Saint-Avold hier et aujourd’hui.

L’évolution d’une cité

« Saint-Avold a joué un rôle de premier plan dans l’histoire lorraine, écrivit au XVIIIe siècle l’érudit bénédictin Dom CALMET (1672-1752). Elle abritait dans ses murs des ducs de Lorraine, des rois de France et des empereurs d’Allemagne. »

De la fondation de la ville au Saint-Avold épiscopal

Saint Nabor qui a donné son nom à la ville veille toujours sur la cité.

Selon la tradition, de moins en moins avérée, un moine irlandais du nom de Fridolin venant de Poitiers en 509 aurait créé un oratoire du nom d’Hilariacum sur l’emplacement de Saint-Avold avant de fonder le monastère de Sickingen en Allemagne. D’après les recherches les plus récentes, cet oratoire a vraisemblablement été fondé au début du VIIIe siècle par l’évêque de Metz Saint Sigisbaud qui y décède en 747 . Chrodegang (712-766), évêque de Metz ministre de Charles Martel et Pépin le Bref y introduit la règle bénédictine de saint Benoît. De retour d’un voyage à Rome, il rapporte, le 24 août 765, les reliques de Saint Nabor, officier martyrisé sous Dioclétien, donnant alors le nom à l’abbaye et à la localité. Une bourgade se développe en effet à l’ombre du monastère réputé pour son scriptorium. Le monastère est placé sous la protection des évêques de Metz. Angelram, 36ème évêque de Metz de 766 à 791, est issu de cette abbaye. Il s’y fera enterrer.

Au XIe siècle, les habitants de la bourgade de Saint Nabor se placent sous la protection d’un seigneur appelé avoué, chargé, aux noms des évêques de Metz, de les protéger. Les avoués héréditaires des évêques de Metz sont d’abord les comtes épiscopaux de Metz. L’évêque Etienne de Bar (1120-1163) confie vers 1163 l’avouerie de Hombourg-Saint-Avold, c’est-à-dire la ville et une vingtaine de villages, à ses seigneurs avoués, puissants et amis, les comtes de Sarrebruck et leurs sous voués les seigneurs de Créhange qui lui rendent hommage. Cette famille construit un hôtel franc vers 1380. Il s’agit de l’actuel Hôtel de Paris au 42 rue Hirschauer. Sous la protection de ces seigneurs, Saint-Avold se développe au XIVème siècle. Elle est une ville affranchie par les évêques avant 1302, chef lieu économique de l’avouerie, siège d’une justice particulière, la mère-cour et de l’administration communale.

Un droit de bourgeoisie est institué avec possibilité pour les habitants d’élire un conseil de ville et de prélever des impôts. La ville se dote d’un coutumier ou “Stadtrecht” définitivement codifié en 1580 qui précise le fonctionnement de l’institution municipale. Un premier hôpital est fondé extra-muros en 1313 par l’abbé Jean de Saint Nabor. Il est détruit en 1380. Une deuxième institution est créée, rue des charrons (l’actuelle rue des Américains) par le couple Elkine van der Linden et Anselm, greffier de 1426 à 1429. Cette institution reçoit les pauvres, héberge les ecclésiastiques, les pèlerins et les étudiants de passage. En 1534, son administration est municipalisée et cogérée avec l’abbaye bénédictine.

La ville est un centre commercial actif, servant de relais pour les marchands français et lorrains qui se rendent vers le Rhin, Nancy et Vaudrevange, capitale du bailliage d’Allemagne. De grandes corporations de métiers ou hans se créent dès la fin du XVème siècle. Les évêques de Metz créent en 1455 celles des tailleurs et tisserands, suivies, en 1457, par celles des bouchers, puis celles des tanneurs, cordonniers et merciers, le 11 novembre 1486. Elles exportent leurs produits dans tout le monde rhénan. Trois foires animent chaque année l’économie locale au XVIe siècle. Elles attirent des marchands hollandais, allemands, français et lorrains. On y échange du cuir, du chanvre et de la laine. Ce développement attire la convoitise d’autres seigneurs territoriaux (Lorraine, Deux-Ponts, Linanges). Les évêques décident alors de fortifier leur ville en 1327. L’entretien des remparts se fait grâce à un impôt sur les marchandises, l’octroi accordé par l’évêque de Metz, Ademar de Monteil en 1360.

