Altviller ancien fief épiscopal de l’avouerie Saint-Nabor.
Extraits du livre éponyme de l’abbé Joseph COLBUS
Moyen Âge et Ancien Régime
Le nom “Altviller”apparait une première fois en 1221 dans un acte de donation d’une chapelle d’Altviller en faveur de l’abbaye de Wadgassen. Au Moyen Âge, les évêques de Metz détenaient d’importantes terres dans les environs de Saint-Avold et de Hombourg (et encore ailleurs bien sûr) : c’est ce qu’on appelait le “temporel de l’ évêché”. Pour protéger ces terres contre les ambitions d’autres Seigneurs, l’évêque de Metz Jacques de Lorraine fit construire en 1254, sur la colline escarpée de Hombourg, un château fort dont la défense incombait aux Chevaliers épiscopaux d’Altviller, de Barst, de Betting, de Hellering, de Folkling et de Remsingen. En récompense, ceux-ci se voyaient attribuer un petit fief (en allemand “Lehen”). Aux chevaliers d’AltvilJer, échurent les localités d’Altviller, de Holbach et la ferme dite “Leyvillerhof”. C’est ce qu’on appelait le “Fief d’Altviller”, parfois aussi le “Fief de Holbach”. Par la suite cependant, ces deux dernières possessions (Holbach et le Leyvillerhof) furent détachées et vendues séparément. Altviller faisait donc anciennement partie de la Seigneurie épiscopale de Hombourg-Saint-Avold.
En 1572, le cardinal évêque Charles de Lorraine céda la plus grande partie de l’avouerie à son neveu Henri de Lorraine Guise, prince de Phalsbourg-Lixheim, et une autre partie en 1581. Mais ni les fiefs relevant de ce château (Altviller, Hellering, Holbach, Barst, Bettîng, Erstroff, Frémestroff, Léning, la ferme de Remsingen), ni les biens réservés à l’abbaye de Saint-Avold (Porcelette, et en partie Folschviller et Lelling), ne seront cédés, mais resteront compris dans le Temporel de l’évêché, avec lequel ils passeront, en 1648, par le traité de Westphalie, sous la souveraineté de la France.
Donc, ces localités n’ont jamais appartenues au Duché de Lorraine, comme la plupart des autres villages. Altviller appartiendra jusqu’au moment de la Grande Révolution au bailliage, jadis épiscopal, de VIC.
La Justice seigneuriale.
Le premier document (sur parchemin) qui nous parle du droit de Justice sur le ban d’Altviller, est daté du 12 Janvier 1503.
Ce document se réfère au passé pour revendiquer ce droit: « Au ban d’Altviller, il y a eu de grande ancienneté une haute justice pour y faire exécution des personnes criminelles. Le signe de la haute justice, par faute ou négligence de le réparer, est allé en pourriture ». Sur la demande des héritiers de Guerlach de Volkrange, requête présentée par Henri et Jean Geburchin, l’évêque de Metz, Henri de Lorraine accorde l’autorisation pour faire ériger à nouveau le signe patibulaire de la haute justice, tout en se réservant le droit de grâce.
Les documents emploient les noms suivants pour désigner le signe de la haute justice : gibet, potence, signe patibulaire ou simplement la Justice, en allemand: “Galgen”, d’où le nom “Galgenberg” (“côte de la Justice”). Il était érigé sur ]a hauteur près du bois “Lebbusch”.
En dehors de ce droit de haute justice, les Seigneurs avaient aussi le droit de moyenne justice et de basse justice, dont les symboles étaient: le pilori (Schandpfahl ou Schandsaiile), le carcan (Halseisen) et le cep (Geissel), avec droit de flagellation, fustigation, marque au fer chaud, mutilation de membres, bannissement, confiscation des biens, condamnation à des peines pécuniaires d’au moins 6 francs, etc.
La justice était rendue par le tribunal local, qui se composait des gens de justice, c’est-à-dire : le maire, le maitre échevin et l’échevin de justice. Quelques exemples de délits : avoir prononcé des paroles injurieuses, avoir planté un piquet au bord du grand chemin dans le but de “rallonger son champ”, pour avoir amené en cachette un cheval au village et l’avoir revendu. Le texte énumère d’autres délits, mais difficiles à déterminer, car l’écriture est presque illisible. Les amendes varient entre 6 et 16 Gulden (florins). Avec l’argent des amendes, le Maire devra payer les frais pour l’érection du gibet aux charpentiers et aux hommes qui les ont aidés et en outre un demi tonneau de vin.
