Otto de Habsbourg-Lorraine et son épouse Regina de Saxe-Meiningen.
L’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine, humaniste, européen convaincu et lorrain de cœur.
par Bernard Becker
Otto de Habsbourg-Lorraine était le fils aîné de Charles 1er, dernier empereur d’Autriche, dernier roi de Hongrie et de Bohême, et de l’impératrice, née princesse Zita de Bourbon-Parme. En janvier 2007, il renonça à son rôle de prétendant au trône et c’est son fils aîné, l’archiduc Karl von Habsburg-Lothringen, qui lui succède.
Le destin tragique du dernier empereur d’Autriche
En novembre 1916, à la mort de son grand-oncle l’empereur François-Joseph, Charles 1er, alors âgé de 29 ans, monte sur le trône de l’empire d’Autriche et des royaumes de Hongrie et de Bohême en plein cœur du conflit mondial, laissant l’Europe à feu et à sang. À 4 ans, Otto assiste au couronnement de son père. Le nouveau souverain aspire à la paix. Marié à la princesse Zita de Bourbon-Parme, l’empereur Charles Ier entame des pourparlers secrets avec la France, par le truchement de ses beaux-frères, les princes Sixte et Xavier. Malheureusement, Clemenceau, par haine des Habsbourg, provoquera leur échec. La défaite de 1918 entraîne le divorce des peuples de l’Empire. Tandis que la République de Tchécoslovaquie est proclamée à Paris, les Hongrois, les Croates ou encore les Ruthènes arrachent leur indépendance. Le 11 novembre 1918, jour de l’armistice franco-allemand, Charles Ier renonce à « participer aux affaires de l’État ». Dès le lendemain, l’empire a cessé d’exister… À cette époque, Otto a une sœur cadette, Adélaïde, et trois frères plus jeunes, Robert, Félix et Charles-Louis. Toute la famille impériale prend le chemin de l’exil.
Otto de Habsbourg-Lorraine et ses parents, le 30 décembre 1916.
Pendant l’hiver 1918-1919, l’empereur et sa famille vivent au château d’Eckartsau, un relais de chasse de Basse-Autriche. La population locale fait un accueil chaleureux à la famille impériale. Mais la présence de l’empereur en terre autrichienne dérange voire inquiète les nouveaux maîtres du pays. Au début de janvier 1919, le chancelier Rentier se rend à Eckartsau pour demander à l’empereur d’abdiquer et de quitter le pays. Le 23 mars, la famille impériale et sa suite quittent Eckartsau pour la gare de Kopfstetten. Là, une foule nombreuse de villageois, les maires et les conseillers municipaux, les anciens combattants accourus de toute la région, viennent saluer l’empereur une dernière fois. À 19 h 05, le train spécial prend la direction de l’ouest et le lendemain, en début d’après-midi, quitte le territoire autrichien.
L’empereur et les siens s’installent au château de Wartegg, résidence de la mère de l’impératrice, avant de se fixer à la fin d’avril au château de Frangins, non loin de Genève. Les Habsbourg reviennent ainsi en Suisse, là où leurs lointains ancêtres avaient jeté les bases de leur puissance. Peu après l’installation de l’empereur en Suisse, l’Assemblée nationale autrichienne vote le bannissement de tous les membres de la famille impériale et confisque aussi bien les biens de la Couronne que la fortune privée des Habsbourg. À l’exil s’ajoute maintenant la pauvreté. De son exil suisse, l’empereur Charles continue de s’intéresser à ce qui se passe en Autriche et en Hongrie. Il entretient une correspondance suivie avec des personnalités monarchistes et évoque avec elles les chances d’une éventuelle restauration. Mais ses tentatives restent vaines et il est contraint de s’exiler à Madère.
