Le combat du bois de Thonville le 16 juin 1940.

par Alain Koppers et Jean -François Legrée

(extraits de l’article paru dans le numéro 24 du Cahier du pays naborien)

Cet article, le fruit d’une collaboration, n’a pas pour but d’exposer, d’expliquer ou de relater le repli des troupes françaises du secteur fortifié de Faulquemont, car de nombreux ouvrages s’en sont déjà chargés. Il veut mettre en lumière un événement assez peu connu qui a eu lieu il y a 70 ans à notre porte, le déroulement des recherches sur les faits et les protagonistes, soldats et officiers, qui s’y sont illustrés. Même si nous survolons les derniers jours précédant le combat du bois de Thonville, l’important est le témoignage brut des acteurs, pour la mémoire de ceux qui sont tombés au champ d’honneur.

Le début des combats : du 10 mai au 15 juin 1940

Le 10 mai 1940 marque le déclenchement de l’offensive allemande. Dans les secteurs du 146e RIF et voisins, des bombardements aériens ont lieu à partir de 5 heures.

  • À 5 heures, 153 bombes sont lancées sur Morhange (partie Ouest), les abords des casernes, ainsi que les environs de la gare de Landroff. De nombreuses bombes tombent vers l’étang de la Mutche et Conthil tuant 2 militaires et blessant 19 civils et militaires.
  • À 5 heures 30, 3 bombes sur Haute-Vigneulles ; à la même heure, 12 bombes s’écrasent à la lisière nord-est de Folschviller et 9 sur la cité de Téting, près de la gare.
  • À 5 heures 40, 12 avions lancent 6 bombes sur Saint-Avold.
  • À 5 heures 50, 5 bombes tombent au nord de la casemate de l’Einseling.
  • À 5 heures 55, des baraquements du Génie des Charbonnages de Faulquemont sont mitraillés, faisant 2 blessés .
  • À 6 heures 30, à la barrière 368, près de Basse-Vigneulles, 1 bombe s’écrase sur la casemate nord du bois de Laudrefang, 10 sur la batterie de Redlach mitraillée sans résultat…

Le 31 mai, suite aux retraits successifs des unités occupant les avant-postes de la frontière (47e DI - 9e CA), les troupes du secteur fortifié de Faulquemont (SFF) commandées par le général de Girval restent seules pour en assurer la défense.

Le 4 juin, les avant-postes du carrefour du Wehneck sont attaqués, après une forte concentration d’artillerie ; il s’ensuit un violent corps à corps, les troupes françaises sont contraintes d’abandonner le carrefour. Le capitaine Vernhes, commandant l’ensemble des groupes francs du secteur est tué d’une balle en pleine tête.

Le jeudi 13 juin, la situation générale est mauvaise. La ligne Maginot contournée par le nord est menacée d’encerclement, le haut commandement décide de l’évacuer. Dans le secteur fortifié de Faulquemont, nous observerons ce qui s’est passé au 146e RIF qui occupe la position de la lisière nord du bois de Laudrefang (en liaison avec le 156e RIF) au Bois en Couteau près de Lelling (en liaison avec le 69e RIF).

  • À 14h30, le lieutenant-colonel Prat, commandant du 146e RIF, informe ses chefs de bataillon de l’ordre qu’il vient de recevoir du général de Girval, chef du secteur fortifié de Faulquemont : le régiment se replie et doit quitter ses positions le soir-même. Il va faire partie d’un groupement constitué avec les troupes du secteur (146e RIF -156e RIF- 69e RIF et 82e RMIF) pour former à terme, selon l’intention du général Hubert, commandant le 20e CA, une ligne d’arrêt sur le canal de la Marne au Rhin. Sur l’ancienne position, une « croûte » , composée de 2 sections par bataillon, 4 hommes par blockhaus de 1re ligne et les équipages du petit ouvrage de Téting (POT) et des casemates nord et sud de Laudrefang, sera laissée jusqu’à nouvel ordre sous le commandement du chef de bataillon Viaud avec pour adjoint le Lieutenant Branchet. Sa mission est de couvrir le mouvement de repli du régiment en assurant l’inviolabilité de la ligne, de procéder aux destructions quand l’ordre sera donné ou sous la pression de l’ennemi, de se replier sur ordre et, si possible, de rejoindre le régiment. En clair, il s’agit de faire croire à l’ennemi que rien n’a changé en maintenant une activité sur la ligne. À 22h, le 146e RIF décroche, la « croûte » assure seule désormais la défense du secteur.