« Les Seigneurs en commun d’Altviller ont dans la ville de Saint-Avold, une grande maison franche et noble, et une prison dans un rocher, où les Seigneurs d’Altviller sont en droit d’y faire mener leurs prisonniers avec gens armés, soit de jour, soit de nuit. La ville est obligée de leur laisser libre entrée et sortie et de laisser transporter ou mener par leurs terres, sur le terrain des Seigneurs d’Altviller, les prisonniers pour là être jugés, brûlés, pendus ou autrement punis, suivant leurs mérites ou ordonnés ce que chaque Seigneur haut justicier est en droit de faire. Le village d’Altveiller est aussi libre de tous impôts; étant situé dans l’Empire et il est fief héréditaire, relevant de l’évêché de Metz ». Signatures : Wendefinus Hetzelin (ou Hetzelinus) en présence de Friedrich Metzgers, Pflugwirt et de Adam Steinmetz, bourgeois de Saint-Avold.
La sorcellerie dans la région de Saint-Avold.
À l’article 20 du plaid-annal de 1665, nous lisons ce passage : « Si quelqu’un est sorcier, voilà dehors le lieu de la justice, où on doit planter un piquet et l’attacher après pour le brûler selon la sentence ».
On ne peut donc passer sous silence ce phénomène de la sorcellerie qui régnait dans presque tous les pays d’Europe, surtout à la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle. Qu’en est-il de notre région de Saint-Avold pour la sorcellerie ? Ce sujet a été traité par Henri Hiegel dans son livre “Bailliage d’Allemagne”. Nous en avons tiré les détails suivants :
« Des exécutions de sorcières eurent lieu en 1586 à Petit-Ebersviller et Saint-Avold, en 1590 à Hombourg et Saint-Avold. En 1594, on brûla à Saint-Avold 7 personnes; en 1597 à Macheren, Hombourg et Saint-Avold 14 personnes. En 1609 à Lachambre et à Hombourg une femme et un homme, en 1610 à Lachambre un homme pour sortilège et crime contre nature, en 1611 à Valmont 1 homme et à Saint-Avold 2 hommes et une femme, en 1612 et 1613, 6 personnes à Saint-Avold. En 1613 un habitant de Valmont, Bernard Haffner, est exécuté par le feu pour sortilège.
En 1630 et 1631, une vraie vague de sorcellerie secoua la châtellenie de Hombourg - Saint-Avold. Plusieurs furent enfermés au château de Hombourg, dans la chambre de la tour dite “Hexenturm”, proche de la chapelle; en 1631, plusieurs personnes de Hoste, de Barst ou de Saint- Avold, furent brûlées dans cette dernière ville. Au total, dans l’Office de Hombourg-Saint-Avold furent exécutés entre 1580 à 1632: au total 26 hommes et 31 femmes dont les noms sont connus, mais il est à peu près sûr que le chiffre réel est plus élevé ».
En ce qui concerne Altviller, on ne trouve aucun nom de personne exécutée sur le gibet ou brûlée pour sorcellerie, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de cas de ce genre.
Comment expliquer cette vraie épidémie de procès de sorcellerie ? « Elle est due en grande partie aux catastrophes politiques et militaires, au pillage des soldats de passage, à l’angoisse collective, à l’affaissement de la vie sociale, à la misère surtout à la campagne, aux épidémies, à la convoitise du bonheur du prochain., à la haine anti-religieuse et à la survivance du paganisme. Mais à côté de gens frustres, le grand responsable de cette crise était sans doute Nicolas Rémy, procureur général de la Lorraine de 1591 à 1609, qui était convaincu de rendre service à la société en envoyant lui-même plus de 800 sorciers et sorcières au bûcher et certains de ses successeurs ». . La Guerre de Trente Ans, qui déferla sur le Duché de Lorraine en 1633, mit fin aux jugements de sorcellerie dès la fin de l’année 1634 dans le bailliage d’Allemagne.
La guerre de Trente Ans.
Nous lisons dans la Vie de Saint Vincent de Paul, par J. Calvet, le passage suivant : « La malheureuse terre de Lorraine, théâtre millénaire des invasions et des grandes batailles, a été à ce moment-là déchirée, foulée aux pieds et brûlée ».
La Lorraine fut ainsi ravagée de 1620 à 1645, mais surtout à partir de 1635. Puis ce fut le tour de l’Artois, de la Picardie, de la Champagne et de l’Ile-de-France. La campagne est piétinée par les Impériaux et les Français, les villes et les villages sont pris, abandonnés et repris. Aux excès commis par les deux partis, il faut ajouter que chacun emploie des mercenaires : Hongrois, Croates, et surtout les Suédois, « cent fois plus cruels que les Huns d’Attila ». Ils sont mal payés ou pas du tout; aussi vivent-ils sur le pays, rançonnant les paysans, enlevant le bétail, brûlant les fermes. La terre n’est plus cultivée, les vivres manquent, la famine s’installe; avec la famine viennent les épidémies. Prises de peur, les populations s’enfuient dans les bois pendant que les villages flambent. On broute l’herbe, on se nourrit d’un pain fait de paille hachée et de terre qui donne des maladies mortelles. Il faut se défendre contre les loups affamés et contre les cannibales, plus redoutables que les loups, qui font la chasse à l’homme, la chasse aux enfants. Tout ceci n’est pas une vision d’imagination détraquée par la faim et par la peur. Le Père Caussin dit : « Les malheurs de la Lorraine ont dépassé ceux de Jérusalem pendant le siège et sa destruction en l’année 70 après Jésus-Christ ». . Qu’en est-il de notre région durant cette période ? Jusqu’en 1635, le pays n’eut pas trop à souffrir de cette situation, la guerre se faisant ailleurs. C’est durant cette période que fut construit le Couvent des Religieuses bénédictines à Saint-Avold: entre 1631 et 1633.
