Que reste-t-il des moulins de Saint-Avold ?

par Bernard Becker et Bernard Bonnabaud

Transportons-nous un instant au début du VIIIe siècle alors que Sigisbaud, 36e évêque de Metz, décidait la création d’une “Nova Cella” (nouveau couvent) dans une vallée à une lieue de l’abbaye de Saint-Martin en Glandière. S’il choisit cet endroit, c’est notamment en raison de la présence de nombreuses sources et de cours d’eau qui fournissaient une eau limpide et parfaitement potable. Le plus important d’entre eux, qui allait prendre par la suite le nom de “Rosselle”, serpentait alors, clair et frais, au pied des collines entre lesquelles se développa peu à peu notre cité.

Connus dès l’Antiquité, les premiers moulins apparurent en Lorraine au XIIe siècle. Dès lors, il n’y eut pas un ruisseau qui ne comptât un ou deux de ces moulins, pas une source qui ne fût captée pour utiliser sa force pour le broyage des grains, pas le moindre petit étang derrière la dune duquel ne s’élevât le moulin traditionnel. Partout où cela était possible, la force hydraulique remplaça avec avantage la force animale.

On ne sera donc pas étonné d’apprendre que la Rosselle dans les cinq kilomètres de son cours supérieur faisait fonctionner neuf moulins sans compter sept autres sur ses petits affluents.

La rue des Moulins rappelle cette époque révolue. Le fonctionnement de ces moulins était aléatoire, lié aux conditions hydrologiques. En période de basses-eaux, le handicap du faible débit était parfois compensé par un étang entretenu artificiellement et dont les eaux servaient à maintenir un débit régulier. Quelquefois, c’était un canal creusé spécialement pour les besoins du moulin qui alimentait la roue en eau puis repartait se jeter dans le ruisseau. On comptait ainsi une douzaine de canaux de ce type dans le bassin versant dont le plus long était celui qui traversait Saint-Avold.

La longue période des moulins, qui s’étale sur environ 700 ans, s’arrête à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Victimes de l’avénement d’une meunerie industrielle, des progrès des transports et de la montée en puissance des houillères, les moulins cessent tour à tour leur activité. Notons qu’à Saint-Avold, lors de l’épisode d’épidémie de typhus de 1900, le canal des moulins joua le rôle de propagateur si bien qu’on dut se résoudre à le fermer ce qui entraîna la fin des trois moulins qu’il alimentait.

Aujourd’hui il ne reste plus guère de traces de ces anciens moulins si ce n’est dans la toponymie (Bohmühle, Redermühle, par exemple).

Le moulin d’Oderfang

Cet ouvrage hydraulique, aujourd’hui disparu, était desservi par un canal partant de l’étang d’Oderfang (d’où son nom). Il bénéficiait d’un second petit étang et de son canal. C’était le plus ancien et le plus important du pays naborien. Possession de l’abbaye de Saint-Avold au Moyen Âge, il fut cédé en 1623 au prince Louis de Guise puis appartint à différents meuniers. L’un d’eux, Herman Richard, fit construire la chapelle de la Sainte-Trinité en 1713. La ferme construite autour de l’emplacement de l’ancien moulin qui cessa toute activité en 1895 date du siècle dernier.

En aval du moulin d’Oderfang, un moulin à huile concassait des noix et des navettes, mais il disparut après la guerre de Trente Ans.

Le Fidaschmühle

Le site de Saint-Avold est celui de la confluence des ruisseaux issus, en amont, du front de côte. Dans la ville, la Rosselle se séparait en plusieurs bras, coulant le long des rues et alimentant moulins et tanneries avant de se rejoindre à la sortie de la ville. Le tracé des anciennes voies d’eau subsiste encore correspondant au tracé actuel de certaines des rues et boulevards. Ainsi le boulevard de Lorraine était celui de la Rosselle jusqu’à sa canalisation en 1965. Le canal des moulins, lui, s’écoulait suivant le tracé de l’actuelle rue Foch, de la rue des Tanneurs et de la rue des Moulins.

Le premier de ces moulins; sur la route de Longeville, était le “Fidaschmühle”. On l’appelait aussi “moulin du faubourg” car il était situé en dehors des fortifications.

Cité pour la première fois en 1623, le moulin fonctionna jusqu’en 1900, date à laquelle fut comblé le canal qui l’alimentait.

Le bâtiment existe toujours. La façade a été modifiée mais le passage couvert est resté à peu près le même.

Le Blaumühle Appelé parfois “Teufelsmühle” ou “moulin du diable”. On y fabriquait du bleu de Prusse. Situé en face de l’actuel Hôtel de Ville, sur le boulevard de Loraine, c’est l’un des rares bâtiments qui existent encore.

Le Wurtzmühle Ce moulin se trouvait à la sortie est de la ville à l’intersection du boulevard de Lorraine et de la rue Mangin. Formé de trois maisons, il était habité par 20 personnes. On y fabriquait du bleu de Prusse. Il cessa de fonctionner en 1878.

Le Lohmuühle *Ce moulin, situé à la sortie est de la ville, a été construit par les tanneurs à la fin du XVIIIe siècle. Il servait à la fabrication du tan, c’est-à-dire de l’écorce de chêne concassée et moulue. Le bâtiment, transformé en maison d’habitation, existe toujours.

Le Redermühle Il était situé sur le Rederbach, affluent de la Rosselle en provenance de Dourd’hal. Propriété des sires de Varsberg, il fut vendu, en 1629 aux religieuses bénédictines de Saint-Avold. Il n’en reste plus rien aujourd’hui.

Le Bormühle Ce moulin chevauchait la limite entre Saint-Avold et Longeville. Possession de l’abbaye Saint-Martin en Glandières, il fonctionna de 1729 à 1870. Il était alimenté par un canal prenant naissance près de l’étang de la Merbette. Il y a quelques mois, on pouvait encore voir les bâtiments d’habitation longés par la voie de contournement de la ville. Ils ont disparu aujourd’hui.

En savoir plus :

  • “Industries anciennes de la région de Saint-Avold” par Jean-Claude Eckert (1977)
  • “Si les rues de Saint-Avold m’étaient contées”, par Lucien Henrion et Pascal Flaus (2001)