Ancienne église abbatiale Saint-Nabor

L’abbaye et son église à travers les temps

Selon la tradition locale, l’origine de la ville de Saint-Avold serait due à la création en l’an 509 d’un monastère sur les rives de la Merzelle, par le moine irlandais Fridolin. En réalité, c’est le site gallo-romain Hilariacum qui est vraisemblablement à l’origine de la ville. Celle-ci doit son nom à l’abbaye bénédictine fondée vers 720 par Sigisbaud, 36e évêque de Metz (720-741). Chrodegang, son successeur (742-766) y déposa en 765 les reliques de Saint Nabor, officier romain martyrisé en 303. La jeune abbaye adopta alors le nom de Saint-Nabor et la bourgade qui avait commencé à se former alentour prit naturellement le même nom.

Angelram, 38e évêque de Metz (768-791), dota l’abbaye de grands biens et construisit une nouvelle église abbatiale, inaugurée en 792. Cette église fut reconstruite, vers l’an 1500, par l’abbé Adam de Roupeldange, puis agrandie au début du XVIIe siècle, avant d’être rasée pour faire place à l’église abbatiale actuelle, édifiée de 1755 à 1769. Les bâtiments claustraux avaient été entièrement reconstruits au cours de la période 1720-1740. Bâtis en U, ils étaient raccordés à la façade sud de l’église, sur le transept et sur le vestibule. Le palais abbatial, édifié à la même époque, formait l’aile nord de l’ensemble.

Le toponyme Saint-Nabor subit des déformations au cours du temps pour devenir au XlIJe siècle Santerfor (en francique local), que les évêques de Metz transcrivaient en Saint-Avaux, dans leurs écrits en français. I.’orthographe Saint-Avold s’imposa finalement à partir de 1750.

La discipline monacale se relâchant au fil du temps, des réformes s’avérèrent nécessaires, notamment en 1512, quand l’abbé Adam de Roupeldange fit appliquer la réforme dite de Bursfeld, puis en 1607, avec l’affiliation de l’abbaye à la congrégation lorraine de Saint-Vanne-et-Saint-Hydulphe, par l’abbé commendataire Jean des Porcelets de Maillane (1582-1624), par ailleurs fondateur de Porcelette.

À la Révolution, l’abbaye cessa son activité en mars 1790, suite à la suppression des ordres monastiques. L’église abbatiale, devenue bien national, fut échangée contre l’église paroissiale Saints-Pierre-et-Paul, conformément au décret du 10 septembre 1792. Elle fut ainsi sauvée d’une probable destruction. Les bâtiments claustraux, vendus à des particuliers en 1798, furent en partie détruits.

L’église subit de graves dommages lors du bombardement du 9 novembre 1944. Sa structure demeura cependant intacte, preuve de la solidité de la construction.

Les travaux de remise en état s’étendirent jusqu’en 1971. Les grandes orgues furent reconstruites en 1987. Quant au chœur, il a retrouvé son éclat en avril 2010, après la restauration d’ampleur entreprise par la ville. L’église est inscrite sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1930. Certaines œuvres d’art qu’elle contient sont classées parmi les monuments historiques.

L’église : caractéristiques et architecture

Construite en grès bigarré des anciennes carrières de Saint-Avold, l’église, orientée selon la tradition chrétienne, retient l’attention par sa haute toiture d’ardoises, sa massive tour-clocher et ses deux élégantes tours à bulbes et lanternons, qui enserrent le chevet. Sa longueur est de 67,5 mètres et sa largeur au transept, de 28 mètres. Le faîte de la couverture de la nef est situé à 30 mètres au-dessus du dallage, tandis que la tour-clocher culmine à 45 mètres et la tour nord du chevet, à près de 53 mètres.

De type église-halle (d’inspiration gothique), au transept à peine marqué, l’édifice est construit selon un plan proche du plan basilical (d’inspiration romane) en s’inscrivant dans la pure tradition du classicisme en vogue au XVIIIe siècle. Les couvertures des trois tours relèvent cependant de l’art baroque, de même qu’une part du décor intérieur.