Mais la situation changea à l’arrivée des troupes suédoises en 1635. Voici ce que nous pouvons lire dans un document de Saint-Avold : « Un ennemi terrible avait paru en Lorraine, mettant tout à feu et à sang et ne respectant ni la propriété ni la vie des habitants. Effrayées d’un danger imminent, les Religieuses du Couvent demandèrent à Mgr l’évêque de Metz la permission de venir se réfugier à Metz dans sa ville épiscopale. Mais déjà des défenses avaient été faites, sous les peines les plus sévères, de recueillir aucun étranger de la ville, et Mgr leur fit connaître l’impossibilité où il se trouvait d’accorder leur demande ». Elles se réfugièrent ailleurs, car elles revinrent à Saint-Avold en 1639.
Quelques détails sur la situation dans notre région, d’après les écrits de deux hommes qui en furent les témoins : Don Cassien Bigot, prieur du Couvent de Longeville, et Etienne de Henin, moine coadjuteur du même Couvent. Don Bigot note dans son “Journal” :
Année 1637 : « La misère continue à être si extrême partout, que beaucoup de gens sont morts de faim; on se nourrit de charogne et de bêtes mortes. Beaucoup sont morts de froid dans les forêts où ils s’étaient réfugiés pour échapper à la soldatesque. Aussi les villages ne sont habités que de fort peu de gens, si hâves et défaits qu’on les prendrait pour des squelettes. Il n’y a plus ou presque plus d’animaux pour cultiver la terre, ni d’hommes pour les conduire, ni de blé pour ensemencer ».
Année 1638 : « En un autre village proche de Saint-Avold, le maire ayant été tué par un coquin, celui-ci l’éventra pour en faire curée, à cause de la rage de la faim qui est terrible ».
Etienne de Henin, moine coadjuteur de Longeville, étant allé un jour à Folschviller, y trouva la femme de son ancien cocher, appelée Gertrude Sporch, mangeant la chair de son mari mort de faim. En ce qui concerne Altviller, on n’a pas d’autres renseignements que celui cité par le livre-terrier de 1687, dans l’introduction : « Les terres et prés du ban d’Altviller se sont remplis de haies et de buissons pendant la longue durée des guerres car elles avaient été abandonnées depuis 50 ans, à cause de la ruine et désertion dudit lieu, même du pays; en effet, les ancêtres des habitants actuels avaient été contraints de chercher leur pain ailleurs, en sorte qu’il est resté très peu de connaissance à qui appartiennent les pièces d’héritages ou les terres ».
On peut raisonnablement supposer, qu’une partie des habitants du village avait pu quitter le pays et certains ont pu revenir à la fin de la guerre. Par contre d’autres villages, environ une centaine, auront disparu complètement, dont on ignore et le nom et l’emplacement, du moins pour certains. D’autres villages resteront longtemps inhabités, par exemple Valmont qui est encore inhabité en 1680. Lors du remembrement du ban d’Altviller en 1687, on ne compte que huit familles.
Les temps modernes
La convocation des États Généraux et l’enquête qui devait les préparer firent naître quelques espoirs et donnèrent à la Communauté l’occasion d’exprimer ses désirs dans son Cahier de Doléances. À l’exception des deux derniers articles (18 et 19) concernant le Seigneur et le vicaire-résident, presque tous les autres articles sont copiés sur un cahier type ou modèle, dans lequel ont puisé la plupart des Communautés.
La Révolution de 1848 ne passa pas inaperçue à Altviller : quatre individus, voulant montrer en quoi consiste la liberté, insultèrent le vénérable Abbé Klein, déjà depuis 30 ans leur curé, et menacèrent de le tuer à coup de hache. Ces forcenés furent mis en prison.
À plusieurs reprises, au XVIIIe et surtout au XIXe siècle, les émigrations ont failli dépeupler nos villages lorrains. Le motif principal était la misère : le village trop peuplé pour un ban trop petit et aucune industrie. Les émigrations pour le Banat (Hongrie), déclenchées vers 1736, se prolongeront jusqu’à la Grande Révolution. En 1770, elles atteignirent les proportions d’un véritable exode : plus de 700 familles avec un total de 2 000 personnes sont recensées en avril à l’Ambassade de France à Vienne. Pour Altviller, nous connaissons les familles suivantes parties en 1764 : Mathis Christian, tisserand (4 personnes), Kraus Guillaume et Tinnes Jean. En 1803, Bartels Louis, paysan (5 personnes) part à son tour. . La situation économique entre 1840 et 1860, puis l’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1871, décidèrent des milliers de Mosellans à aller chercher fortune ailleurs, même en Amérique. De ces émigrants, plus de 35 000 vivaient encore aux États-Unis en 1919. Pour certains, le motif pouvait être le mirage du Nouveau Monde, mais pour la plupart, c’étaient des raisons économiques qui furent à l’origine de leur départ. Pour ne citer que cet exemple de la veuve Kritter d’Altviller qui va au cimetière faire ses adieux à son mari qui y repose, et qui dit en pleurant : « Je me vois dans l’obligation de quitter notre pays, avec huit enfants sur neuf, car ici je ne trouve plus de pain pour les nourrir ». Au total environ 25 personnes d’Altviller émigrèrent vers l’Amérique.