Photo de droite : L’église actuelle, réalisée de 1755 à 1769 a été construite à l’emplacement de la première église abbatiale.

La ville est une paroisse de langue et de culture allemandes. Les documents administratifs son rédigés dans cette langue jusqu’au XVIIe siècle. Le bilinguisme est tardif et n’est véritable que dans les années 1850-1860.

Étienne, évêque de Metz, unit en 1140 l’église paroissiale de Saint-Avold, avec les autels, revenus et dîmes qui en dépendaient, à l’abbaye du même lieu : la bulle porte que l’abbé et les religieux donneront au vicaire qui desservira cette cure, un revenu suffisant pour que, dégagé des embarras temporels, il pût veiller assidûment au troupeau qui lui serait confié, assister aux synodes et en payer les droits. Cette union fut faite avec le consentement de l’archidiacre, des princier, doyen et chapitre de la cathédrale de Metz. Bertram, évêque de la même ville, la confirma en 1210 par une charte dans laquelle ce prélat dit « qu’à l’exemple d’Étienne, de Théodoric, son neveu, de Théodoric de Nancy, ses prédécesseurs dans l’évêché de Metz, il donne à l’abbaye de Saint-Avold l’église paroissiale du même lieu, et qu’il confirme à l’abbé et à ses successeurs la donation qui lui en a été faite par les évêques ci-dessus nommés ». Cette église dont les fondations sont carolingiennes, dédiée aux saints Pierre et Paul, est agrandie en 1492 - 1500 par l’abbé collateur de la cure, Adam de Roupeldange. Elle sert au culte paroissial jusqu’en 1792, date à laquelle elle est désaffectée et remplacée par l’église abbatiale après la suppression du monastère des bénédictins. Elle est vendue en 1798 à un particulier qui la transforme en maison d’habitation. Denis Guisard, membre de la S.H.P.N. l’a restaurée en 1986 -1987.

Du Duché de Lorraine au Royaume de France : 1581 - 1789

Pour des raisons financières, l’évêque de Metz Robert de Lenoncourt (1510-1561) engage à Philippe II, comte de Nassau-Sarrebruck (1509-1564), à charge de rachat, la seigneurie de Hombourg-Saint-Avold pour la somme de 18 000 florins or. Pendant vingt années, ces seigneurs administrent la ville avec dynamisme et compétence.

Le 16 mai 1572, le cardinal Charles Ier de Lorraine, évêque de Metz, cède l’avouerie de Hombourg-Saint-Nabor à son neveu Henri Ier, duc de Guise, qui lui avance 18 000 florins or. À son tour, celui-ci cède par traité le nouveau fief au roi de France, puis revenant sur la décision, il le vend le 24 novembre 1581 pour 96 000 écus à son cousin Charles III, duc de Lorraine. Le passage à la Réforme luthérienne du comte Philippe III (1542-1602) de Nassau-Sarrebruck, le 1er janvier 1575, entraîne son éviction politique de la seigneurie de Hombourg-Saint-Avold.

La ville est alors intégrée dans le duché de Lorraine, état indépendant qui connaît son âge d’or. Elle forme une seigneurie d’une trentaine de localités, gérée par un bailli ducal établi au château de Hombourg. Son lieutenant s’installe à Saint-Avold, capitale économique de la seigneurie.

La ville participe au développement du Duché. Elle connaît une expansion économique et démographique remarquable. Le duc de Lorraine Henri II cède ses terres en cadeau de mariage en 1621 à Henriette de Lorraine (1605-1660) et à Louis de Guise, son époux (1588-1631) qui stimulent le commerce et l’économie de la seigneurie. La ville crée un faubourg, elle développe l’industrie du verre au lieu-dit Ambach. La princesse Henriette fonde en 1631 le couvent des bénédictines malgré les menaces de la guerre de Trente Ans. Celles-ci créent la première école bilingue de jeunes filles de la région.

