Valmont autrefois et aujourd’hui.

par Bernard Becker d’après les études de Joseph Colbus et Joseph Rohr

Un “ruisseau bouillonnant”

De tous temps, les villages se formaient autour ou à proximité d’un point d’eau vital aussi bien pour les hommes que pour les animaux. Les premières habitations ont été construites autour d’un ruisseau particulièrement abondant qui allait donner son nom au village. En effet, selon Henri Hiegel, spécialiste en toponymie, le premier nom du village “Walmena” qui apparaît dès 1134 et qui, par déformations successives, devint “Walmen” puis “Valmon” et enfin “Valmont”, peut se traduire par “ruisseau bouillonnant”. Autrefois, plusieurs sources alimentaient abondamment de nombreuses fontaines dans la localité, mais aujourd’hui un certain nombre d’entre elles sont taries du fait de la baisse de la nappe phréatique qui a affecté toute la région suite à l’exploitation minière.

Une succession de propriétaires

Au Moyen Âge, le village de Valmont faisait partie de l’avouerie épiscopale de Hombourg-Saint-Avold et ses biens et fiefs furent attribués à différents possesseurs séculiers ou ecclésiastiques. En 1134, Curvinus de Spurke donna des biens de Valmont à l’abbaye de Villers-Bettnach. Vers 1149, quelques terres furent détenues par les châtelains de Hombourg; pour l’année 1267, on mentionne les chevaliers Walter de Wolmerange et Jacques de Varsberg. En 1269, Simon de Hombourg céda les biens qu’il possédait à Valmont à l’abbaye de Saint-Avold. En 1581, après la vente de l’avouerie épiscopale, Valmont passa au duc de Lorraine. En 1593, un fief appartint à Etienne Navier et en 1621 à Louis de Guise, époux d’Henriette de Lorraine. Pendant la guerre de Trente Ans, le village fut presque complètement détruit et se dépeupla. Vers 1681 la famille Cailloux y détenait des fiefs; par la suite, elle les partagea avec les familles O’Mor (réfugiés d’Irlande) et Forget de Barst.

Vincent Vion, infatigable chercheur, nous apporte les précisions suivantes :

« Les historiens locaux n’ont jamais cherché à élucider la question de l’appartenance du village de Valmont à la seigneurie de Forbach. En 1585, le recensement des villages dépendant de la seigneurie de Hombourg/Saint-Avold apporte cependant un éclairage nouveau sur cette particularité ; « Walmen a monsieur de Varßperg par gagière, nommé par Frantz Hanß, mayeur lequel a dit que messieurs de Ripoltzkarichen y avoient part aussy par gagere ». Cette déclaration du maire entraîna une enquête diligentée par le sieur de Thuilly capitaine et gouverneur de Hombourg, Steph Navier amodiateur de la seigneurie et capitaine de Phalsbourg, flanqués du receveur Albrecht (ou Albert). Ils interrogèrent d’abord l’officier de Monsieur de Varsberg qui fit entendre que son maître tenait Valmont en fief « d’un évêque de Metz ». Ses trois contradicteurs prétendirent que Walmen faisait partie de la seigneurie de Hombourg et amenèrent le débat sur le terrain de la haute justice, arguant du fait qu’un délinquant du lieu avait été exécuté au gibet de Saint-Avold, où il se devait qu’il fût pendu. Le dimanche matin 19 mai 1585 « Jean Fichart chastelain pour messieurs de Ripoltzkarch a Forbach » comparut au lieu de Hombourg, au château sans doute. Il déclara que les sujets de monsieur son maître n’avaient coutume de contribuer en aucune manière à cette seigneurie et qu’en l’absence de Monsieur Krantz, le bailli d’Allemagne, il fallait en dresser un rôle des feux par quelque commissaire. Thuilly et Steph Navier affirmèrent que Walmen était toujours mouvant de la terre de Hombourg/Saint-Avold et que les Reipoltzkirchen ne tenaient ce village que par engagement, comme les Varsberg d’ailleurs. Les habitants du village étaient donc pour eux, les sujets lorrains de Son Altesse Monseigneur de Vaudémont (le duc de Lorraine Charles III). On finira par transiger en demandant au maire de désigner ceux qui étaient les sujets de Reipoltzkirchen et le recensement fut annoté dans ce sens ; sur 34 conduits et demi, 25 relevaient bien des seigneurs de Forbach.

