Fêtes et Traditions (par Pascal Flaus)

Noël d’antan

L’Avent

Nos Ancêtres accordaient à la fête religieuse de Noël ou “Chrichdaa” une importance primordiale. Noël était précédé d’une période de réflexion et d’introspection spirituelle, de jeûne et d’abstinence : l’Avent du latin “Adventus Domini “ qui veut dire “attente de notre Seigneur”. Cette période du calendrier liturgique fut fixée définitivement en 1570 par le pape Pie V à quatre dimanches précédant Noël et non six comme l’exigeait la tradition au Moyen Âge, qui faisait débuter l’Avent au 11 Novembre, fête de la Saint Martin. Jusqu’au concile Vatican II, l’Église ne célébrait pas de mariages durant cette période, et toute activité ludique était proscrite.

Ce message, d’attente et de préparation spirituelle, est symbolisé par la couleur liturgique violette, également utilisée au temps de Carême. Des messes, appelées “Rorate Messen” sont célébrées le samedi matin au lever du soleil, dans une église seulement illuminée de bougies en l’honneur de la Vierge Marie. On y chantait l’hymne à la Vierge Marie “Rorate caeli” (chant 3).

Ces traditions religieuses séculaires ont été enrichies de nouvelles coutumes venues des pays protestants. La couronne de l’Avent formée de quatre bougies, est une tradition venue de Hambourg en Allemagne du Nord, imaginée en 1839 par Johann Heinrich Wichern un pasteur protestant, fut acceptée tardivement par l’Église catholique dans les pays germaniques (Allemagne et Autriche) dans les années 1930. La couronne était garnie de trois bougies violettes, et une de couleur rose pour le dimanche “Gaudete”. Dans beaucoup d’églises d’Allemagne, elle est bénie. Elle se diffusa de Sarre, en Moselle-Est par le truchement des marchés de Noël dans les familles catholiques à partir des années 1970.

Une veillée de Noël au milieu du XIXe siècle

Jusqu’au 24 décembre inclus, nos ancêtres pratiquaient un jeûne en s’abstenant de manger de la viande avant la messe de minuit. Il n’y avait pas de réveillons particuliers. La journée du 24 décembre, veille de Noël était tout à fait ordinaire avec des travaux de préparation des fêtes de Noël par les adultes. Dans la soirée, les familles se réunissaient autour de la cheminée de la pièce principale. Dans la région de Bouzonville, on rajoutait trois chaises symboliques pour que Marie, Joseph et l’enfant Jésus puissent venir se chauffer. On pouvait consommer dans la soirée, une soupe, un met léger déguster des biscuits de Noël ou boire du vin chaud à la cannelle. Jeunes et adultes veillaient jusqu’à 11 h 30, heure de départ à la messe de minuit. Au préalable, le père de famille bénissait avec de l’eau bénite et du vin, une bûche de bois de noisetier choisie durant l’été, appelé “Christbrand” qui, brûlée dans la cheminée, devait se consumer dans l’âtre. Ces cendres étaient ensuite réparties aux quatre coins de la maison, dans les champs pour protéger animaux et cultures des mauvais esprits et des sorciers. Les paysans mettaient un sac de grains de blé devant la porte pour que celui-ci se fasse bénir par l’Enfant Jésus ; les enfants en attendant minuit pratiquaient un jeu en prenant du bois calciné de l’âtre fixé à une cordelette au plafond de la pièce. L’on essayait de souffler sur le bois pour qu’il touche le visage du voisin et le noircir. Le perdant du “Kohlespiel” se voyait noircir son visage par le gagnant et se devait de céder son morceau de gâteau.