Pendant la guerre de Trente Ans, la ville est, à partir de 1633, plusieurs fois occupée et pillée par les Français, Suédois, Impériaux et Lorrains. Epidémies, famines et guerres font disparaître une grande partie de la population. Beaucoup fuient, dès 1637, vers les pays rhénans et le Luxembourg. La ville ne compte plus que dix huit habitants en 1656 contre 2000 en 1621. Les traités de Ryswick et de Paris de 1697 et 1718 voient la paix enfin s’installer et les troupes françaises d’occupation évacuer la ville.. La démographie naborienne est rétablie en 1750-1760, fortifiée par l’apport tyrolien des années 1700-1720. Les mesures prises par le duc Léopold 1er (1679 - 1729) après 1698 dans les domaines économiques et administratifs favorisent la reconstruction de Saint-Avold, alors désignée comme chef-lieu d’une prévôté de vingt-trois villages dans un bailliage d’Allemagne reconstitué avec pour nouvelle capitale Sarreguemines. Le duc attribue à la ville pour la remercier de sa fidélité ses armoiries qui sont les armes pleines de Lorraine. La reprise économique des années 1715-1730 voit la construction de plus de deux cents nouvelles maisons, le rétablissement de ses foires.

L’hôtel de ville construit en 1732, rue des Charrons, et la fontaine du sculpteur naborien Jean Melling (1678-1748)

Un nouvel Hôtel de Ville est construit en 1732; le paysage urbain de la ville change. De belles fontaines construites en 1714 agrémentent le centre ville. Elles sont l’œuvre du maître maçon Melchior Spinga venu d’Italie, aidé par les Tyroliens Johann Annemouser,, Johann Jager, Christoph Gery, Michael Gelle, Martin Reinstadler, Johann Betsch Un nouvel Hôtel des postes est construit en 1723. De belles demeures bourgeoises, aux portes sculptées de têtes d’animaux et de masques grimaçants et aux fenêtres mansardées, témoignent de la richesse de la bourgeoisie commerçante (l’Hôtel de la Poste aux Chevaux, 36-38 rue Hirschauer, la maison dite Faust, 74 rue Hirschauer et les maisons n° 12 et n° 14, rue Poincaré). Le “beau XVIIIe siècle” laisse son empreinte au centre ville. Plusieurs dynasties d’artistes s’implantent à Saint-Avold lors de la reconstruction de l’abbaye en 1720-1790. Citons le sculpteur Jean Melling (1678-1748) et le peintre Christophe Melling qui réalise les tableaux du chœur : “l’Assomption de la Vierge” et “l’Ascension” (tableau volé en 1940). Les remparts de la ville disparaissent du paysage urbain entre 1710 et 1720. La ville retrouve son rôle de ville étape entre le monde germanique et la France. Un certain nombre de familles naboriennes choisissent d’ailleurs de servir les Habsbourg et accompagnent le duc de Lorraine François III (1708-1765) en Autriche. Citons les familles Kaiser, Hennin et d’Avrange dont un des membres, Jean-Baptiste d’Avrange (1728-1789), enseigna les mathématiques à la Cour de Vienne aux plus jeunes frères de Marie-Antoinette, fils de l’impératrice Marie-Thérèse, l’archiduc Ferdinand et l’archiduc Maximilien, futur archevêque de Cologne. Ingénieur, il conçut aussi un lit pour l’armée autrichienne et fortifia la ville de Mantoue. Il réalisa également un ensemble sculpté, “la chute des anges”, à l’église Saint-Michel, au centre de Vienne. Ces familles naboriennes feront de belles carrières dans l’administration, l’armée et les arts. Ainsi le peintre Valentin Metzinger, né en 1699, qui réussit en Styrie (Steiermark), Slovénie, Croatie. Il peint de nombreux tableaux religieux dans plus de 300 églises. Il décède à Lubljana en 1759. Il est, de nos jours, considéré comme un des plus grands peintres baroques de la Slovénie.

Le règne du roi polonais Stanislas (1677-1766) devenu duc de Lorraine n’est que nominal. Son intendant français, François Chaumont de la Galaizière introduit le système français très impopulaire de la corvée et de la milice. En 1751, la prévôté est supprimée. La ville est incluse malgré elle dans le bailliage de Boulay qui comprend plus de soixante dix bourgs et villages. L’église abbatiale est reconstruite de 1754 à 1769 dans le style classique, selon les plans de Dom Léopold Durand (1660-1749) bénédictin séjournant a Saint-Avold, également architecte à Echternach et Moyenmoutier. Les orgues sont construites par le facteur Barthelemy Chevreux en 1770-1771 tandis que Jacques Gounin, sculpteur très connu dans le comté de Nassau-Sarrebruck et à Deux-Ponts, façonne le nouveau buffet d’orgues en 1769-1771, ainsi que les boiseries du chœur.