Le petit ouvrage fortifié (bloc 3) de Téting en 2012

Le vendredi 14 juin, l’offensive allemande est déclenchée sur le secteur fortifié de la Sarre. Le détachement poursuit sa mission de surveillance, avec en particulier celle des avant-postes à Folschviller-Valmont tenus par le groupe franc que commande le sous-lieutenant Schoeffer. Le Commandant Viaud reçoit l’ordre de repli n°11978/3S du général de Girval, commandant le SFF, fixant le décrochage de son élément au 15 juin 1940 à 24h00. Seul résistera sur place et jusqu’à nouvel ordre le petit ouvrage de Téting commandé par le lieutenant Marchelli.

Le samedi 15 juin, à partir de 6 heures, sur ordre, le groupe franc se replie des avant-postes par échelon, rejoint la position de résistance à Téting et se tient prêt à intervenir le cas échéant. La mise en œuvre des destructions, commencée depuis 3h30, est terminée à 21h30. La mise à feu du dépôt de munition a été faite et les centraux téléphoniques détruits à 22h30. Le PC de Pontpierre est incendié à l’aide d’essence et de grenades incendiaires, ce qui vaudra une blessure au poignet par retour de flammes au commandant Viaud. Celui-ci adresse ses ordres aux chefs de section et de casemates pour le décrochage à 23h30 (Bois en Couteau) et 0 heure pour les autres. Leur mission est de rejoindre le régiment. Le point de rassemblement initial est la chapelle de Vahl au carrefour vers Pontpierre, sur l’axe Guessling-Vahl. La suite de l’itinéraire est Vahl - Herrenwald - Chémery - bois de Thonville - puis le passage de la Rotte vers Brulange où, en principe, le détachement doit être recueilli par le GRCA et manœuvrer avec lui.

Le 16 juin à 0 heure, aucun incident du fait de l’ennemi n’est signalé. Les sections quittent la position et convergent vers le point de regroupement à la chapelle de Vahl. Mais les hommes sont harassés par le service de la veille et des éléments s’égarent au passage de la Nied. À 3h00, bien que quelques éléments manquent encore, le commandant Viaud donne l’ordre de départ au détachement pour le bois de Thonville où il arrive vers 5h30. Les retardataires le rejoignent peu à peu et vers 10h00, il n’en manque plus que quatre ou cinq. Le commandant Viaud fixe immédiatement le dispositif de sûreté. Le groupe franc reçoit pour mission de tenir la lisière nord du bois et d’interdire particulièrement la route de Chémery et l’accès du grand layon coupant le bois du nord au sud. D’autres sections sont réparties sur les lisières sud et sud-est.

Vers 11 heures, une patrouille cycliste composée du sergent Thomas et de 6 hommes est envoyée sur l’itinéraire suivi pendant la nuit, ainsi que les routes adjacentes, afin de se renseigner sur l’ennemi et aussi pour récupérer les 4 ou 5 traînards qui manquent encore. Quelques minutes plus tard, le lieutenant Stock posté à la corne sud-est signale une colonne progressant à travers champs depuis Eincheville en direction de Thonville. Observée à la jumelle, la formation adoptée l’assimile à une troupe allemande. La route que voulait emprunter le commandant Viaud pour traverser la Rotte à Brulange va être coupée par un ennemi supérieur en nombre. À 11h30, le commandant réunit les chefs de section qu’il informe de la situation. Le détachement va devoir progresser vers l’ouest avec comme axe de marche initial la voie romaine qui passe le long de la lisière nord, afin cette fois de traverser la rivière à Han-sur-Nied.