L’on nourrissait les animaux à l’étable, en leur donnant un peu de sel et du foin. Le bétail était obligatoirement nourri dans la mangeoire. Il devait se tenir debout car l’on croyait que, selon les saintes écritures, le bétail pouvait comprendre la parole de l’enfant Jésus et on leur attribuait des vertus miraculeuses. Dans mon village, à Rosbruck, on libérait les animaux pendant la messe de minuit, pour qu’ils puissent communiquer entre eux et vénérer l’Enfant Jésus. Cette tradition perdue vers 1880, entrainait un grand désordre dans le village car vers deux heures du matin, il fallait retrouver son bétail qui divaguait, ce qui n’était pas chose aisée surtout par temps de neige !!! Beaucoup d’habitants se contentaient de donner de la nourriture aux animaux à l’étable. Lorsque sonnaient les cloches de la messe, tous se rendaient à l’office de Noël qui durait jusqu’à deux heures du matin. Seuls les malades et les très jeunes enfants, le personnel de ferme, restaient à domicile. De nombreuses lanternes scintillaient de mille feux dans la nuit, donnant à cette promenade vers l’église, parfois dans la neige une magie particulière. L’église brillait de mille bougies, avec une belle crèche installée dans le chœur. La messe tridentine, symbolisée par la couleur blanche ou jaune or des habits sacerdotaux, proposait une liturgie très belle, empreinte de dignité et de symboles. On y interprétait à partir du XIXème siècle de nombreux cantiques de Noël en allemand durant la deuxième voire troisième messe de la nuit, entre autres après 1840, le très célèbre “Stille Nacht”, composé en 1816 par Joseph Mohr, prêtre à Oberndorf près de Salzbourg en Autriche (chants 4,5, 6 et 7).

Après l’office, les fidèles se congratulaient et, arrivés à domicile, mangeaient de la charcuterie souvent du jambon fait maison consommé selon la parole biblique “Und das Wort ist Fleisch “ (Le “Verbe s’est fait chair”). Les enfants les plus âgés encore exceptionnellement debout découvraient dans les sabots et chaussures déposées près de la cheminée, plus tard dans des assiettes sous le sapin quelques rares jouets, voire des pommes et des noix apportés par l’Enfant Jésus, ou “Christkindche” (chant 8).

Le Christkindche

Ce personnage fut créé par Luther au XVIe siècle pour concurrencer le culte de Saint-Nicolas refusé par le protestantisme. Cette tradition se diffusa aussi au XVIIIe siècle dans les campagnes catholiques d’Allemagne et d’Autriche, en Alsace et Lorraine allemande.

Dans certains endroits le “Christkindche” apparaissait en personne. Il s’agissait le plus souvent d’une jeune fille de blanc vêtue, le visage voilé à l’orientale et portant une couronne sur la tête, à la fois ange et Enfant Jésus qui se manifestait par la sonnerie d’une clochette ou un bruit très fort. Parfois ce personnage mystérieux, souvent un membre de la famille, entrait dans les foyers. Les enfants, tombaient à genoux, récitaient une prière ou un poème. “Christkinche” admonestait les enfants les moins sages, même les adultes, puis remettait des assiettes de friandises ou quelques jouets en bois. Des semaines précédentes Noël, les enfants scrutaient le ciel et lorsqu’il avait une tonalité rouge, les adultes affirmaient que l’Enfant Jésus “backt Kuche” (fait du gâteau). Dans certains villages du pays de Bitche, des servants de messe, appelés “Weihnachts buben”, déguisés en bergers parcouraient les rues des villages dans la nuit de Noël après la messe de minuit, en s’écriant “O Christ wach auf” (“Seigneur réveille-toi”).

Georges De La Tour : Nativité

Noël, une fête religieuse majeure

La paroisse jouait un rôle essentiel dans la société rurale et traditionnelle. C’est dans ce cadre que s’organisaient la journée et le calendrier agraire durant l’année, rythmée par les fêtes religieuses qui étaient aussi des moments de repos, de convivialité et d’affirmation identitaire.