Le classicisme apparaît clairement sur la tour-clocher. Celle-ci, construite hors œuvre mais parfaitement intégrée dans les bâtiments de l’abbaye, fait fonction de façade principale. Sa partie inférieure, qui comporte le portail donnant accès au vestibule, est décorée d’un ordre ionique. Un ordre composite est construit au second niveau, tandis qu’un ordre corinthien orne le niveau supérieur. Ce dernier abrite l’horloge datant de 1903, ainsi que la sonnerie de cinq cloches dont le bourdon de 6 tonnes, coulé en 1920. Une grande corniche assure la transition du plan carré des deux premiers niveaux au plan octogonal du troisième.

L’inscription en latin qui figure au-dessus du portail, rappelle que cette église a été « reconstruite par les fils de saint Benoît au milieu du XVIIIe siècle ». La niche du second niveau abrite, depuis 1898, la statue dite « La Foi », réalisée en 1766 par le sculpteur namurois Pierre François Le Roy (1739- 1812). Elle provient de l’ancien portail classique de la cathédrale de Metz, édifié de 1764 à 1766 par l’architecte du roi, Jacques François Blondel (1705-1774) et remplacé par le portail néo-gothique actuel de Paul Tornow (1848-1921), achevé en 1903. Sa compagne, dite « l’Espérance» orne la façade de la basilique Notre-Dame de Bon-Secours.

Le classicisme se retrouve à l’intérieur de l’édifice avec ses grandes baies en plein cintre et son réseau d’arcs doubleaux, également en plein cintre. Ceux-ci reposent sur les chapiteaux corinthiens des colonnes galbées et des pilastres des parois latérales. La nef à trois vaisseaux est divisée en quatre travées. Le vaisseau central est couvert d’une voûte en berceau. Quant au couvrement des collatéraux, il est formé alternativement de voûtes d’arêtes et de petites coupoles sur pendentifs. La croisée du transept est couverte d’une grande coupole sur pendentifs. Le chœur, formé de deux travées, s’achève par une abside semi-circulaire.

Le décor intérieur

Le chœur.

La statue de saint Nabor (1), officier romain martyr, patron de la paroisse, est placée dans la grande niche axiale. Les boiseries, constituées de lambris chantournés et de 42 stalles, sont l’œuvre du sculpteur Jacques Gounin, longtemps actif dans la région, notamment à Sarrebruck et à Deux-Ponts. La toile peinte, enchâssée à droite, représente l’Assomption (2). Elle est attribuée au Naborien Joseph Melling (1724-1796), qui s’est illustré essentiellement à Karlsruhe et en Alsace. En face de celle-ci figure, depuis le 30 avril 2010, une représentation du Christ en croix (3), réalisée sur le modèle d’une œuvre de Van Dyck et attribuée à Jean-André Rixens (1846-1925). Cette œuvre remplace la Résurrection du Christ, également attribuée à Joseph Melling, mais disparue durant la dernière guerre.

L’ensemble est dominé par une grande « gloire » (1) avec ses rayons dorés et ses nuages en stuc d’où se détachent des angelots. Au centre figure un cœur transpercé, serti d’une couronne d’épines. Il s’agit du Sacré Cœur de Jésus. La partie supérieure de ce motif monumental, de surface sensiblement équivalente, a malencontreusement été éliminée lors de la restauration d’après-guerre.

Le transept.