C’est dans le plus profond dénuement que le couple impérial s’installe à Madère. Après avoir logé dans un hôtel devenu trop coûteux pour eux, les souverains bénéficient de l’hospitalité d’un riche propriétaire terrien portugais qui met à leur disposition la villa Quinta de Monte. Le 9 mars, l’empereur Charles prend froid mais n’y prête guère attention. Le 14, le médecin diagnostique une congestion pulmonaire. Rapidement, la fièvre monte, les forces de l’empereur diminuent. On se rend vite compte que les chances de sauver le malade sont infimes. Le 30 mars, très affaibli, l’empereur reçoit du père Zsamboki les derniers sacrements. Le 1er avril 1922, à l’âge de 34 ans, entouré de son fils aîné Otto et de l’impératrice Zita, Charles s’éteint à 12 h 23. Otto n’a pas encore dix ans.
Les funérailles présidées par l’évêque de Funchal sont célébrées le 4 avril en présence des autorités locales, des représentants personnels du président portugais et du roi d’Espagne Alphonse XIII et des consuls d’Allemagne, de France et de Grande-Bretagne. Trois couronnes sont placées autour du cercueil, l’une pour l’Autriche, l’autre pour la Hongrie, et la troisième commandée par l’ancien chef d’état-major, le général Arz, « au nom des officiers, sous-officiers et soldats de l’armée impériale et royale ». Il repose, aujourd’hui encore, dans l’église “Nossa Senhora do Monte” sur les hauteurs de Funchal et a été béatifié en 2004 par le pape Jean-Paul II. Son fils aîné, Otto, devient alors le chef de la Maison de Habsbourg-Lorraine.
Avec la disparition de l’empereur Charles, c’est toute une partie de l’histoire européenne qui s’achève.
Un prince humaniste
Après la mort de l’empereur Charles en 1922, l’impératrice Zita et ses huit enfants s’installent d’abord en Espagne où ils sont les hôtes du roi Alphonse XIII au château du Pardo pendant quelques mois avant de se fixer au Pays basque, à Lekeitio, jusqu’à la fin de 1929. Au début de l’année suivante, toute la famille s’installe en Belgique, au château de Steenokkerzeel, non loin de Bruxelles, où elle demeure jusqu’en 1940.
Dès son arrivée en Espagne, l’impératrice se préoccupe de l’éducation de ses enfants. L’archiduc Otto, l’aîné, celui sur lequel repose désormais l’avenir de la dynastie, reçoit l’instruction traditionnelle de tous les princes héritiers : droit, langues, histoire et géographie. L’enseignement dispensé est supervisé par Mgr Seydl, l’ancien aumônier de la Cour, assisté du baron Hussarek, ancien chef du gouvernement autrichien, et du comte Zichy, ancien ministre de l’Instruction publique de Hongrie. Peu après son installation en Belgique, l’archiduc Otto passe son baccalauréat avec la mention « Très bien » puis s’inscrit à l’université de Louvain où il passe en 1935 sa thèse de doctorat sur « Coutumes et droits successoraux de la classe paysanne en Autriche », avec la mention summa cum laude. En novembre 1930, l’archiduc Otto qui vient d’atteindre ses dix-huit ans est proclamé majeur. Dès lors, l’impératrice s’efface quelque peu mais continua à conseiller le jeune prince, tout en veillant à l’éducation de ses autres enfants.
Otto (au centre) et ses frères et sœurs en 1929.
Tandis qu’il poursuit ses études universitaires, l’archiduc Otto a l’occasion de faire de nombreux voyages à l’étranger, notamment en France, en compagnie de son mentor, son oncle Sixte de Bourbon-Parme auquel il est très attaché, ou seul. Otto rencontre des hommes politiques influents de l’époque et a de nombreux contacts avec les maréchaux Franchet d’Esperey et Lyautey. Ses relations avec Lyautey sont particulièrement étroites. Tous deux sont très attachés à la Lorraine, et lorsqu’il voyage à l’étranger, l’archiduc Otto utilise le titre de « duc de Bar ». C’est en compagnie du maréchal Lyautey que l’archiduc visite la colline de Sion, la « colline inspirée » chère à Maurice Barrés. Souvent, le vieux maréchal appelle Otto « mon duc », témoignant ainsi de leur attachement commun à la Lorraine. L’archiduc Otto, en compagnie de sa mère, se rend à Nancy, la capitale de ses ancêtres lorrains, et y retourne plusieurs fois avec Lyautey.