Le compte de Forbach de 1669 nous indique que Valmont fut vendu aux Héning, 30 ans auparavant, par le sieur de Freyberg, alors seigneur engagiste de Forbach. Et de signaler que le nouveau propriétaire n’avait toujours pas payé son acquisition…. »

Le “beau XVIIIe siècle”

Après les malheurs qui frappèrent nos régions pendant presque tout le XVIIe siècle, le XVIIIe fut le siècle de la paix retrouvée et de l’essor économique et démographique. Les routes devinrent plus sûres, les échanges plus faciles et, dans les villes et les villages, on entreprit la construction de nouvelles maisons. Il reste à Valmont de beaux exemples de maisons construites à cette époque.

À gauche : maison du XVIIIe siècle, rue du Coin, occupée tout au long du XIXe siècle par la famille Maringh. De plan massif, avec une façade principale ordonnancée, c’est une maison de type urbain qui a été fort bien restaurée dans la deuxième moitié du XXe siècle. À droite : ancienne demeure de la famille Roger de Belloguet.

C’est également au XVIIIe siècle que fut construite l’église de Valmont. Auparavant existait une chapelle, déjà mentionnée en 1221, qui dépendait comme Altviller, Macheren et Guenviller de l’église-mère de Petit-Ebersviller, administrée par les Prémontrés de l’abbaye de Wadgassen. Cette chapelle fut détruite avec le village, pendant la guerre de Trente Ans, vers 1635. Le village commença à être habité à nouveau progressivement à partir des années 1645 - 1650. En 1682, le seigneur Cailloux, qui avait reçu en fief le village et une partie du ban de Valmont, fit le nécessaire avec le seigneur Lavigne de Fiirst (qui dépendait pendant un certain temps au point de vue paroissial de Valmont) pour reconstruire cette chapelle et ils demandèrent un vicaire résident, en la personne d’un Père Prémontré de Petit-Ébersviller. Mais avec l’agrandissement du village, cette chapelle s’avéra bientôt trop petite. Aussi les seigneurs Cailloux décidèrent de l’agrandir : ce qui fut fait en 1776 - 1777. L’église porte le nom de Saint Gengoult, chevalier et ami de Pépin Le Bref, homme pieux et courageux, hélas marié à une femme volage et infidèle qui le fit assassiner par un de ses amants le 11 mai 760. Pour cette raison, Saint Gengout, patron de la paroisse de Valmont, est aussi considéré comme le patron des “mal mariés”.

Le clocher actuel fut construit un peu après l’église, donc vers 1780. À cet endroit se trouvait auparavant, comme dans presque tous les cimetières, un ossuaire ou “charnier”, mais également quelques tombes des familles Cailloux et O’Mor. Au moment de la pose du dallage sous le clocher en 1950, on découvrit quelques squelettes, ainsi que des épées qu’on avait déposées dans le cercueil après le décès car tous ces seigneurs avaient été officiers.

L’église de Valmont et le maître-autel.

Le général François-Joseph Becker, dont une rue de Valmont porte aujourd’hui le nom, s’illustra après la Révolution notamment dans la troisième division de l’armée de Sambre-et-Meuse. Né à Saint-Avold le 2 novembre 1768, il était le fils aîné du Conventionnel Joseph Becker (1743 - 1812), le seul des sept députés mosellans à s’être déplacé à Paris pour voter dans une ambiance de terreur et d’intimidation contre l’exécution du roi Louis XVI. En 1805, le général Becker acheta à Valmont la ferme-château des anciens seigneurs Cailloux, située derrière l’église et y demeura jusqu’à sa mort le 23 novembre 1824.

Les mutations

En 1832, suite à l’épidémie de choléra qui sévit dans la région, on entreprit la construction d’une chapelle à l’emplacement d’une ancienne croix érigée en 1630 et portant l’effigie de Saint-Roch et Saint-Sébastien qui, selon la tradition, auraient stoppé une épidémie de peste. Cette chapelle provoqua de tels rassemblements de fidèles que le Préfet de Metz s’en émut. En août 1832, il écrivit à l’évêque de Metz pour lui demander de modérer l’ardeur des pèlerins car il craignait que “cela favorise encore plus la propagation de l’épidémie”. Mais la confiance des gens resta inébranlable et, s’ils furent moins importants après la fin de l’épidémie, les pèlerinages se poursuivirent jusqu’à la seconde guerre mondiale. Gravement endommagée lors des combats de la Libération, la “chapelle du choléra” fut démolie après la guerre.