À droite, au-dessus de l’autel de la Vierge, figure le calvaire en bois polychrome (4), d’inspiration rhénane, réalisé vers l’an 1500. Le Christ en croix est entouré de la Vierge et de l’apôtre Jean. Les quatre branches de la croix sont terminées par des éléments en forme de quadrilobe, portant chacun le symbole d’un évangéliste: Jean au sommet, Marc à la base, Matthieu à gauche et Luc à droite. La croix porte l’inscription 1624, en mémoire de l’abbé commendataire (1607-1624) et grand bienfaiteur de l’abbaye, Jean des Porcelets de Maillane, 80e évêque de Toul, mort cette année là. Le baptistère gothique (5) provient de l’ancienne église paroissiale Saints-Pierre-et-Paul. Au-dessus de l’autel de gauche, la statue de saint Nicolas (6), restaurée en 2003, est probablement celle acquise en 1773 par la corporation des bouchers, pour orner l’autel dédié à ce saint, dans l’église paroissiale d’alors. La niche de l’autel sud est ornée depuis 2012 d’une statue de la Vierge du XVIIIe siècle. À l’entrée du chœur, se trouve le socle de la chaire à prêcher (7), élaborée en 1925 par la maison Boehm de Mulhouse et réduite à l’état de ruine par le bombardement de 1944. Il y figure les symboles des quatre évangélistes: l’aigle (Jean) perché sur l’épaule de l’homme ailé (Matthieu) aux pieds duquel figurent le lion (Marc) et le bœuf (Luc).

La nef.

À l’arrière du collatéral nord se trouvent deux monuments de la fin de l’époque gothique (8), provenant de l’ancienne église paroissiale Saints-Pierre-et-Paul : le retable de la Vierge, datant des années 1460 ainsi que la Mise au tombeau monumentale, réalisée vers l’an 1500. Cet ancien retable évoque l’Annonciation, la Nativité, la Dormition et l’Assomption. Quant à la Mise au tombeau, de type bourguignon, mais d’influence rhénane, elle présente quatre événements de la passion du Christ, le thème central étant sa mise au tombeau par Joseph d’Arimathie et Nicodème, dans la bonne tradition iconographique médiévale. À proximité immédiate de ces monuments figure un confessionnal de style rocaille, sorti en 1912 des ateliers du sculpteur colmarien Théophile Klem (1849-1923), par ailleurs réalisateur en 1910 de l’actuelle tribune d’orgue. Le lieu de dévotion, aménagé à l’arrière du collatéral sud (9), regroupe des statues de la fin du XIXe siècle (la Sainte Famille et saint Antoine de Padoue) ainsi que la statue de saint Joseph, réalisée en 1961 par le sculpteur naborien Helmuth Muller (1910-1989).

Le vestibule.

Occupant la base de la tour-clocher, le vestibule donnait accès au cloître, comme en témoigne la porte encore en place aujourd’hui. La dalle funéraire d’Adam de Roupeldange, abbé de Saint-Nabor de 1484 à 1514, ainsi qu’une représentation de Dieu le Père, y figurent depuis les années 1960. Ces éléments proviennent de la crypte de l’église, lieu de sépulture habituel des religieux.

Les grandes orgues.

(10) Construites en 1770-1771 par le facteur vosgien Barthélemy Chevreux, elles font corps avec le buffet sculpté en 1769-1770 par Jacques Gounin, auteur également des boiseries du chœur et de la grande porte d’accès à la nef. L’instrument comporte 39 jeux actionnés par une console à 4 claviers (grand-orgue, positif, récit, écho) et un pédalier. Reconstruit en 1987 par Yves Koenig, il est accordé au diapason ancien (la) à 392 Hz), dans la pure tradition du XVIIIe siècle.

Les vitraux.

Ils sont l’œuvre de l’artiste peintre et maître verrier d’art naborien, Arthur Schouler (1927-1984). D’une surface de verre totale de 420 m2, ils furent réalisés de 1968 à 1971, en remplacement des vitraux provenant des ateliers Franz Xaver Zettler de Munich, mis en place en 1910 et soufflés par le bombardement de 1944. Ces verrières modernes s’inscrivent harmonieusement dans le décor de l’édifice.

Pascal Flaus, archiviste de la Ville André Pichler, Société d’Histoire du Pays Naborien Photos : © André Pichler