L’église d’Altviller, bénite le 12 novembre 1809 par Jean Harter, curé de Lachambre et la statue de Notre-Dame d’Altviller, bénite le 28 mai 1879 par Mgr Dupont des Loges, évêque de Metz.
Le XXe siècle
La première guerre mondiale.
Quand l’état de guerre est proclamé, ordre est donné de tuer tous les pigeons voyageurs qui ne portent pas la bague des armées allemandes; un tribunal de guerre est institué: pour le Canton de Saint-Avold, les rassemblements sont interdits, la censure est établie, les vélos sont interdits, de même l’approche des gares, des voies ferrées, des ponts et bâtiments publics, etc.
Le 31 Juillet 1914, on commence à réquisitionner les chevaux, et le 1er août, c’est le rappel individuel de certains réservistes. Il y a des soldats qui viennent en cantonnement au village; les ponts sont gardés; pour aller à Saint-Avold et à Valmont, il faut un laissez-passer, valable pour un jour seulement.
Le soir du 1er août, le garde-champêtre annonce officiellement : « Le Kaiser a déclaré la Mobilisation pour le 2 août ». Que doivent penser les gens et surtout les enfants ? Chaque année, pour le 27 janvier, ils avaient chanté des chants et récité des poèmes qui avaient pour titres « Der Kaiser ist ein guter Mann » - « Der Kaiser ist ein Freund des Friedens » - « Er ist zum Vorbild zu nehmen » etc.
Vers la mi-août a lieu première attaque près de Morhange : on entend le bruit de la canonnade pour la première fois, jusqu’au village. On annonce la victoire allemande le 16 août. Le 22 août, coups de fusils pendant la nuit, près de la voie ferrée entre Folschviller et la gare de Saint-Avold. On croit avoir affaire à des saboteurs : une enquête est faite à Altviller, Valmont et Folschviller. L’officier responsable parle de prendre des otages, si ces faits se renouvellent. Après enquête, il est établi que c’étaient les soldats eux-mêmes, chargés de la surveillance de la voie ferrée, qui s’amusaient à tirer sur les lièvres et les chevreuils.
Les enfants des écoles eurent souvent congé pour toutes sortes de raisons : ramassage de faînes (fruits du hêtre) pour faire de l’huile, des fruits de l’églantier blanc pour faire du café, des noyaux de quetsches et de cerises; des orties, des feuilles d’arbres vertes pour les chevaux. Dès l’été 1915, il est permis aux enfants de venir à l’école pieds nus, pour économiser les chaussures. Inutile de parler des réquisitions d’animaux et des fruits de la terre, suivies de perquisitions à domicile.
Vers 1917, on assiste à la réquisitions des objets en cuivre, en étain, en aluminium : c’est ainsi que les tuyaux d’orgue en étain sont confisqués et les cloches en janvier 1918.
La seconde guerre mondiale.
Plusieurs années avant la déclaration de la guerre en 1939, la France avait commencé à fortifier ses frontières par la construction de la ligne Maginot. En haut d’Altviller, sur le “Gähberg”, furent construits, juste avant la guerre, deux “Bunker” ou “Blockhaus” encore visibles, par les soldats qui logeaient dans un petit casernement sous forme de baraques en bois dans lequel logeaient environ 60 hommes. D’autres ouvrages fortifiés plus importants furent construits dans les prairies près de la Nied, dont un grand se trouve sur le ban d’Altviller dans le lieudit “Prinzenwald”. Le cours de la Nied fut régularisé et approfondi, surtout près du pont de la route, pour servir comme obstacle aux chars, grâce aux rails fixés en terre près de la “Heiligenwies”.