Les 25 et 26 décembre étaient des jours fériés majeurs que l’on respectait, malgré la préparation du repas et de la visite de nombreux invités. Une assiette était rajoutée symboliquement à celle des convives annoncés, pour l’étranger de passage. Les fidèles se rendaient nombreux aux messes du matin et aux vêpres. Le 26 décembre, jour de la Saint- Étienne ou “Stefensdaa” patron du diocèse de Metz, il était de tradition de bénir l’avoine. Le 28 décembre, “Aux Saints Innocents”, on bénissait les enfants nouveaux nés de l’année après la messe solennelle ou aux vêpres. À l’occasion de ces cérémonies, les jeunes mamans présentaient, leur progéniture à l’Enfant Jésus dans la crèche. Ceux des fidèles qui, assistaient aux trois messes du jour de Noël , à celle de minuit, celle des bergers ou “Hirtenmesse” et à la grand-messe étaient assurés de grâces particulières dont celle de n’avoir aucun accident durant l’année.

Les chants traditionnels qui forgent une identité

De retour des offices, les familles chantaient des chants de Noël, le plus souvent des cantiques religieux allemands extraits de livres de messes ou de prières, ou ceux, souvent bien plus anciens transmis oralement par la tradition populaire.

La Nativité jouait un rôle essentiel dans le répertoire musical de Moselle germanophone. La plupart des chants collectés par l’abbé Pinck et composés en Lorraine allemande rappellent les mystères du Moyen Âge, et insistent sur deux thèmes majeurs : le dénuement de l’Enfant de la crèche et le Christ qui s’est fait homme pour partager notre destin. L’image donnée de Jésus dans la crèche est conforme à celle de l’imagerie populaire d’un enfant né dans une nuit glaciale, dans une pauvre étable, nu sur la paille, entre l’âne et le bœuf qui le réchauffaient de leurs souffles : “Das Kindlein liegt in einem Stall, ganz nacket und bloss. Wie zitterst du vor kälte,Vor Regen und Wind, der Esel dort bei Ihm das Kind. Auf Heu und Stroh das holde Kind”. Seuls les bergers, les mages et les anges ont vénéré l’Enfant. Ces chants populaires d’inspirations religieuses, sont conformes à l’évangile de Saint -Luc. Ils furent certainement interprétés à l’église avant la diffusion de missels diocésains et se trouvèrent alors confinées à la sphère familiale lors de copieux repas de Noël faits de viande, de volailles, de charcuterie de pomme de terre et de sucreries (Spritz), de gâteaux à partir de fruits secs ou de veillées (chant 9).

Le sapin de Noël (chant 10)

La tradition du sapin (épicéa) de Noël se répand dans l’espace germanique dès le XIVe siècle et apparait en Alsace vers 1521. Elle n’a, à l’origine, aucune symbolique christique, n’en déplaise à certains qui y voient une atteinte à la laïcité. Le sapin avec sa verdure était avant tout, le signe du renouveau et de la lumière chez les tribus germaniques avant la christianisation, dans une période sombre de l’année où les jours ne se rallongent que très lentement après le solstice d’hiver du 21 décembre. Au Moyen Âge, l’Église l’accepte comme signe de lumière de l’Enfant Jésus naissant.

La tradition du sapin était inconnue en Lorraine et fut introduite en Moselle par les Allemands vers 1880-1890. Les premiers sapins qui décoraient les salons de la bourgeoisie étaient garnis de noix enveloppées dans un papier brillant, de cheveux d’anges, de biscuits, de guirlandes découpées dans un papier argenté et de bougies. Les boules de Noël apparaitront au début du XXe siècle, la décoration électrique après-guerre. Installé le 24 décembre dans le salon, dans la “gudd Stubb” par les adultes, il était caché aux enfants jusqu’à l’arrivée du “Christkindche” dans la soirée. Après 1890, les enfants venaient y déposer leur assiette. Le sapin ornait généralement la maison jusqu’à la chandeleur “Maria Lichtmess” le 2 février, fin du temps de Noël. Lorsqu’il était démonté, cet arbre était jeté par la fenêtre, et non pas transporté à l’extérieur par une porte, car cela portait malheur.