Le jeune prince, véritable polyglotte, pratique aussi bien le français, l’anglais, l’espagnol, l’italien et le tchèque. Il possède également des rudiments de plusieurs autres langues, sans oublier le latin. Mais l’archiduc aura toujours une prédilection pour le français, dont il voudra, plus tard, faire la langue officielle de l’Europe : « En plus d’être une langue splendide, dit-il, le français est la plus proche du latin. Il est regrettable que le français ne soit plus la langue diplomatique. Elle était la garantie d’une diplomatie claire et juste par sa précision… ».
L’archiduc Otto séjourne à plusieurs reprises en Allemagne au début des années 1930, marquées par la poussée nationale-socialiste. Lors d’un entretien avec Hindenburg, l’archiduc prend conscience que le maréchal, en raison de son grand âge, sera incapable de résister à Hitler. Otto et sa mère ont lu « Mein Kampf » et en ont conçu une profonde aversion à l’égard de son auteur et de ses idées.
Après l’Anschluss réalisé sans provoquer aucune réaction de la part des Puissances occidentales, les monarchistes autrichiens sont, avec les juifs et les chefs socialistes, les premières victimes du nouveau régime. Le 28 janvier 1933, l’archiduc qui a achevé ses recherches pour sa thèse quitte Berlin, deux jours avant l’arrivée au pouvoir de Hitler. Dans ces moments tragiques, Otto de Habsbourg-Lorraine ne reste pas inactif et s’efforce d’obtenir pour les milliers de réfugiés autrichiens en France, et parmi eux de nombreux juifs, le statut de réfugiés politiques. Au début de la guerre, il réussit non sans mal à faire libérer les Autrichiens internés par les autorités militaires françaises en tant que ressortissants allemands.
Considéré comme un traître à la patrie allemande, Otto de Habsbourg-Lorraine est l’objet de la vindicte de Hitler. Lorsque, le 10 mai 1940, les Allemands déclenchent leur offensive en Belgique et dans les Ardennes, la famille impériale quitte aussitôt Steenokkerzeel. Otto de Habsbourg-Lorraine, dont la tête est mise à prix, continue depuis la France à s’occuper de ses compatriotes. Mais devant l’avance allemande, en compagnie de l’impératrice Zita et de ses frères et sœurs, il passe en Espagne le 18 juillet, puis gagne le Portugal. Sur le conseil du président Salazar, Otto part avec sa famille pour les États-Unis où il s’installe pendant la durée de la guerre, tandis que le reste de la famille se fixe : au Canada. Aux États-Unis, Otto de Habsbourg-Lorraine continue à servir les intérêts de ses anciens peuples ; il plaide auprès du président Roosevelt la cause de l’Autriche et favorise l’émergence d’un Conseil national autrichien. Grâce à l’action persuasive de l’archiduc, l’Autriche est considérée officiellement par les Alliés comme un pays agressé par Hitler lors de la conférence interalliée de Moscou en novembre 1943.
En 1944, Otto regagne la France. Il effectue un bref séjour en Autriche, jusqu’à ce que les autorités d’occupation soviétiques l’expulsent, lui reprochant son anticommunisme. En 1951, à l’approche de la quarantaine, l’archiduc songe enfin à se marier. C’est à Nancy, l’ancienne capitale des ducs de Lorraine, ses ancêtres, qu’il épouse la princesse Regina de Saxe-Meiningen. La statue de la Vierge, protectrice de l’Autriche, a quitté tout exprès son sanctuaire de Mariazell. L’évêque de Nancy, Mgr Lallier, officie avec le vicaire apostolique Mgr Zagon. Derrière un parterre de rois et d’altesses, se pressent des chevaliers de Malte dans leurs rutilants uniformes, des magnats magyars, plumets au chapeau, aussi bien que des étudiants autrichiens sabre au côté et une foule considérable de Lorrains venus de toute la région.