Le combat du bois de Thonville, le 16 juin 1940 : récit et témoignages

Dès lors, les événements s’accélèrent. Le sous-lieutenant Schoeffer, commandant le groupe franc, raconte :

« À 11h55, le groupe franc, par éléments successifs, avec distance, commença à se porter à travers bois vers la lisière nord-ouest. À peine engagé, voilà que 6 véhicules motorisés ennemis surgirent sur la route bordant la lisière nord et ouvrirent un feu dense sur le bois. Les voitures contournant le bois vinrent s’installer à 150 mètres environ de la lisière ouest. Leurs occupants s’installèrent derrière elles et un mouvement de terrain en creux les déroba à nos vues et à nos coups rasants.

Dès les premiers coups de feu, je fis porter mon groupe franc en ligne à la lisière ouest, face à l’ennemi. Mais de nombreux éléments appartenant aux autres sections, affolés par cette attaque subite alors qu’ils étaient en voie de rassemblement, s’étaient mêlés à mes hommes et il en arrivait toujours d’autres. Si bien que je trouvai à mon arrivée à la lisière un entassement et un fouillis formidable sur un espace assez restreint. En l’absence du commandant Viaud, je fixai des missions à mes trois FM qui ouvrirent le feu aussitôt.

Je m’employai à mettre fin à ce chaos et faire desserrer tout ce monde. Je renvoyai se regrouper tout ce qui n’appartenait pas au GF et à la section Germain et donnai aux sections regroupées la mission de nous couvrir face au nord où des éléments ennemis venaient d’être signalés et déclenchaient un tir de mitrailleuse sur cette lisière. Dans cette tâche, je fus bientôt efficacement secondé par l’aspirant Germain (10e Fusilier Voltigeur) qui devait me rendre de grands services par la suite encore.

Pendant ce temps les balles sifflaient, sans grands résultats de part et d’autre d’ailleurs, nos éléments étant camouflés et l’ennemi étant abrité. Après avoir repéré 5 armes automatiques ennemies et réglementé la consommation de munitions de nos fusils-mitrailleurs, je me mis en quête d’une possibilité de tourner l’ennemi par la droite à la faveur d’une petite haie qui prolongeait le bois et arrivait jusqu’à une cinquantaine de mètres de la position ennemie. J’allai moi-même reconnaître l’endroit, suivi par le caporal-chef Gauthier et le tireur Graindorge de mon GF. Nous arrivâmes en rampant à travers les épines jusqu’à la limite de la haie (aujourd’hui disparue), mais, une fois là, un feu nourri et bien ajusté nous cloua sur place. J’essayai moi-même, mon tireur ayant la tremblote, (quelques grenades à main venaient de nous encadrer) d’ouvrir le feu avec le F.M. afin de neutraliser le tir ennemi, mais je dus bien vite me rendre compte que la position n’était pas tenable longtemps.