Les habitants eurent comme un avant-goût de ce que pouvait être la guerre s’ils restaient sur place. En effet, nous lisons dans le journal “Le Lorrain” du 20 août 1937 : « Les soldats de la ligne Maginot se trompent : une vingtaine d’obus tombent sur Altviller-les-Saint-Avold : l’église et plusieurs maisons sont endommagées ». Le garde-champêtre était passé à plusieurs reprises dans le village pour annoncer qu’un tir d’artillerie avec obus d’exercice aurait lieu dans la matinée du 17 août et qu’il serait suivi le lendemain d’un tir réel. Défense était faite aux habitants de se rendre dans les champs. Sur quoi le matin du 17 août, les gens sont restés chez eux, sauf les mineurs qui se rendaient à leur travail. Les paysans qui étaient restés chez eux continuèrent à battre leur récolte et tout le monde vaquait à son travail habituel lorsque subitement, vers 9 heures du matin, des sifflements stridents se firent entendre. Des obus, heureusement non explosifs, fusèrent à toute volée sur le village et dans les champs et jardins. Les gens d’Altviller se précipitèrent dans la rue pour commenter l’événement : fatale imprudence de leur part car les obus de 75, même non chargés, peuvent vous laisser des traces qui ne s’effacent pas de sitôt… Et les obus durant tout ce temps continuaient à foncer dans les toits, d’autres à s’égarer dans les champs tout proches; un obus tomba en plein milieu de l’église après avoir fracassé un vitrail.
Le Maire d’Altviller, Pierre Bour, ne perdit pas son sang-froid ; il téléphona aussitôt aux autorités militaires qu’elles veuillent bien cesser de leur prodiguer cette manne céleste peu goûtée, on le devine, de ses admonistrés. Et bientôt le tir s’arrêta. Les obus étaient tirés des environs de Biding ou de Vahl-Ebersing. Après cette escarmouche qui s’est heureusement terminée sans accident de personnes, les gens d’Altviller ont inspecté leurs immeubles et quelques-uns ne furent pas peu surpris en constatant que des engins avaient pénétré chez eux. L’église a été le plus sérieusement atteinte. En effet, un obus a pénétré par un vitrail, arrachant ce dernier avec tout le grillage, puis est venu s’échouer au banc de communion qu’il a endommagé.
Situé en avant de la ligne Maginot, Altviller est du nombre des localités de la Moselle qui reçoivent l’ordre formel d’évacuer le village pour le 1er septembre, donc 2 jours avant la déclaration de la guerre à l’Allemagne. L’ordre est donné de n’emporter comme bagages que le strict nécessaire. Le cœur gros, femmes et enfants, s’entassent sur des voitures, au nombre de huit seulement, tirées chacune par deux chevaux, et à raison de dix à quinze personnes par voiture. Les hommes valides marchent à pied, les jeunes suivent à bicyclettes. Une dizaine d’hommes, qui n’étaient plus mobilisables, sont chargés de chasser le gros bétail (vaches, veaux et génisses) à travers champs jusque vers Guesslîng. Ce n’était pas une mince affaire; plus d’un veau ou d’une génisse se noyèrent dans la Nied. Un autre groupe d’hommes était désigné comme “Ortswache”, c’est-à-dire gardiens des maisons contre les pillards et ils étaient aussi chargés de nourrir le petit bétail (porcs, lapins, volailles), en attendant de pouvoir les abattre pour les cuisines de l’armée, qui allait venir occuper les maisons vidées de leurs habitants.
Le départ du village commença le vendredi soir vers 19 heures, en direction de Vahl-Ebersing, par un beau clair de lune. Mais les routes étaient encombrées par des milliers de voitures venues de tous les coins de la région de Forbach. Premier encombrement dans la rude montée de Vahl-Ebersing, où l’armée dut même dépanner certaines voitures attelées de bêtes à cornes, qui avaient les pieds en sang par suite du long trajet depuis le pays de Forbach. Le voyage continua par Lixing, Lelling, Guessling jusque Viller, où l’on fit halte; et tout le monde campa en pleine nature ou dans des granges.
Le lendemain matin, le cortège de voitures se remit en mouvement vers jusqu’à Laneuveville, près de Delme. Deuxième nuit de campement en plein air. Le dimanche matin, ce cortège de voitures dut prendre un mauvais chemin des champs appelé, ô ironie ! “chemin de la Reine”, en direction de Chambrey, où l’on arriva pour y prendre le train.
Le village d’accueil prévu, Rouffiac, n’accueillit qu’une seule famille de quatre personnes qui était partie avec son auto particulière. Quelques familles de mineurs partirent à Saint-Étienne et quelques cheminots près de Saint-Dizier. Le gros du village, avec le curé et le maire,, s’installa à Cabourg.
En octobre 1940, quand les habitants d’Altviller réintégrèrent leur village, celui-ci présentait un aspect lamentable. Il était resté inhabité pendant 13 mois, à part l’occupation par la troupe. En outre, deux maisons avaient été détruites par un incendie, plusieurs autres endommagées par des obus, y compris le presbytère. Par contre, l’église était intacte. Dans la plupart des maisons, il n’y avait plus de fenêtres, l’installation électrique était arrachée et il n’y avait presque plus de mobilier. Ce qui manquait le plus les premiers jours, c’était la literie, la vaisselle, les aliments. Le peu qu’on avait emporté de la Normandie avait été consommé en cours de route. Aucun bétail, ni gros ni petit, à l’exception des rats et souris qui pullulaient. Pour le bois de chauffage, on récupéra les troncs d’arbres coupés dans la forêt ou ceux qui se trouvaient dans les 14 abris ou “blockhaus” éparpillés sur le ban. Dans le bois communal, environ 6 hectares d’arbres avaient été coupés, car ils gênaient le tir de l’artillerie.