L’abbaye bénédictine est un lieu de réflexion, d’écriture et de prières. On y lit et y commente Diderot. Sous l’impulsion du dernier prieur Dom Bonnaire est créée dans l’abbaye une loge maçonnique “La Concorde” en 1787-1789 qui disparaît à la Révolution.

De la Révolution au IIe Reich

Commencée et acceptée dans l’allégresse générale, la constitution civile du clergé en 1791 va partager les opinions de surcroît déjà irritées après la dissolution des ordres monastiques. La Terreur provoque l’émigration de soixante trois personnes en 1793. Saint-Nabor devient Rosselgène. Le culte de l’Être Suprême est institué. Les prêtres réfractaires bénéficient de la vaste complicité d’une partie croissante de la population. Le nouveau magistrat élu tente de s’adapter à la situation de crise. Il affronte une situation financière dégradée et des passages de troupes continuels.

De plus en plus souvent, la ville est nommée Saint-Avold en référence au moyen haut allemand “Santerfor”. Elle est chef-lieu de canton et s’intègre difficilement dans le nouveau département créé en 1790, malgré l’aide de son premier député, le conventionnel Joseph Becker (1743-1812), le seul des sept députés mosellans à s’être déplacé à Paris pour voter dans une ambiance de terreur et d’intimidation contre l’exécution du roi Louis XVI. Le Consulat puis l’Empire ramènent le calme dans les esprits et la paix religieuse grâce à la modération de Jean Nicolas Houllé (1750-1841), archiprêtre de Saint-Avold. Une certaine prospérité économique se développe jusqu’en 1813. L’Empire bénéficie d’une large popularité grâce à l’action du général baron Georges Kister (1755-1832), maire de la ville de 1812 à 1814 puis de 1817 à 1824, qui en en tant que gouverneur de Salzbourg et de Dantzig fait une belle carrière au service de Napoléon Ier.

Large et bien pavée, la rue de Longeville est bordée de belles maisons et d’hôtels.

En janvier 1814, le général Gebhard Leberecht von Blücher établit son quartier général à Saint-Avold. Les Bavarois occupent la ville de 1815 à 1818 : la cité compte en garnison un régiment de cavalerie. Au niveau politique, la ville, légitimiste, accompagne tous les changements de régime sans aucune résistance : république en 1848, empire dès 1852. Napoléon III y est très populaire. Son passage à la gare de Saint-Avold en 1867 donne lieu à d’importantes manifestations de liesse.

À l’inverse du saillant forbachois, l’industrialisation ne se développe que très lentement au cours de la première moitié du XIXe siècle. Fabrique de creusets, fonderie, fabrique de flanelles, tuilerie, brasserie, fabrique de bleu de Prusse, faïencerie, quinze tanneries n’assurent pas suffisamment du travail aux Naboriens ainsi qu’aux habitants du canton. Beaucoup fuient ainsi la dureté des conditions de vie, les disettes de 1817-1818, les épidémies de choléra de 1833 et 1866, la crise économique de 1845 et 1846, et émigrent vers les Amériques. Plus de 200 personnes quittent ainsi Saint-Avold. Marie Collin (1840-1932) et Louis Aloys Risse (1850-1925) feront fortune dans le Nouveau Monde.

La situation va lentement évoluer à partir de 1851. L’ouverture de la voie de chemin de fer Metz-Saint-Avold en 1851, puis Saint-Avold-Forbach-Sarrebruck (1852) ainsi que la découverte du charbon à Carling et l’ouverture du puits Max en 1860, vont asseoir la prospérité de la ville. Cette dernière, bien intégrée dans la communauté nationale, voit la naissance de vingt trois officiers dont le général Auguste Edouard Hirschauer (1857-1943), futur sénateur de la Moselle, très engagé dans le développement de l’aéronautique française à partir de 1910. Elle est le lieu de naissance du père Pierre Victor Braun (1825-1882), fondateur de la congrégation des Servantes du Sacré Cœur de Jésus établie en France, en Angleterre et en Autriche et dont la maison mère est à Versailles. Un procès en béatification est actuellement instruit par la maison autrichienne des Servantes du Sacré Cœur de Jésus.

