital Marie-Madeleine de Forbach et l’ensemble devient un “Centre hospitalier intercommunal”. Mais cette situation n’est pas définitive. Les autorités sanitaires la qualifient d’intermédiaire car elles songent à présent à la création d’une CHT : une communauté hospitalière de territoire englobant également l’hôpital de Sarreguemines. L’idée d’un PTU, grand hôpital neuf et moderne dans le Bassin houiller, est quant à elle définitivement abandonnée.

Pourtant, au sein même de l’I.G.A.S. (l’Inspection Générale des Affaires Sociales), l’unanimité est loin d’être faite quant à l’opportunité des fusions d’hôpitaux. En juillet 2012, un rapport établi par quatre inspecteurs de l’I.G.A.S. et intitulé “Fusions et regroupements hospitaliers : quel bilan pour les quinze dernières années ?” considère que “la fusion n’est pas l’outil le plus pertinent pour réduire les déficits hospitaliers”. Le rapport démontre que “les processus de fusion sont sources de surcoûts et de dysfonctionnements”. Cette analyse rejoint en définitive celle des personnels du Centre Hospitalier Lemire qui s’opposent depuis toujours aux fusions qui engendrent plus de frustrations et de ressentiments que de bons résultats.

Après la suppression de 60 emplois, l’avenir reste incertain et beaucoup se demandent si le bel hôpital pluridisciplinaire qui faisait la fierté de Saint-Avold il y a vingt ans ne va pas devenir un hôpital de gériatrie comme celui de Boulay qui a quitté le S.I.H. en 2011.

Quant au S.M.U.R., initialement rattaché à l’hôpital Lemire, il a ensuite été rattaché à Hospitalor - Saint-Avold avant d’être délocalisé à Forbach. Rappelons que le S.M.U.R. est un Service Mobile d’Urgence et de Réanimation qui possède plusieurs unités mobiles hospitalières à bord desquelles se trouve un médecin urgentiste et qui sont destinées à délivrer des soins intensifs, une aide médicale urgente sur les lieux d’un accident, d’un malaise ou d’un accouchement extrahospitalier, Il n’y a donc plus, à Saint-Avold, aucun Service de ce type.

À gauche : la tombe de l’abbé Georges-Auguste Lemire, archiprêtre de Saint-Avold, qui a donné son nom à l’établissement. À droite : l’entrée du Centre Hospitalier Lemire en août 2012.