Peu à peu la vie s’organisa. Le change de l’argent fut effectué à raison d’un Mark pour vingt francs . Au début, les autorités allemandes montraient de la sympathie envers “les citoyens allemands rentrés dans le giron de la mère patrie” ! Au printemps, les cultivateurs furent dotés de bons chevaux de trait pour les semailles; par contre, les vaches et génisses étaient de moindre qualité; beaucoup périrent de tuberculose ou de fièvre aphteuse. Le “Wiederaufbau” se mit à l’œuvre dans toutes les communes. Son travail consistait à embellir les villages en arrachant les vieilles maisons, mais sans les reconstruire. C’eS ainsi qu’à Altviller sept maisons furent démolies, mais ne furent reconstruites qu’après le départ des Allemands vers 1950.
Pour dompter certains Lorrains, connus pour être des “Dick-kôpfe” (têtes dures), on commença à faire des expulsions, d’abord vers la France puis en Allemagne. Certains, connus pour leurs sentiments anti-allemands, furent déportés dans des camps de concentration. Ce fut le cas de Léon et Nicolas Fenninger, Henri Kopp, Jean Matz, Joseph Senser, Michel et Lucien Thiel. Plus tard, d’autres furent déportés, parce que leurs fils s’étaient soustraits, en se cachant, au service militaire dans l’armée allemande.
Le jour de la Libération tant désiré arriva enfin le 28 Novembre 1944. (Saint-Avold avait été libéré le 27, Folschviller et Valmont le 26). Avant l’arrivée des Américains, tous les habitants valides, y compris les femmes et les jeunes filles, avaient été réquisitionnés pour creuser des fossés antichars, (“schantzen”), fossés qui ne servirent pas à grand chose, sinon à retarder de quelques heures l’avance des Américains, commandés par le Général Patton. Toute la vallée de la Nied, entre Folschviller et Altvîller, avait été transformée en un immense étang par l’eau d’un barrage artificiel qu’on avait ouvert.
A la Libération, le village ne souffrit pas trop de dommages : quelques maisons furent endommagées par des obus de mortier; de même deux obus endommagèrent la toiture de l’église et le plafond; les vitraux subirent des dommages, mais ils purent être réparés dans leur état primitif. La mise hors d’eau de la toiture fut faite rapidement en deux jours par tous les hommes du village bénévolement, pour éviter de plus grands dégâts par la pluie. Grande fut la joie d’être délivrés de ce cauchemar de la guerre et de l’occupation, sans trop de victimes. Seule une femme, Marie Senser-Philippe fut blessée au bras par un éclat d’obus tombé dans le parc derrière la Statue de la Vierge pendant qu’elle était à la fenêtre en train de vider une bassine d’eau. Comme partout ailleurs, avant l’arrivée des Américains, les gens s’étaient barricadés dans les caves des maisons. On eut à déplorer la mort d’un homme, Michel Gérard, qui travaillait comme cheminot à la gare de Saint-Avold : au moment d’un bombardement par avion sur le pont de la gare, il fut tué avec sept de ses camarades le 28 Septembre 1944; il était âgé de 43 ans.
Après la Libération, les autorités américaines nommèrent de suite comme Maire, Pierre Bour, qui exerçait cette fonction en 1940 avant l’arrivée des Allemands. Cette nomination fut confirmée plus tard par les autorités françaises.
Le monument aux morts surmonté de la statue de Jeanne d’Arc (photo) rappelle le souvenir des habitants d’Altviller qui ont perdu la vie au cours des deux conflits : six lors de la première guerre mondiale et neuf au cours de la seconde (dont cinq “Malgré-Nous” tombés sur le front est et trois morts dans les camps de Natzweiler-Struthof, Dachau et Buchenwald).
Les transformations du village
Jusqu’aux XIXe et XXe siècles, Altviller était un village de cultivateurs et d’artisans et, comme la plupart des autres villages, il se suffisait à lui-même. L’occupation principale des habitants était la culture, la petite culture faudrait-il dire, car si l’on fait abstraction des deux fermes seigneuriales et des terres appartenant aux couvents et hôpitaux, il ne restait plus guère de terre labourable pour les petits propriétaires. Ils étaient contraints de recourir à différents métiers pour nourrir leur famille. Malheureusement, le progrès de l’industrie ruina petit à petit ces pauvres artisans et, pour beaucoup, il ne resta plus que J’émigration.
L’une des dernières maisons lorraines traditionnelles d’Altviller. Celle-ci a été construite en 1815.
Entre les deux guerres mondiales, la situation économique commença à évoluer dans ce sens que beaucoup de journaliers et même des petits exploitants cherchèrent à trouver du travail à l’extérieur, comme c’était déjà le cas avant 1914, mais en plus petit nombre. Environ une dizaine travaillèrent comme cheminots à la S.N.C.F. et une vingtaine comme mineurs dans les mines de charbon de Merlebach.