Le général Hirschauer

Le père Braun

Le Deuxième Reich: 1870 - 1918

Le traité de Francfort du 10 mai 1871 ratifié par la France et reconnu par tous les états européens consacre la cession de l’Alsace-Lorraine au IIe Reich.

L’intégration économique de la ville incluse dans le Kreis ou cercle de Forbach se fait de manière lente jusqu’en 1885. À partir des années 1885-1890, sur demande pressante des commerçants et artisans, la ville devient une ville de garnison avec l’arrivée de nombreux régiments dans une conjecture dynamique propre à l’Empire allemand. La ville se développe au nord sur un axe reliant le centre aux nouvelles casernes De Brack (ancienne Jäger Kaserne construite en 1911-1913), Lahitolle (ancienne Artillerie Kaserne, érigée de 1880 à 1890), mais aussi au sud avec les casernes Mahon (Ketzerrat-Kaserne) et Hamon, (Berg-Kaserne), occupées par le prestigieux 14ème régiment des Uhlans du Hanovre depuis 1886. Le protestantisme connaît un développement important et voit la construction, en 1887-1889, de l’église protestante luthérienne devenue église de garnison, inaugurée le 22 avril 1889. L’archiprêtre Nicolas Dicop (1867-1929) se lance à son tour dans d’importants travaux, en 1906-1911, de baroquisation de l’église paroissiale. Son œuvre sera réduite à néant suite à la bombe alliée du 9 novembre 1944 et à certains travaux malheureux de restauration des années 1950 (destruction d’une partie de “la Gloire”).

En 1900, la ville atteint les 5000 habitants, elle passe à 6 400 en 1910, dont 2 500 militaires. Elle participe à la prospérité générale de l’Empire et se dote d’infrastructures nouvelles (tramway inauguré en 1911, eau, gaz et électricité grâce aux très dynamiques maires de carrière dont le plus célèbre est l’alsacien Joseph Koestel. (1872-1960), maire de 1908 à 1918.

La fin du XIXe siècle voit s’établir définitivement l’organisation spatiale de la ville telle qu’elle existe de nos jours.

La caserne d’infanterie construite en 1896 et rebaptisée par la suite “Ardant du Picq”

Les garnisons introduisent des activités de service pour l’approvisionnement du commerce. Elles imprègnent aussi la vie locale et associative. L’anniversaire du Kaiser, le 27 janvier, est à partir de 1888 célébré avec faste par les civils et les militaires de la cité. Les taverniers profitent des activités militaires et de l’animation en ville. Les constructions nouvelles portent l’empreinte du néo-gothique et néo-renaissance. Le tribunal et l’hôpital sont réalisés par l’architecte Weissdorf dans un style néo-classique.

Cette période voit la naissance d’Adrienne Thomas (1897-1980) écrivain de langue allemande, auteur en 1933 d’un best-seller : « Catherine soldat », livre antimilitariste condamné par les nazis. Elle meurt à Vienne en Autriche, en 1980. Elle sera réhabilitée par sa ville natale grâce à la création d’un prix attribué par la municipalité depuis février 2004, à de jeunes historiens méritants, travaillant sur Saint-Avold et délivré aux journées Européennes du Patrimoine. Une plaque commémorative a été placée au 33, rue Poincaré à l’emplacement du lieu de naissance de l’écrivain.

Photo de droite : Adrienne Thomas

D’une guerre mondiale à l’autre

Lorsqu’éclate la guerre de 1914-1918, la ville devient le siège d’un poste de commandement de la 6e Armée. 72 Naboriens tomberont sur les fronts Est et Ouest en servant l’armée impériale. Le 21 novembre 1918, le 129e Régiment d’infanterie entre dans la ville. Dans ses rangs, citons la présence du 2e classe René Coty qui sera le dernier président de la IVe République.