En 1839, les ingénieurs civils Flachat et Petiet proposèrent plusieurs tracés pour relier Metz à Sarrebruck par le rail. Un tracé partant d’Argancy près de Metz jusqu’à Pontigny, Bionville, la vallée de Marange-Hallering, Zimming puis, par un tunnel de 440 m, à droite de Porcelette, Merlebach, Forbach, laissait Saint-Avold à plusieurs kilomètres. Un autre tracé suivait la Nied allemande jusqu’à Guinglange, puis le ruisseau de Bambiderstroff, traversait au moyen d’un souterrain de 1 500 m les lignes de crète, passait en face de Longeville, traversait Saint-Avold par le Stoekheller (l’actuelle piscine) et la vallée de la Rosselle (le long de l’actuel boulevard de Lorraine). La municipalité de Saint-Avold proposa encore un autre projet qui faisait passer le chemin de fer, après un tunnel, par le Seligenbach (actuel chemin Saint-Hilaire) et le passage des Poilus, puis la vallée de la Rosselle. Tous ces efforts de la part de la municipalité naborienne pour avoir un chemin de fer passant à Saint-Avold même, font mentir la légende qui prétendait que les habitants de la ville s’y opposaient par peur du bruit ou de la fumée des locomotives. L’administration justifia le tracé finalement adopté par un meilleur emploi du terrain quelque peu tourmenté; et c’est ainsi que la gare de Saint-Avold sc trouve sur le ban de Valmont et qu’elle est distante de 2 500 m du centre de la ville. La ligne fut ouverte au trafic le 20 juillet 1851, un an après l’ouverture de la section Nancy-Metz. Les tronçons Saint-Avold - Forbach et Forbach - frontière allemande furent ouverts respectivement le 15 novembre 1851 et le 14 novembre 1852. Ce fut la première ligne de chemin de fer qui traversa le département de part en part (ouest-est). La construction de cette gare entraînera par la suite, pour Valmont, la formation d’un nouveau pôle de développement au nord-est du village.

Mais le manque d’industries et de réelles perspectives poussèrent un certain nombre d’habitants de Valmont à quitter leur commune pour s’installer ailleurs et notamment à Paris. L’annexion de la Moselle à l’Allemagne en 1870 provoqua une nouvelle vague d’émigration.

La “chapelle du choléra” et l’ancienne gare de Saint-Avold en 1899.

C’est l’exploitation du charbon qui, au début du XXe siècle, conduisit à une profonde transformation de la commune. Dès 1908, la population de Valmont augmenta subitement, mais ce fut pour une courte durée, à peine pendant quatre années. La raison en fut le projet de fonçage des deux puits “Alexandre Dreux” à l’entrée Est de Folschviller. Pour loger les nombreux ouvriers, la Société Internationale des Houillères fit construire une cité ouvrière en face de l’hôtel “Au soleil” construit à cette même époque par Michel Ernst. Mais les travaux furent abandonnés dès 1911, par suite de venues massives d’eau; les ouvriers partirent, laissant les maisons vides et le chiffre de la population retomba à son niveau précédent.

Après la première guerre mondiale, vers les années 1920, les maisons de cette “Arbeiterkolonie” furent occupées par des ouvriers étrangers qui allaient travailler en train dans les mines de Merlebach. Un certain nombre d’hommes et de jeunes du village imitèrent leur exemple et, de cultivateurs qu’ils étaient, ils devinrent mineurs. Et c’est ainsi que progressivement, on assista à la mutation de la commune et de beaucoup d’autres, notamment sa voisine Folschviller : de commune rurale, elle devint commune semi-industrielle ou commune-dortoir. Ce phénomène s’accentuera dès 1931, quand la Compagnie des Mines de Saint-Avold, ayant fait suite à la Société Internationale des Houillères, commença à foncer un nouveau puits, mais cette fois sur les hauteurs dominant Folschviller, près du château Fiïrst. De nombreux ouvriers de Valmont furent embauchés pour ces travaux qui furent arrêtés par suite de la guerre en 1939. Entre-temps, en 1931, une série de logements pour ouvriers furent construits, rue Becker, par la Société d’habitation à bon marché “Le Foyer de l’Armée et du Combattant”.