Revenu à la lisière ouest, je voulus me rendre compte si, à la faveur des hautes herbes, on pouvait s’approcher en rampant de l’ennemi jusqu’à la distance d’un jet de grenades. Je partis avec trois volontaires, le caporal-chef Gauthier, Schaufelberger et Leroy, avec un intervalle de cinquante mètres entre chacun. Nous ne pûmes progresser sans être repérés que d’une vingtaine de mètres. En voyant cela, je me rendis compte qu’il ne restait qu’une solution : l’assaut, un assaut rapide après avoir neutralisé le feu ennemi par nos V.B. et des grenades. J’allai soumettre ma proposition au Commandant VIAUD qui venait d’arriver. Il m’apprit que des éléments ennemis nombreux étaient repérés sur notre droite et sur notre gauche, que nous étions en voie d’être encerclés, toutes issues coupées. La nécessité de l’assaut s’imposait de plus en plus, le commandant était d’accord avec moi, il allait faire protéger mes flancs et me chargeait de l’assaut. En prévision de celui-ci, je fis ramasser une trentaine de grenades O.F. disponibles et les donnai au soldat Luzy, volontaire pour aller se poster au coin de la haie reconnue par moi, pour bombarder de là l’ennemi au moment de l’assaut proprement dit. Mon groupement V.B., qui n’avait fait que régler son tir, reçut l’ordre d’envoyer le plus rapidement possible 30 V.B. sur et derrière les voitures ennemies ; dès les premiers coups, elles atteignirent leur but. Au moment où il ne restait que 4 grenades à tirer, je m’élançai vers les autos à la tête de mon groupe franc renforcé par la section Germain. Un premier bond nous amena à 75 m. Le second devait se faire au moment où les 4 derniers obus tomberaient sur l’objectif.

Le caporal-chef Gauthier, soldat d’élite, volontaire pour toutes les missions dangereuses depuis qu’il était au groupe franc, au lieu de s’arrêter pour le premier bond, poursuivit son élan qui le porta jusqu’à une voiture ennemie derrière laquelle il s’agrippa, mais, visé de partout, il ne put y rester et instinctivement se replia. Je craignis à ce moment-là que ces quelques pas en arrière ne sèment la panique et que ma troupe ne recule. Aussi bondis-je immédiatement et presque instinctivement vers la voiture abandonnée. De là, j’ouvris le feu en criant : « En avant ! ». Les hommes, en me voyant dans cette posture, bondirent et l’ennemi leva les bras. Les résultats de cet assaut : un blessé léger pour nous, mais l’ennemi compta une dizaine de blessés et de morts. Nous fîmes 22 prisonniers parmi lesquels l’Oberleutnant Von Veriterthur, et prîmes 5 mitrailleuses et les véhicules ennemis grâce à la rapidité de l’intervention et à l’efficacité de nos tirs de V.B.

À l’issue de l’assaut, je donnai ordre immédiatement de désarmer les prisonniers, de détruire les armes automatiques ainsi que les moteurs de véhicules ennemis. Les prisonniers furent groupés autour du commandant Viaud. Les sections restées dans le bois commençaient à en sortir. Pour mettre fin au désordre qui s’était produit après l’assaut (les sections s’étaient mélangées), je me mis à regrouper mes hommes, car nous n’avions pas de temps à perdre. Brusquement, un violent feu de mitrailleuse se déclencha sur notre gauche : les pentes qui nous dominaient au sud étaient occupées par l’ennemi. Sur mes ordres, tous les éléments se trouvant à proximité de moi se portèrent dans un léger vallonnement qui se trouvait à notre droite. Le commandant Viaud fit faire la même chose à tous les éléments qui purent l’entendre. Ayant rapidement jugé la situation, il ordonna aussitôt d’avancer vers l’ouest en profitant des vallons et des couverts. Déjà le feu des mitrailleuses était doublé par un tir de mortier qui se rapprochait de plus en plus de nous.

Laissant prisonniers et matériel sur le terrain, nous fonçâmes en avant, le commandant en tête guidant notre marche, moi en queue avec un FM pour protéger éventuellement notre marche et aussi pour stimuler les traînards. La progression se fit très rapidement et bientôt nous pûmes nous regrouper derrière une crête. Là, un rapide recensement nous démontra que beaucoup d’entre nous manquaient. Nous n’étions plus que 3 officiers, le commandant, moi-même et l’aspirant Chistienne, et 80 hommes environ. De mon groupe franc manquait le sous-officier Thomas et les 6 hommes envoyés en reconnaissance à 11 heures, ainsi que le sergent Ernult et 5 hommes séparés de nous après l’assaut. Au total, 2 sous-officiers et 11 hommes. Il me restait 2 sous-officiers et 23 hommes qui formeraient dans les jours suivants l’âme et le noyau de notre petit détachement, hétéroclite certes, mais décidé à tout après ce premier et glorieux engagement ».