La ville redevient française de fait. Il s’ensuit une francisation outrancière des noms de rues dans une ambiance « bleu horizon ». L’intégration dans le giron de la République française se fait avec beaucoup de difficultés. Le maire de carrière Joseph Koestel, alsacien de souche, unanimement apprécié de ses concitoyens, est démis de ses fonctions le 13 décembre 1918. La population allemande jugée indésirable doit quitter la ville, ce qui constitue pour beaucoup un réel déchirement, surtout pour les nombreuses familles mixtes (Allemands-Lorrains de souche). La légalité républicaine est rétablie progressivement en 1919, avec les élections municipales du 30 novembre 1919 qui voient le triomphe de Théodore Paqué (1866-1943), élu maire et conseiller général sans discontinuité jusqu’en 1934. Il sera ensuite remplacé par Barthélémy Crusem, maire jusqu’en 1950.

L’entrée des troupes françaises dans Saint-Avold le 21 novembre 1918

Après 1918, la ville conserve son aspect de ville de garnison grâce à la perspicacité de Théodore Paqué et d’Auguste Edouard Hirschauer élu sénateur de la Moselle en 1924. De nombreux régiments s’installent tels le 18ème régiment de chasseurs à cheval. Le développement charbonnier fait de Saint-Avold une ville de résidence. En 1928-1930, la Société Houillère Sarre-et-Moselle construit ex nihilo pour son personnel une cité de six cent cinquante logements, la cité Jeanne d’Arc, située à proximité du puits Sainte-Fontaine. Les nouveaux arrivants sont surtout d’origine polonaise et transitent par la Westphalie pour travailler dans les mines de charbon lorraines. 1205 Polonais vivent à Saint-Avold en 1931, dont 1032 à la nouvelle cité Jeanne d’Arc. La ville souffre de la proximité de la ligne Maginot construite à partir de 1928. Elle est située à l’avant de cette ligne de défense et sera dotée de quelques ouvrages avancés en direction de Moulin Neuf et de Carling.

La ville est évacuée dans le désordre et la précipitation le 1er septembre 1939 vers les départements de la Vienne (Sommière-du-Clain, Couhé-Vérac, Gencay), de la Loire et du Pas-de-Calais. Pendant un an, les Naboriens, souvent dénués de tout, sont répartis dans de nombreuses localités loin de leur “Heimat”. Ils tenteront de s’adapter à leurs nouvelles conditions de vie des plus sommaires et ceci dans un univers culturel et mental fort différent de la Moselle-Est.

Lorsque la population civile retrouve par vagues successives ses foyers dès la mi-septembre 1940, le drapeau frappé de la croix gammée flotte sur la ville. De plus, toutes les habitations ont été pillées par les troupes françaises stationnées durant la drôle de guerre et censées protéger les biens des réfugiés. Les services du “Wiederaufbau” ou de la reconstruction allemande veillent à doter les réfugiés du strict nécessaire.

En 1940-1944, la ville, comme le reste de la Moselle, est intégrée dans le “Gau Westmark” administré par Joseph Bürckel (1894-1944). Saint-Avold est érigée dès le 2 novembre 1940 en “Landeskreisstadt”, c’est-à-dire en chef-lieu d’un arrondissement de 145 000 habitants, créé par le regroupement des anciens arrondissements de Boulay et de Forbach dont on retranche le canton de Sarralbe, rattaché au “Kreis Saargemünd”.

À la tête de cette structure est nommé un “Kreisleiter” en la personne d’un nazi notoire, Hieronimus Merkle (1887-1970), originaire de Neustadt-an-der-Weinstrasse, compagnon de Bürckel. Merkle s’installe à Saint-Avold le 14 octobre 1940. Jugé trop modéré, il est remplacé par Ludwig Schäfer, puis en octobre 1942 par Liutwin Zimmer originaire de Mettlach. Sur le modèle allemand, les 764 communes mosellanes sont regroupées en 375 “Gemeinden”, elles-mêmes concentrées en 164 “Bürgermeistereien” ou mairies. Saint-Avold se voit rattacher les communes de Dourd’hal, Folschviller, Valmont, Petit-Ebersviller, Macheren, Altviller et Lachambre. En revanche, la cité Jeanne d’Arc, rebaptisée Waldheim, est rattachée le 24 mars 1941 à la “Gemeinde” Spittel ou L’Hôpital. Le parti désigne un maire professionnel en la personne du “Stadtkommissar”; le premier en poste depuis le 15 août 1940 est Karl Pfleger, remplacé en avril 1943 par le très dur sarrebruckois Heinrich Bluman (1900-1946).

