Dans la matinée du lundi 27 novembre 1944, les Américains entrent dans Saint-Avold
La libération de Saint-Avold.
Extraits de l’article de Jean-Marie JUNGER « LES COMBATS DU XIIe CORPS DANS LE SECTEUR DE SAINT-AVOLD DU 24 AU 28 NOVEMBRE 1944 » paru dans le « Cahier du Pays Naborien » n° 17
Le rôle stratégique de Saint-Avold
Saint-Avold, en raison de son statut de Kreisstadt durant l’occupation, était non seulement un important centre routier mais aussi un nœud essentiel du réseau téléphonique du Reich. Par ailleurs, la voie de chemin de fer servait d’axe de ravitaillement à l’ensemble des troupes face au XIIe Corps US. L’on peut donc comprendre l’importance que lui attribuaient les stratèges allemands. Saint-Avold abritait, outre de nombreux Corps de troupes, le PC de la 1ère Armée. Les Américains n’ignoraient certes pas l’intérêt que les Allemands portaient à cette ville. L’acharnement avec lequel les P-47 du XIXe TAC et l’artillerie du XIIe Corps US la bombardaient le montrait bien. Tout laissait donc supposer que l’ennemi allait défendre Saint-Avold à tout prix. Malgré cela, comme le terrain de Faulquemont à Sarrebruck passant par Saint-Avold n’était guère propice au déploiement de blindés, le général Eddy, conformément aux dispositions de son ordre de bataille n° 10, transféra la 6e Armd div. du secteur de Faulquemont dans le Bischwald, face à Lelling. Par le transfert du 42e escadron de cavalerie, Eddy réduisait la ligne de front de la 80e DI dont la tâche était de percer la ligne Maginot et de libérer Saint-Avold. En fait, depuis Han-sur-Nied et Landroff, l’ennemi avait déplacé sa zone d’intérêt sur la ligne Siegfried. L’état-major de la 1ère Armée s’était replié dès le 16 novembre à St Ingbert en Sarre.
Mc Bride, commandant de la 80e DI, allait pouvoir concentrer tous ses moyens sur le secteur fortifié de Faulquemont avant d’attaquer Saint-Avold. Il fit appel à l’aviation et à une batterie d’artillerie de gros calibre. Dans la matinée du 17 novembre, la 511e escadrille largua encore quelques bombes sur Saint-Avold. Sans relâche, l’artillerie US poursuivait l’ennemi. Saint-Avold eut droit à plusieurs salves de gros calibres de 155 et de 240 mm. Du côté allemand, Wellm, commandant de la 36e ID, malgré la supériorité américaine, comptait beaucoup sur son artillerie. A plusieurs reprises, il fut surpris de voir les troupes US enfoncer ses lignes et, le soir venu, suspendre leur poursuite, alors que plus rien ne les séparait des positions arrière.
La journée du 26 novembre 1944
Une fois la ligne Maginot franchie dans le secteur de Faulquemont, l’on pouvait considérer que Saint-Avold était à la portée des bataillons de l’Américain Mc Bride .
L’artillerie américaine venait à peine de réduire ses tirs, et le jour commençait à se lever quand le 3/318e reprit sa progression. Au cours des premières heures de la matinée, l’ennemi ne se manifesta guère. Peu après 8h30, le bataillon occupait les hauteurs au nord de Longeville-lès-Saint-Avold après avoir libéré le village de Kleindal. Toutefois la compagnie L, qui, du bois de Kerfen, s’était dirigée sur la forêt de Longeville par la Ruhmesse au nord de Kleindal, venait tout juste de se retrancher sur la hauteur 345, au nord du village, quand l’ennemi lança une première contre-attaque. A quatre reprises il chercha à déloger les Américains de cette hauteur, mais, lorsque vers 17 heures, six bataillons d’artillerie ouvrirent le feu, il abandonna la partie. Si dans ces accrochages, car il s’agissait bien d’accrochages et non de batailles rangées, l’ennemi eut de nombreuses pertes, du côté américain, la compagnie L en eut également. Parmi les disparus, il fallut compter une vingtaine de GIs capturés par l’ennemi.
Alors que le 3/318e se déployait devant Longeville-lès-Saint-Avold, le 2/318e, après avoir été relevé à Zimming, se regroupa dans le bois de Kerfen dans l’attente d’intervenir à Saint-Avold. Par la progression du 318e et la position du 319e RI, dans le Haut Bois au nord de Dourd’hal, le 165e Inf Rgt allemand se trouvait menacé d’encerclement. Cette menace ne fit que se confirmer quand, de Longeville-lès-Saint-Avold, une colonne du 2/318e se dirigea vers le croisement dit « des Trois Maisons ». Arrivé à mi-chemin de la pointe est du Heckenwald, le détachement fut pris à partie. Au fur et à mesure de sa progression, à l’artillerie s’étaient joints des mortiers, puis des canons de 20 mm et des mitrailleuses et, pour finir, des armes légères. Malgré ces tirs, la colonne occupa le croisement « des Trois Maisons » vers 10 heures. Le terrain boueux et un ensemble de barrières antichars réduisaient considérablement l’efficacité des blindés US de soutien. Malgré tout, l’avant garde du 2/318e qui venait de quitter le Heckenwald, parvint à s’approcher de la Rehmühl. De toute évidence, l’ennemi donnait des signes d’essoufflement. La surprise fut grande de part et d’autre lorsque, vers 15 heures, l’avant-garde reçut l’ordre de suspendre la poursuite et de se retrancher sur ses positions.