Combattants de 1940

Dès lors, le détachement initial est scindé en deux éléments aux sorts différents. Celui du Commandant Viaud réussira à échapper à l’ennemi, parviendra à Ceintrey le 20 juin où, après un combat, il sera capturé, le sous-lieutenant Schoeffer grièvement blessé. Parvenant immédiatement à fausser compagnie à ses gardiens, le commandant Viaud ne se rendra que le 24 juin avec d’autres troupes encerclées à Etreval. Celui resté dans le bois, qui n’a pu suivre, empêché sans doute par la réaction allemande, sera capturé sur place ; de source allemande, il s’agit de 5 officiers et 230 hommes ; les lieutenants Branchet, Lloza et Stock, les sous-lieutenants Blazy et Caillet et l’aspirant Germain sont faits prisonniers. Erreur de comptage, de transcription ou l’un d’entre eux a-t-il pu s’échapper ? Le seul témoignage sur ces moments est relaté dans le carnet du Sergent Eberle de la section Blazy qui retrace cette épopée en quelques lignes : « Départ : Téting le 15.6.40 à 11h30 (23h30 ?). chemin fait à pied jusqu’à Thonville. arrivé le 16.6.40 dans le bois à 8h… Fait prisonnier à 1h30 le 16.6.40… Sommes restés à Thicourt jusqu’au 17.6.40 au matin. Départ le 17.6.40 à 8h pour Morhange. Arrivé le 17. Départ le 18.6.40 pour St-Avold. 19 Forbach et Saarbruck, tout à pied, rien à manger ».

Témoignage du commandant Viaud : « En tout état de cause, ceux qui ont échappé ont constitué ensuite une véritable troupe d’élite et, dans mon infortune, grande est ma satisfaction d’avoir pendant 4 jours conduit de tels soldats. Dans des conditions pénibles, à travers des péripéties multiples, troupes et chefs, nous ne faisions qu’un. J’étais réduit au rôle de commandant d’une petite compagnie, mais cette petite compagnie était un véritable agglomérat. Beaucoup ont mérité une citation individuelle, mais en l’absence de chefs de section, je ne connais plus les noms ».

Les victimes du combat du bois de Thonville : découvertes récentes

Dans son rapport établi le 6 juillet 1940 et le chapitre qu’il consacre au combat du bois de Thonville, le commandant Viaud évoque, suite à l’assaut, un bilan de deux blessés légers. L’un d’eux doit être le soldat Alfred Gabenich que cet officier propose pour une « citation à l’armée » dans un additif à son rapport initial daté du 16.10.1940, avec le libellé suivant : « excellent soldat qui s’est déjà fait remarquer comme volontaire au groupe franc du bataillon en novembre 1939 dans le Warndt. A contribué grandement à la réussite de l’assaut d’une colonne motorisée le 16 juin. Blessé au cours du combat ». Souffrant aux articulations des pieds et sans doute capturé sur place, il rejoindra le stalag XIIA à Limburg le 5 juillet 1940.

Quant au second, dont nous ignorons l’identité, sa blessure ne l’a pas empêché, semble-t-il, de se replier avec le détachement du commandant Viaud puisqu’il note dans son rapport, à la date du 16 juin : « Arrivés à Béchy à 22h, nous y cantonnons, […] Je réquisitionne une auto et me fais conduire à Nomeny […] J’emmène le soldat blessé à l’épaule, […] Je laisse mon blessé à Nomeny (il a été pansé à Béchy par une sœur de charité) et je rentre à Béchy à 0h30 ». Qu’est-il devenu ?