Otto de Habsbourg-Lorraine épouse Regina de Saxe-Meiningen le 10 mai 1951 à Nancy
Un Européen convaincu
Dès 1936, Otto de Habsbourg-Lorraine adhère à l’Union Paneuropéenne, d’abord par amitié pour son fondateur, Coudenhove-Kalergi, et il lui apparaît très vite que là réside la voie du salut pour le vieux continent. L’Europe pacifique qu’il appellera toujours de ses vœux sera attentive aux différences : « Je suis pour une Europe des nations, qui respecte la langue, les particularismes de chacun au lieu de les étouffer par la bureaucratie, mais en les reliant à un tronc commun. » Elle sera également enracinée dans son passé chrétien : « Notre continent est celui de la culture, celui de l’Esprit. Nos villes ne sont pas dominées par des banques ou des prisons, mais par des cathédrales. » Pourtant, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, un tel projet relève encore de l’utopie.
Otto de Habsbourg- Lorraine prend la Présidence du Mouvement Paneuropéen au décès du Comte Coudenhove-Kalergi, le 27 Juillet 1972. Il restera président de ce Mouvement jusqu’en 2004 et prendra position contre l’entrée de la Turquie en Europe.
Naturalisé allemand en 1978, Otto est élu député européen l’année suivante, sur la liste du CSU, le parti chrétien-social bavarois. Fidèle à son propre style, l’archiduc se montrera le plus assidu des parlementaires. « Doktor Habsburg », comme il se fait appeler par élégance démocratique, ne manque jamais une séance. En période de travail, il s’assoit dès 9 heures, pour l’ouverture des séances, à son pupitre anonyme, le n° 287… Doyen d’âge, il préside par deux fois la séance inaugurale du Parlement européen. Il fonde, avec un groupe de députés européens favorables à l’apprentissage de la langue française, le GEDULF, qui fait la promotion du français comme langue de référence de l’Europe ; il conteste à l’anglais cette place, au nom de la spécificité et de l’indépendance européenne par rapport aux États-Unis.
Au parlement de Strasbourg, durant quatre législatures, c’est toujours le projet d’une Europe chrétienne et anticommuniste qu’il défend sans relâche avec sa fille Walburga qui lui sert d’attachée parlementaire. « La couleur du marxisme, précise-t-il, ce n’est pas le rouge, c’est le gris des cadavres ». Aussi se bat-il pour « faire triompher la liberté contre le collectivisme, décoloniser les pays d’Europe centrale qui sont victimes des accords de Yalta ». À l’aube des années 80, une pareille ambition pouvait sembler chimérique. Malgré les efforts héroïques des Polonais de Solidarnosc, malgré Lech Walesa et Jean-Paul II, qui aurait su pronostiquer l’agonie prochaine de l’URSS ? Sa parfaite connaissance des mécanismes historiques - « les gens qui ne connaissent pas l’histoire ne peuvent pas faire de bonne politique » - permet à Otto de considérer la réunification allemande inéluctable, dès l’ouverture du Mur de Berlin.
Au soir de sa vie, Otto reconnaîtra : « Mon plus grand bonheur a été la disparition des systèmes communistes en Hongrie et dans les autres pays d’Europe, une joie que je n’aurais jamais espéré connaître ». Car, soudain, l’Histoire accélère son rythme. En décembre 1988, Otto est autorisé, pour la première fois depuis 1918, à visiter Budapest. Quelques mois plus tard, le 2 avril 1989, les obsèques de l’impératrice Zita, sa mère, lui permettent de mesurer la popularité intacte des Habsbourg. Sur le passage du cortège, dans les rues de Vienne, Autrichiens et Hongrois se pressent pour l’acclamer (des extraits des funérailles de l’impératrice Zita peuvent être vus en cliquant ICI). En 1991, le Parti paysan hongrois réunit 100 000 signatures sur son nom, pour proposer sa candidature au poste présidentiel. L’archiduc n’hésite guère. À 78 ans, il décline cette offre séduisante, se considérant plus utile au Parlement européen.
Tout en se consacrant pendant vingt ans à son travail de parlementaire européen, Otto de Habsbourg-Lorraine publie de nombreux ouvrages en allemand et en français parmi lesquels « Mémoires d’Europe » qui paraît en 1994.