Le 3/319e, à gauche du 2/318e, était parvenu dès 10 heures au Wahlenberg. Harcelé sans répit, il poursuivit néanmoins sa progression jusqu’au Bleiberg où il se retrancha. Dominant la ville de Saint-Avold, il put se rendre compte que le gros des forces ennemies l’occupait.
Le 317e RI avait également repris sa progression à 8 heures et s’était dirigé avec son 1er bataillon sur Valmont. Du secteur de la ferme Monplaisir jusqu’aux abords du bois de Valmont, il progressa sans difficultés. Ce n’était qu’en se déployant dans le bois que l’artillerie ennemie devint menaçante. C’est seulement aux environs de midi, quand les premiers Américains arrivèrent à Valmont, que les tirs s’espacèrent. Mais la troupe ne devait pas s’y attarder, l’objectif étant la gare de Saint-Avold et le croisement routier du Wenheck.
Bien que sur la Nationale 3, les Américains s’arrêtèrent; l’ennemi n’était pas parvenu à rétablir la liaison entre Altviller et le PC de Wellm. Ce dernier, conscient que Saint-Avold, dans sa cuvette naturelle, devenait indéfendable dut être soulagé quand il reçut l’ordre du Corps de se replier sur les « positions de L’Hôpital » (Spittelstellung). Il dut cependant se poser la question, par quelles voies il pourrait replier sa division. Le manque de moyens de communication avait fait qu’il ignorait totalement quelles étaient les routes encore disponibles. Des dernières informations dont il disposait, il ressortait que les Américains se trouvaient devant Lixing et Valette et pouvaient à tout moment couper la route de repli du 87e Inf Rgt. Par ailleurs, il supposait que les routes de Carling et de Sarrebruck par Hombourg-Haut étaient encore ouvertes. Il tenta d’assurer la couverture de la route de Carling en plaçant sa compagnie de fusiliers et une de canons d’assauts à proximité du moulin de l’Ambach, à quelque trois kilomètres au nord-ouest de Saint-Avold. La compagnie de DCA qui couvrait l’accès sud de Saint-Avold face au Wenheck ayant entre temps dû se replier sur la ville, fut à son tour ramenée à l’est, à Moulin Neuf. Finalement ce ne fut qu’à la nuit tombée que les unités de la 36e VGD décrochèrent, à l’exception du 87e Inf Rgt. Les Américains ignoraient-ils ce mouvement ? Peut-être, car ils ne réagirent absolument pas. Dans la nuit, Wellm transféra son PC à la Cité Sainte-Fontaine.
Le 319e RI libère Saint-Avold
La journée du 27 novembre 1944
Le lendemain, il était 10 heures quand le 1/318e quitta le secteur de la ferme Saint Dominique à l’ouest de Longeville-lès-Saint-Avold. Sa mission était de rejeter l’ennemi du bois au nord de Saint-Avold et de prendre position près de l’étang de la Merbette. Un groupe de cavalerie maintenait la liaison avec le voisin nord du XXe Corps. Tout se déroula sans problème, l’ennemi ayant abandonné le secteur. Dès 14 heures, le bataillon occupait le terrain près de la ferme du « Moulin de la Merbette ».
Le 319e RI était prêt depuis la veille au soir et s’apprêtait à lancer une attaque vers le centre de Saint-Avold. Le 1/319e, sous couvert du 2/319e, en position à la ferme Neuhof, devait s’avancer de l’ouest en passant entre l’usine à gaz (aux environs du lycée technique construit plus tard) et la ferme. Sur la droite, le 3/319e, retranché au Bleiberg, ne devait intervenir qu’en cas de besoin. Partis à 9 heures, les éléments de tête atteignirent le centre de la ville une heure plus tard. Comme déjà mentionné, l’ennemi avait abandonné le terrain, seule son artillerie harcelait les nouveaux arrivants qui traversaient la ville au pas de course. En fin d’après-midi le bataillon arriva au Mettenberg, à plus d’un kilomètre à l’Est de Moulin Neuf. Le 2/319e, qui suivait, se déploya sur la gauche de la route de Sarrebruck et prit position dans le secteur culminant de la forêt du Steinberg entre Saint-Avold et Hombourg-Haut.