Manifestation des membres du parti nazi sur “Adolf Hitler Strasse”

La ville, comme toute la Moselle, paie un lourd tribut à la dictature nazie. La persécution de la communauté juive, les privations, les bombardements alliés dont celui, dévastateur, du 9 novembre 1944, les expulsions, l’envoi sur le front russe des 84 Malgré-Nous dont 26 périront, terrorisent la population.

En 1945, Saint-Avold est une ville exsangue. Des 915 maisons, 72 sont détruites, 763 endommagées. 85 personnes ont été déportées, 279 habitants expulsés, 10 habitants ont péri suite aux bombardements alliés de l’automne-hiver 1944, 83 ont été blessés.

Le cimetière militaire américain, le plus grand d’Europe avec ses 10 487 tombes, inauguré le 19 juillet 1960, témoigne des sacrifices consentis lors de la Libération du département de la Moselle et de la ville de Saint-Avold, le 27 novembre 1944, par la 80e division d’infanterie américaine commandée par le général Horace Logan Mc Bride (1894-1962).

Suite à l’installation de la 2e Escadrille canadienne à Grostenquin, de nombreuses familles canadiennes résident, de 1952 à 1964, à la cité du Wenheck réalisée par l’architecte Jean Dubuisson (1914-1983).

Le cimetière américain de Saint-Avold est le plus important d’Europe. Il n’a malheureusement jamais été honoré d’une visite d’un président de la Ve République ou d’un président américain.

Le Saint-Avold industriel de l’Après-Guerre

La reconstruction est menée tambour battant par les équipes municipales des maires Barthélémy Crusem (1879-1951) et surtout Jean Robert (1906-1976), maire de 1951 à 1959.

Grâce à son site agréable, à sa situation de carrefour et à son éloignement de la zone industrielle, la ville devient un centre résidentiel du bassin. De 1945 à 1966, les Houillères y construisent plus de 1 300 logements et la population augmente de 7 054 à 18 000 habitants répartis, outre le centre-ville, dans les cités du Wenheck, La Carrière, Emile Huchet, Jeanne d’Arc et Arcadia. Le développement de la centrale thermique Emile Huchet prend une ampleur exceptionnelle entre 1949 et 1960. La cokerie de Carling voit le jour avec le développement du procédé de carbonisation. Cette plate-forme donne naissance après 1954 à diverses usines et installations dont l’ensemble représente l’une des plus importantes plates-formes chimiques de France.

Le lac d’Oderfang avant sa disparition en 1957

Dès les années 1960, la ville poursuit son expansion vers le nord et l’est, accélérée par la construction de l’autoroute Metz-Sarrebruck en 1969-1970. La ville poursuit une politique de diversification industrielle avec la création de la ZIL du Gros-Hêtre, zone artisanale et industrielle, en 1968-1969, ainsi qu’une zone industrielle au Hollerloch en 1975 sur un espace de 46 ha occupé par 47 entreprises. Dans les années 1960-1970, la ville se dote d’infrastructures modernes : deux lycées, trois collèges et une piscine avec complexe sportif dignes d’une ville chef-lieu de canton. Elle connaît une croissance démographique annuelle de 1,42% entre 1968 et 1975, supérieure à la moyenne française.

La ville marque la réconciliation franco-allemande par le jumelage avec Dudweiler en Sarre, le premier du genre, le 28 juin 1964. La francisation forcenée de l’après-guerre a néanmoins fait disparaître un bilinguisme de fait, source d’une très grande richesse et part de l’identité naborienne. Depuis 1994, la ville est également jumelée avec Fayetteville en Caroline du Nord. Ce jumelage connaît un regain d’intérêt depuis quatre années grâce au développement des échanges scolaires voulus et soutenus par la commune et certains établissements scolaires de Saint-Avold.

Une ville confiante en l’avenir

La place de la Victoire au cœur de la cité.

À l’orée du nouveau siècle, l’après-charbon et l’industrie pétrochimique favorisent un nouveau développement économique. Avec 17 000 habitants, la ville connaît une certaine stabilité sur le plan démographique.