Valmont comptait approximativement 700 habitants lorsqu’éclata la seconde guerre mondiale. Sur ce chiffre, environ 400 furent évacués, début septembre 1939, à Saint-Sauvant et Rouillé, en Charente, et une centaine de mineurs avec leurs familles à Liévin et Avion (Pas de Calais). D’autres, surtout des cultivateurs, s’installeront en Moselle-Ouest. La plupart revinrent dans la commune un an plus tard. Valmont fut libéré le 26 novembre 1944.

Maison de mineur pour deux familles.

Après la guerre, et surtout à partir de 1948, débutèrent les travaux de construction par les H.B.L. de nombreuses habitations situées en grande partie sur le territoire de Folschviller, mais en partie aussi sur celui de Valmont : un côté de la rue Chateaubriand avec 16 logements, et la rue Lamartine, 96 logements répartis dans 16 blocs H.L.M.

Une sorte d’âge d’or du village s’ouvrit pour une trentaine d’années. De 900 habitants en 1946, la population passa à 2 292 habitants en 1975. Elle doubla dans le centre du village, mais tripla dans le quartier résidentiel de la gare et du Wenheck. Les commerces se multiplièrent et le niveau de vie des habitants progressa de manière très significative.

La communauté serbe, particulièrement importante dans la région, décida en 1975 la construction d’une chapelle orthodoxe à Valmont. Grâce à l’aide de la municipalité et au dévouement de nombreux bénévoles, le projet se concrétisa et, le 28 juin 1980, la chapelle fut bénie par l’évêque Irinej Vassilie, responsable de la communauté orthodoxe d’Europe occidentale assisté par un autre évêque venu de Chicago.

La chapelle orthodoxe et le chœur.

“L’après-charbon”

Dès le début des années 1960, on commença à douter de la pérennité de l’industrie charbonnière dans notre région. Le charbon lorrain revenait plus cher que le charbon importé de pays lointains comme l’Australie. En raison de la mévente de leur charbon, les Houillères du Bassin de Lorraine supprimèrent plus de 7 000 postes entre 1962 et 1967.

C’est pourquoi les communes de Saint-Avold, Valmont et Folschviller s’associèrent en 1966 pour créer un syndicat intercommunal pour la gestion d’une zone industrielle lourde le long de la voie de chemin de fer Paris - Francfort et à proximité immédiate de la gare. La SAMER s!installa dans les anciens locaux de la Brasserie Crusem édifiés en 1898 et employa 220 personnes de Valmont. Mais c’est la société BAUKNECHT qui suscita le plus d’espoirs. Spécialisée dans la fabrication d’appareils ménagers, cette société bénéficia d’aides diverses en vue de la création de nombreux emplois destinés à compenser les emplois perdus dans le secteur charbonnier. L’usine démarra avec 400 salariés en 1976 et en compta jusqu’à 1 200 dont 40 % de personnel féminin. Hélas, un déficit chronique conduisit à toute une série de licenciements (670 pour le seul mois de novembre 1982) et à la fermeture définitive de l’usine.

La mine de Folschviller cessa son activité le 2 mars 1979. La création d’un “Congé charbonnier” qui garantit aux mineurs, dès l’âge de 45 ans, 80% de leur meilleur salaire permit d’atténuer les effets délétères de la disparition d’un secteur industriel qui fut de première importance pendant trente ans. Mais pour les jeunes générations, la ville a voulu favoriser l’implantation de nouvelles entreprises, notamment sur le site abandonné par BAUKNECHT et rebaptisé ACTIVAL où de nombreux terrains restent disponibles.

Valmont comptait, au 1er janvier 2010, 3 360 habitants dont la moitié dans le secteur Gare - Wenheck. Au cours des dernières années la municipalité a fait des efforts considérables pour préserver un cadre de vie agréable. Le Conseil National des Villes et Villages fleuris a récompensé ses efforts en lui attribuant le label envié des “Deux fleurs”.

Le centre de Valmont à la belle saison.