De son côté, parti de bonne heure, le 317e RI, à l’aile droite de la division, allait pourtant se heurter à plusieurs nids de résistance du 87e Inf Rgt allemand. Ce régiment, coupé du QG de sa division, n’avait pas reçu l’ordre de repli. Il ne le reçut qu’au cours de la matinée. Néanmoins le 3/317e qui, de Valmont, avait pris la direction de Macheren, parvint aux environs de huit heures à occuper le secteur du Weissenberg face au village de Lachambre. L’artillerie ennemie, bien que présente, restait relativement dispersée, seuls quelques obus de mortiers tombaient à proximité. C’est donc sans difficultés que le bataillon, après avoir libéré ce village, put reprendre sa progression. Le soir venu, Macheren et Guenviller étaient libérés et une avant-garde était parvenue jusque dans Seingbouse. C’est alors que la 4e compagnie du bataillon de reconnaissance de la 17e SS Pz Gren Div vint se déployer dans le village. Pour les Américains la surprise fut totale et avant qu’ils aient pu se retrancher sur place l’ennemi les rejeta sur Guenviller.
A droite du 3/317e, le 1/317e, en quittant le village d’Altviller, se heurta également à une arrière-garde du 87e Rgt dans les bois du Heiligenbusch et du Liebusch. Quant au 2/317e, il se trouvait en réserve entre Folschviller et Valmont. Finalement en fin de journée, le 317e RI occupait le secteur autour de Macheren avec une pointe devant Seingbouse et, plus au sud, une ligne allant du Steinfeld au Hohnetzel, à l’Est de Lachambre. De là, plusieurs patrouilles s’aventurèrent le long de la Nied allemande et au-delà jusqu’à Vahl-Ebersing où elles parvinrent à établir le contact avec des éléments de la 6ème Armd div.
Alors que l’on aurait pu s’attendre à ce que les Allemands résistent à Saint-Avold, ils avaient déserté la place sans la moindre résistance. En fait, menacé au nord, à l’ouest comme au sud, Max Simon, commandant du XIIIe SS Pz Korps, se trouvait contraint de retirer ses forces de Saint-Avold et de sa région sur des positions plus propices à une défense rigide. L’ordre de retrait avait été donné la veille, en début d’après-midi. D’ailleurs la position géographique de Saint-Avold ne se prêtait guère à une défense de la ville du moment que les hauteurs qui l’entouraient étaient aux mains de l’ennemi. De plus, au nord, le XXe Corps menaçait la ligne Siegfried devant Sarrelouis et au sud la poussée vers Sarreguemines s’intensifiait.
Suite à l’explosion de bombes à retardement laissées par l’ennemi dans la caserne De Brack, l’armée américaine dénombre, le 3 décembre 1944, 22 morts dont 4 officiers.
L’affaire des bombes à retardement
Il semble que les derniers Allemands aient fui dans la nuit du 26 au 27 aux environs de minuit, non sans avoir commis d’énormes dégâts. Environ six soldats du génie avaient placé de lourdes charges explosives sous la poste, sous le croisement principal et dans une galerie sous un square ainsi qu’en d’autres croisements et galeries de la ville. Un agent F.F.I. sauva un pont en sectionnant les câbles de la charge, acte sans doute fait d’abord par patriotisme, ensuite par intérêt personnel, pour protéger sa maison qui se trouvait à proximité. Cette action fut d’une grande aide pour la 80e D.I. ainsi que pour d’autres unités qui s’étaient installées à Saint-Avold. Comme il s’est avéré par la suite, la route qui enjambait ce pont était la seule qui reliait le centre au quartier nord de la ville.
Dans l’après-midi du 28 novembre, des soldats du génie de la 80e D.I. découvrirent à l’usine à gaz, située dans la partie ouest de la ville, un mécanisme de bombe à retardement maladroitement caché et fixé à du TNT. La charge explosive, d’environ 200 livres, était légèrement recouverte de paille et placée sous l’escalier de pierre qui menait au bureau du directeur. Le mécanisme d’horlogerie suscita un grand intérêt, étant le premier de ce genre à être découvert.
Au soir du samedi 3 décembre, vers 17h30, une terrible explosion se fit entendre dans la partie nord de la ville. Une énorme flamme jaillit vers le ciel. Elle venait du quartier où avait été le PC de la Gestapo. Cette déflagration fut suivie en une heure de temps par quatre autres. Toutes provenaient de bombes à retardement réglées comme celle découverte à l’usine à gaz. Quatre bombes avaient explosé dans la rue appelée aujourd’hui avenue Clemenceau et la cinquième dans des bâtiments de la caserne De Brack. Le bilan pour les Américains fut très lourd : vingt-deux victimes dont quatre officiers appartenant au 633e Bataillon de la D.C.A. Trente blessés durent être évacués.
La 80e Division d’Infanterie, théoriquement au repos à Saint-Avold, reçut l’ordre de quitter la ville le 17 décembre 1944, vingt-et-un jours après y être arrivée. Pour le seul mois de novembre, la 80e D.I. avait perdu 513 soldats au combat et déploré 2 215 blessés et 313 disparus.
À la recherche des corps ensevelis sous les décombres suite à l’explosion des bombes à retardement.