Après la deuxième guerre mondiale, la situation changea encore plus rapidement surtout à partir de la mise en route du siège de Folschviller. Un certain nombre d’ouvriers partaient chaque jour pour Folschviller, d’autres pour Merlebach et à partir de 1960 environ, un certain nombre à Carling (Synthèse, Centrale Emile Huchet, etc.) Peu à peu, ceux qui avaient encore une ou plusieurs vaches les vendirent pour pouvoir transformer les écuries en garages pour autos et les greniers en chambres d’habitation : ce mouvement s’accentua surtout à partir de 1960.
Environ dix ans après la guerre de 1939-1945, un nouvel essor devint visible jusque dans nos communes rurales; d’une part par la transformation et la modernisation des vieilles maisons rurales, mais aussi par la construction de maisons neuves. Le premier à démarrer fut Jean Rouget, en 1954 au bord de la grande route; puis d’autres imitèrent son exemple. Certaines maisons anciennes ou des granges furent rasées et reconstruites à neuf, sans parler de celles qui furent simplement transformées. En résumé, de l’ancien village il ne reste plus que quelques maisons dans leur état primitif d’avant-guerre. La plupart des 571 habitants (chiffre de 2006) habitent dans un quartier qui n’existait pas il y a cinquante ans.
La légende de la Pierre Tournante
Dans les environs d’Altviller et de Vahl-Ebersing, se trouve une pierre tournante que la tradition rapporte à l’époque celtique ou du moins Gallo-Romaine. Cette pierre composée d’une roche dolomitique possédait un volume considérable. Elle est fort réduite maintenant et rien ne laisse supposer en la voyant les terribles souvenirs qui s’y rapportent.
Aujourd’hui, elle sert de limite aux communes de Vahl-Ebersing, Folschviller et Altviller.
Après la chute d’Alésia (Côte d’Or ) en 52 avant J.C. et la soumission de Vercingétorix, les druides et les prêtresse des Gaulois, nos pères, perdirent beaucoup de leur considération et ne tardèrent pas à être chassés de leurs mystérieuses retraites par leurs impitoyables vainqueurs. Ces derniers détruisirent en partie les forêts sacrées et sur leur emplacement bâtirent des temples à leurs idoles. Privés ainsi de leur autorité souveraine que leur accordaient les peuples, les druides durent se mettre au service de nouvelles divinités ou se retirer au fond des provinces dans la solitude. Là ils cherchèrent à attirer quelques épaves de ces guerres terribles qui venaient de mettre la Gaule sous le joug de Rome.
Plusieurs fois, il est vrai, du milieu de leurs retraites, ils soulevèrent contre leurs oppresseurs les tribus restées fidèles ; mais toujours vaincus, ils se soumirent et se dispersèrent. A partir de là commence la fusion définitive des Gaulois et des Romains. C’est également à cette époque, croyons-nous qu’une colonie de Gaulois, conduite par leurs druides s’établit sur les bords de la Nied, sur le territoire d’Altviller. Une ancienne prophétie d’une prêtresse renommée disait que les Gaulois trouveraient la fin de leur esclavage sur les bords d’un cours d’eau inconnu situé à l’est. Cette prophétie faisait-elle allusion à leur destruction par les barbares ou à leur conversion au christianisme ? On ne saurait le dire. Là, au milieu d’une épaisse forêt, ils trouvèrent les ruines d’un monument druidique, appelé “Pierre tournante, Pierre branlante” qui était formé de deux pierres placées l’une sur l’autre avec tant de précision et d’équilibre que la pierre supérieure pouvait osciller sous la moindre pression , mais sans pouvoir être déplacée. Cette pierre fut probablement laissée par une ancienne tribu celtique. Les Gaulois disposèrent ces pierres pour les sacrifices et leurs cérémonies religieuses, et, non loin de ce lieu, établirent leurs cabanes faites avec des troncs d’arbres et des branches entremêlées, reliées ensemble avec de la terre pétrie et de l’argile. La forêt reçut le nom de Drut, Drus, mot grec qui signifie chêne et qui est la racine du mot druide, druidique ou celte : Derw, dern, dru.
Si ces habitations primitives ne nous ont laissé aucune trace, il n’en est pas de même de la forêt dont une partie existe encore aujourd’hui. C’est le Bumstuden, un des bois communaux d’Altviller. Les peuplades germaniques qui s’établirent dans ce pays plus tard, désignèrent ainsi cette forêt dont le nom signifie bois sombre, épais, mystérieux, expression qui caractérise en tout point les sombres forêts druidiques. Cette colonie jouit pendant longtemps des bienfaits de la solitude et eut probablement peu à souffrir des différents passages des peuples ennemis. Les habitants vivaient du produit de la chasse et de la pêche et plus tard élevèrent quelques troupeaux dans les pâturages qui bordent la Nied. A cette époque, en dehors des voies romaines assez rares dans le pays, les routes devaient être peu nombreuses. On suivait volontiers le cours des rivières sur le bord desquelles se groupaient les populations. Un beau jour, les druides vinrent s’installer dans les environs de Téting, les Gallo-Romains y construisirent une villa regia (habitation vaste et solide). Ces derniers ne tardèrent pas à descendre dans la vallée et des communications nombreuses s’établirent alors rapidement entre les diverses populations.