Dans le rapport concernant ces mêmes événements que rédige le sous-lieutenant Schoeffer en 1943 seulement (en raison de sa grave blessure reçue à Ceintrey), cet officier n’évoque qu’un seul blessé, sans le nommer, dans le bilan de l’assaut. Toutefois, dans les propositions de récompenses annexées à ce document il demande une « citation à l’armée » accompagnée du libellé suivant : « Soldat Graindorge tué le 20 juin 1940 au bois de Thonville pendant le combat qui suivit l’assaut, par une grenade qui lui a fracassé la mâchoire. Enterré dans le bois » (renseignement donné par l’aspirant Germain).

La découverte du registre des inhumations ouvert par le lieutenant Robardet pour le cimetière de Bouzonville allait apporter des informations nouvelles sur les victimes de Thonville. Dans ce document comportant 115 noms figurent 5 militaires du 146e RIF. Dans la colonne « Lieu où le corps a été retrouvé » est portée l’indication suivante : « Adelange près de la forêt Chémery ». C’est très probablement le lieu initial des inhumations signalé par les témoignages, où le lieutenant Robardet les retrouva avant de les transférer le 6 novembre 1942 au cimetière de Bouzonville.

À Faulquemont, dans la salle dédiée au 146e RIF, une photographie représentant cinq tombes surmontées de croix auxquelles sont suspendus des casques français est ainsi présentée : « tombes de combattants français tués dans le bois de Thonville ». Il n’y a malheureusement aucune indication nominative concernant ces sépultures. La comparaison de l’environnement de fond de ce cliché depuis l’endroit où il a été réalisé correspond assez bien à l’environnement actuel. L’examen de cette photographie permet de remarquer que se détachent, sur la droite, un groupe de trois croix dans un alignement parfait, et sur la gauche deux autres en dysharmonie. Cela pourrait indiquer des inhumations en deux temps, celles de Graindorge, Morin et Le Bars à droite, signalées par les témoignages, et celles de Nys et Schmidt à gauche. La mort de ces deux militaires tués également le 16 juin au même endroit est peut être d’abord passée inaperçue, puis découverte ultérieurement, en tous cas après le départ en captivité de leurs camarades, ce qui expliquerait l’absence de témoignages de leur part. L’auteur de ce cliché, la mémoire orale ou un témoignage écrit nous apporteront peut-être un jour la réponse à cette interrogation.

Quatre des cinq victimes du combat du bois de Thonville étaient des Parisiens. Seul Maurice Schmidt résidait à Nancy et, détail navrant, ayant servi antérieurement au 96e BCP, il était affecté au 146e RIF depuis le 12 mai 1940.

Le cimetière militaire de Bouzonville étant aujourd’hui désaffecté, le sergent Morin et les soldats Le Bars et Nys reposent à la nécropole militaire de Metz-Chambière, le soldat Graindorge au carré militaire de Malakoff (92) et le caporal Schmidt au cimetière de Le Pin (Isère).

Aujourd’hui rien sur les lieux ne rappelle ce fait d’armes et le sacrifice de ces hommes. Pourtant la présence d’un calvaire à la corne nord-

Le lieutenant Louis Robardet et le “groupe des morts”

Le lieutenant Robardet, maire de Cernans (jura), est affecté en 1939 au 44e RI stationné dans le secteur fortifié de Faulquemont. Il est chargé d’y mettre en place les champs de mines. Fait prisonnier, il est rappelé en février 1941 pour déminer sur la ligne Maginot en Moselle. Durant cette activité, il constate que de nombreuses victimes des combats de juin 1940 sont restées sans sépulture ou que, lorsque des tombes existent, elles risquent de s’effacer avec les intempéries. Il obtient l’autorisation de l’occupant et une équipe de 10 hommes pour l’aider à relever, identifier et inhumer les victimes dans des cimetières militaires. Au fur et à mesure, il en transmet des listes exploitées pour renseigner les familles et le service central de l’état-civil militaire, afin d’établir les actes de décès avec mention « mort pour la France ». ayant obtenu la libération de son équipe fin 1942 et lui-même libéré et démobilisé en 1943, il poursuivra cette activité à titre civil pour le service des Anciens Combattants.