Après avoir misé sur les aspects quantitatifs et immédiats dans la stratégie du développement, il semble que l’on s’oriente dorénavant vers la diversification industrielle et les aspects qualitatifs. Les années 1990 voient la création d’un centre régional d’essais et d’applications en plasturgie inauguré le 29 juin 1990, agrandi devant son succès croissant en 1998 pour atteindre une superficie de 1 740 m2, avec plus de 1 200 m2 de locaux techniques et 540 m2 de surface pour les bureaux. Plus de 150 entreprises font appel à son service dans les domaines de la chimie lourde. Le 5 novembre 1994, l’université de Metz inaugure un I.U.T. de chimie fine. En partenariat avec Sarrebruck est créé aussi, dans le cadre du S.I.V.O.M., l’Europort spécialisé dans la logistique et les transports, sur une surface totale de 100 ha.

Cette diversification industrielle ne va pas sans une certaine recherche de qualité de vie. La ville possède un potentiel forestier important. Sur la colline du Felsberg, la ville a aménagé à partir de 1983, dans le cadre d’un contrat ville-relais, un centre de rencontre international formé d’un ensemble de chambres, d’un restaurant et d’un terrain de camping fréquenté notamment par les touristes néerlandais et allemands. Le massif boisé de la forêt de Saint-Avold permet l’aménagement d’un centre aéré dès 1965 et d’un centre équestre avec parcours de santé. Des études sont envisagées pour la réhabilitation de l’étang d’Oderfang, déjà mentionné en 1483, lieu de villégiature très populaire dans les années 1900-1950, qui disparaît en 1957 suite au pompage de la nappe phréatique par la centrale de Carling. Tous les efforts entrepris depuis lors pour tenter de le reconstituer ont malheureusement échoué. De plus, la canalisation malheureuse et progressive de la Rosselle et de tous ses affluents transformés en égouts (1901-1965) modifie le paysage de la cité en profondeur. Des études en cours permettront peut-être de revoir bientôt ces cours d’eau.

La ville développe aussi ses infrastructures culturelles. Le 25 janvier 1986, elle inaugure le Centre d’Action Culturelle. Depuis 2003 elle organise des expositions à caractère international dans le cadre de “Plastica Naboria”. Elle a dans ses mur une trentaine d’artistes (peintres, sculpteurs, maîtres verriers) de renommée régionale, voire internationale. Citons les peintres Jean-Marie Walaster (1927-2000), Gabrielle Bouffay, Jean Davo, le sculpteur sur bois Helmut Muller (1910-1989), le maître verrier Arthur Schouler (1927-1984) qui contribuent à la renommée culturelle de la cité naborienne…

Celle-ci se tourne vers des défis du futur et se dote de structures industrielles capables de faire face à la mondialisation.

Le 1er septembre 2004 a été créée la Communauté de Communes du Pays Naborien qui rassemble les 10 communes de l’ex S.I.V.O.M. (Altviller, Carling, Diesen, Folschviller, Lachambre, L’Hôpital, Macheren, Porcelette, Saint-Avold et Valmont) d’une population totale de 43 076 habitants. Cet Etablissement Public Intercommunal situé au cœur d’un espace transfrontalier de plus de 1 000 000 habitants, offre de réelles perspectives d’avenir pour le citoyen du Pays naborien. Relever le défi du développement économique est un des axes prioritaires de ce territoire d’une superficie de 10 880 hectares. Plus d’une centaine d’entreprises se répartissent sur quatre zones d’activités gérées et valorisées par la Communauté de Communes du Pays Naborien, à savoir: la zone Europort de Saint-Avold, la zone Actival de Valmont, la zone Furst à Folschviller et la zone du Grunhof de Porcelette.

Saint-Avold est une ville accueillante, fière de son passé historique. Elle possède des atouts non négligeables :

  • des infrastructures économiques nouvelles, comme Composite Park, tournées vers la chimie verte et les éco-industries;
  • un réseau routier important, la proximité du marché allemand stimulant pour l’économie locale;
  • des infrastructures culturelles de tout premier ordre;
  • le savoir-faire de ses habitants dont certains sont encore bilingues;
  • un cadre environnemental agréable préservé.

Il faudra compter avec le dynamisme de Saint-Avold dans les prochaines années.

L’Institut Universitaire de Technologie inauguré en 1994

Texte : Pascal Flaus - Conception et mise en page : Rémi GOLDBACH