Leurs mœurs, leur langage et leur religion même reçurent de notables transformations. Les riverains de la Nied commencèrent alors à construire des habitations en pierres dont les débris ont été mis à jour ces dernières années. Vers la même époque, des guerriers chrétiens, à la suite de leur chef, vinrent occuper la côte d’Altviller. Ils avaient combattu de part et d’autre et leur prince leur avait concédé le territoire de ce pays, depuis les “gorges de l’Enfer” (gare de Saint-Avold) jusqu’à la Nied. Après avoir défriché une partie de la forêt, ils construisirent une habitation vaste et solide (villa ou domus régia). Comme cette construction dominait toute la vallée de la Nied, elle reçut le nom d’Alta-Villa, villa ou demeure élevée et la côte s’appela Mons-Regius, d’où l’on a fait plus tard Kinigsberg, mot qui a la même signification. L’étymologie du mot Altviller indique clairement l’origine gallo-romaine de ce village.
On raconte qu’un moine du nom de Bénédict tenta de convertir au christianisme les habitants du lieu, mais ceux-ci, sans se montrer absolument hostiles tournaient chaque fois ses paroles en dérision. « Que ton Dieu, disaient-ils, fasse tourner la pierre de cet autel comme au temps où nos divinités régnaient seules au monde et nous croirons en lui ». Chaque fois Bénédict se retirait désolé de tant d’aveuglement et d’obstination et priait Dieu d’éclairer ces païens.
Un soir qu’il rentrait fatigué d’une longue course il rencontra au milieu de la forêt le seigneur d’Alta-Villa tout préoccupé et rêveur. « Seigneur Albéric, lui dit-il, les noirs soucis rident le front du courageux guerrier et son âme plie sous le fardeau de sombres pensées. - C’est vrai, noble moine, mais comment ne pas s’effrayer de l’esprit qui anime ces païens ? J’ai fait établir sur la limite de mes domaines une croix de bois, mais les infidèles à plusieurs reprises déjà sont venus la renverser. Ma patience est lasse… - Dans quelques jours, reprit le moine, ce sera Vendredi-Saint; faites ériger sur cette colline qui se trouve en face de votre demeure, une nouvelle et grande croix. Je la bénirai au nom du Seigneur en présence du petit groupe de chrétiens. - Cela sera, dit Albéric, mais malheur à celui qui la touchera ».
Les païens eurent connaissance de la démonstration que préparaient les chrétiens et ils avaient résolu de lui opposer la solennité d’un grand sacrifice en l’honneur de leur dieu Hésus. Le Vendredi-Saint, jour fixé pour la fête arriva. Pendant que sur la petite colline, le missionnaire parlait de la passion du Christ, aux fidèles groupés autour de la croix, un peu plus loin près de la forêt, les druides, revêtus de leurs insignes sacrés, réunissaient autour de la pierre tournante les adorateurs des dieux païens. Ils suppliaient leurs divinités de manifester en ce jour leur puissance, en leur offrant des sacrifices. Soudain, l’immense pierre se mit à tourner et se leva graduellement dans les airs. Les païens chantèrent des hymnes à la gloire de leurs dieux puissants. Tous se prosternèrent, baisèrent la place où se trouvait la pierre et se déchirèrent le corps avec des galets aiguisés; tous ces gestes étaient accompagnés de cris de joie et d’imprécations.
Pendant ce temps, les chrétiens de leur côté, firent entendre des chants et des hymnes en l’honneur de la Croix. Celle-ci à son tour s’éleva dans les airs ! Voyant cela, les démons cachés dans la pierre, en sortirent avec fureur, en répandant une forte odeur de soufre. Alors la pierre, abandonnée à elle-même, tomba lourdement à terre, et dans sa chute écrasa plusieurs de ses adorateurs. A la vue de ce phénomène insolite, tous les païens, saisis de terreur, s’enfuirent.
Pendant ce temps, sur la colline, près de la croix, on continuait à chanter des hymnes chrétiens. Tout à coup, la pierre se mit à tourner de nouveau, eIle se souleva doucement, et ceux qui se trouvaient dessous se relevèrent lentement sains et saufs.
Ce druide et ces quelques païens furent bientôt les plus fervents d’entre les chrétiens, et par leur exemple, ils convertirent peu à peu tous les habitants du lieu.
Il y a peu de temps encore, le vendredi-saint, on envoyait les naïfs du village pour observer la pierre se soulever et tourner sur elle-même pendant la sonnerie de l’Angélus de midi, or tout le monde sait que le vendredi-saint les cloches sont muettes.