Un Lorrain de cœur
Otto de Habsbourg-Lorraine est resté attaché toute sa vie à la terre de ses ancêtres. Il tenait à ce que le nom “Lorraine” figure toujours à côté de “Habsbourg”. Il revient régulièrement en Lorraine. Lors d’un colloque organisé à Nancy par les universités de Nancy II et Strasbourg III en mai 1987, il souligne le rôle de la Lorraine dans la construction européenne et rend hommage à Robert Schuman et à Jean de Pange. Il affirme notamment : « Pour créer une Europe nouvelle, la Lorraine aura un rôle capital à jouer. Sa fidélité, son attachement à la tradition, son dynamisme devront pleinement participer à ce renouveau qui s’esquisse. Alors que nous sommes à la croisée des chemins, il appartient à la Lorraine, qui tant de fois a déjà pris en ses mains les destinées de l’Europe, que ce soit sur son propre territoire ou encore quand les Lorrains partaient au service de leur duc ou de leur souverain pour servir l’idée chrétienne de l’Europe sur les champs de bataille de monde, d’être digne de son passé ».
C’est à Nancy, capitale de la Lorraine, qu’il se marie, comme on l’a vu, le 10 mai 1951. Lorsque, cinquante ans plus tard, le descendant du duc François III revient, avec toute sa famille, célébrer ses noces d’or dans l’église des Cordeliers, il déclare : « Je suis venu à Nancy parce que je suis Lorrain. Mon père m’a toujours dit : renoncez à tout, mais ne renoncez jamais à la Lorraine ». N’invite-t-il pas ainsi les Lorrains à retrouver leur histoire et la mémoire d’une nation disparue ? L’une de ses dernières visites fait suite à l’incendie du Château de Lunéville en 2003, le château de ses aïeux lorrains. Il revient fin 2005 à l’occasion d’un colloque à Nancy, consacré à l’Union Européenne.
À l’occasion de la Présidence française de l’Union Européenne en 2008, Otto de Habsbourg-Lorraine donne une interview exclusive en français à KTO. le 1er juillet. C’est l’un de ses derniers entretiens télévisés.
Otto de Habsbourg-Lorraine et Regina fêtent leurs noces d’or le 10 mai 2001 à Nancy.
Otto et Regina ont eu cinq filles et deux fils tous mariés et avec de nombreux enfants.
Otto de Habsbourg-Lorraine décède le 4 juillet 2011 à l’âge de 98 ans en Bavière où il résidait. Le décès du duc ne laisse pas les Lorrains indifférents. À Nancy dans la chapelle des Cordeliers, une messe de requiem lue le samedi 09 juillet attire de nombreuses personnes dont le maire de Nancy et son conseil, des membres du Musée Lorrain. À Bruxelles, le président de la Commission européenne, le Portugais José Manuel Barroso, évoque « un grand Européen (…) qui a donné un grand élan au projet européen tout au long d’une vie très riche ».
Les funérailles
Des funérailles solennelles sont organisées à Vienne le 16 juillet après un requiem à la cathédrale Saint-Étienne. Le Président de la république autrichienne Heinz Fischer et de nombreuses personnalités venues de toute l’Europe assistent à la cérémonie. Le Nonce apostolique, Peter Stephan Zurbriggen, lit au début de la messe la lettre de condoléances du Pape à la famille Habsbourg. Benoît XVI souligne le fait que le défunt fut un « grand Européen infatigable qui a œuvré pour la paix, la coexistence pacifique des personnes et pour un ordre juste sur le vieux continent ».
Après l’office, une impressionnante procession funéraire d’environ un kilomètre marche dans les rues de la capitale autrichienne, procession retransmise comme la messe sur des écrans géants devant l’édifice religieux et à la Hofburg. Ainsi entouré, Otto de Habsbourg-Lorraine arrive devant l’église des Capucins où sont enterrés les Habsbourg depuis 1618. Il est 18 heures lorsque UIrich-Walter Lipp, un ami très proche de la famille, choisi pour jouer le rôle du héraut d’armes, s’avance devant les portes closes de l’église. Avec un long bâton métallique, il frappe trois fois à la base de la porte. « Qui demande à entrer ? », lance depuis l’intérieur de l’église le père Undesser, qui avait déjà présidé à cette cérémonie en 1989, lors des funérailles de l’impératrice Zita. « Otto d’Autriche, ancien prince héritier d’Autriche-Hongrie, prince royal de Hongrie, Croatie, Bohême, Dalmatie, Slavonie, Galicie, Tyrol, grand-duc de Toscane et de Cracovie, duc de Lorraine … », répond Ulrich-Walter Lipp, avant de décliner l’interminable liste de titres de l’héritier des Habsbourg. La réponse tombe : « Nous ne le connaissons pas ». La question est encore posée deux fois. La dernière réponse tient en une phrase : « Otto, un simple mortel, un pauvre pêcheur ». « Qu’il entre ! » lance alors le père Undesser. (Des extraits de ce rite ancien et très émouvant peuvent être vus en cliquant ICI ). Quelques marches conduisent à la nécropole souterraine des Habsbourg. Là, dorment de leur dernier sommeil des dizaines d’empereurs, d’impératrices, d’archiducs, une reine de Naples, et même une impératrice des Français, Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon 1er. Dans la chapelle de la crypte neuve, où se trouvent déjà sa mère, l’impératrice Zita et son frère, l’archiduc Charles-Louis, Otto de Habsbourg-Lorraine va retrouver son épouse, Regina, décédée le 3 février 2010 à l’âge de 85 ans. Tous deux ont choisi de reposer ensemble en ces lieux.
Les dernières funérailles de l’ultime prince héritier de l’empire austro-hongrois marquent la fin d’une époque. Elles sont suivies par des milliers de Viennois de tous âges. De nombreux Hongrois, Tchèques, Italiens, venus des anciens territoires de l’Empire, ont fait aussi le déplacement. Des Lorrains, parmi lesquels Pascal Flaus, président de la S.H.P.N. , se sont rendus également à Vienne pour lui rendre un dernier hommage (d’autres extraits des funérailles d’Otto de Habsbourg-Lorraine peuvent être vus en cliquant ICI ).
Ainsi qu’on l’a vu, Otto de Habsbourg-Lorraine s’était mis au service de ses anciens peuples libérés du communisme et s’est efforcé de faciliter leur intégration à l’Union européenne. Son fils aîné Karl, qui vit à Salzbourg, milite dans le cadre de l’organisation “Peuples et Nations” pour la défense des minorités nationales ; son second fils, Georg — qui préfère être appelé sous la forme hongroise de Gyôrgy — réside à Budapest et occupe la fonction d’ambassadeur itinérant de Hongrie pour l’intégration européenne ; leur sœur, l’archiduchesse Walburga, milite activement au sein du Mouvement Paneuropéen.
Pour conclure nous citerons Jean des Cars, auteur d’un livre sur ‘La Saga des Habsbourg* qui a eu l’occasion de rencontrer de nombreuses fois Otto de Habsbourg-Lorraine et de mesurer l’immense stature du fils du dernier empereur d’Autriche-Hongrie : « Otto de Habsbourg-Lorraine était non seulement l’histoire, il était aussi l’actualité. Il était l’histoire parce qu’il était le descendant de Charles Quint (…). Il ne s’est pas contenté d’être cela. Il fut seul représentant d’une dynastie fracassée en 1918 qui soit devenu un personnage de son temps. Il a vu arriver les désastres du Traité de Versailles qui préparait la Seconde Guerre mondiale, il a compris que Hitler nous conduirait à la guerre ».
Né le 11 janvier 1961, Karl de Habsbourg-Lorraine est l’actuel prétendant au trône impérial d’Autriche et aux couronnes de Hongrie et de Bohême. Diplômé de droit et Grand Maître de la Toison d’Or depuis 2000, il a reçu la charge impériale des mains de son père le 1er Janvier 2007. Président de la section autrichienne du Mouvement Paneuropéen depuis 1986, il est désormais duc de Lorraine et de Bar.
Otto de Habsbourg-Lorraine entre son fils Karl et son petit-fils Ferdinand en 2007. On peut suivre une interview de Karl en cliquant ICI.
— PHOTOS : “POINT DE VUE” n° 3286 —