Conclusion

Après ces quelques réflexions, que peut-on penser de ces traditions ? Noël était, pour nos ancêtres, une fête avant tout religieuse que l’on célébrait dans la simplicité familiale. Les quelques modestes cadeaux offerts aux enfants n’étaient pas l’essentiel. Les quatre dimanches de l’Avent se déroulaient dans le calme et la simplicité. Il n’y avait pas de commerce et de magasins ouverts à tout va, bénis par la figure de père Noël, et engendrant un stress, inutile et stupide aux antipodes du message christique initial de Noël. Cette marchandisation de Noël vidé de toute symbolique religieuse entrainera à moyen terme sa disparition.

Chantons Noël

  1. Ad Te Levavi (First Sunday of Advent, Introit)
  2. Populus Sion (Second Sunday of Advent, Introit)
  3. Gaudete - Introitus Dominica tertia Adventus
  4. Rorate Caeli (introït du 4e dimanche de l’Avent)
  5. Dresdner Kreuzchor: Stille Nacht (Silent night)
  6. Ihr Kinderlein kommet - Weihnachtslied mit Text zum Mitsingen
  7. Introitus - Dominus dixit ad me
  8. Il est né le Divin Enfant
  9. Les Anges dans nos Campagnes
  10. Puer Natus Est Nobis (Christmas Day, Introit)
  11. Regensburger Domspatzen - Oh du Fröhliche
  12. O Tannenbaum
  13. Adrian Eröd: “Adeste Fideles”
  14. Es ist ein Ros’ entsprungen

Crèche à l’abbatiale de Saint-Avold

La Crèche de Noël

Histoire de la représentation de la Nativité

La crèche de Noël est une représentation dans différents arts de la naissance de Jésus de Nazareth, sous forme de personnages avec Marie et saint Joseph dans la crèche d’une étable ou d’une grotte. Cette iconographie originelle s’enrichit et se complexifie progressivement avec diverses formules scéniques faites de personnages (bergers, anges, Rois mages) et d’animaux (bœuf, âne, moutons, chameaux), entourant et protégeant l’Enfant nu dans son auge, sur un berceau ou sur de la paille.

D’après l’évangile selon saint Luc, Jésus serait né dans une étable car ses parents n’avaient pas trouvé un espace approprié dans la “kataluma”, terme que l’on traduirait par “chambre prévue pour les hôtes”. L’évangile utilise le terme de “phatnê”, traduit dans la Vulgate par “praesepium” qui désignait une étable généralement située à l’étage inférieur d’une maison en Palestine, ou en plein air dans une cour. Elle pouvait aussi désigner la stalle d’une étable, le râtelier ou la mangeoire. Marie plaça Jésus dans cet endroit attenant la “kataluma” sans que l’évangile précise s’il s’agissait d’une auge en pierre surmontée d’un râtelier de bois destiné à porter le fourrage des bestiaux. La mangeoire pour les animaux est désignée par le latin “cripia” d’où est issu le mot crèche qui désigna à partir du XIIIe siècle la mangeoire dans laquelle le Christ a été déposé à sa naissance.

L’idée de la naissance de Jésus dans une grotte se développa au IIe siècle. Elle est évoquée dans le ‘Dialogue’ avec Tryphon de l’apologète et philosophe chrétien Justin de Naplouse. Les plus anciennes représentations de la Nativité sont issues de l’art paléochrétien sur des fresques et des bas-reliefs, datant du IIIe siècle et surtout des IVe et Ve siècles. En l’église Sainte-Marie-Majeure de Rome, la célébration de la Nativité est commémorée depuis le IVe siècle dans la nuit du 25 décembre.

Au cours du Moyen Âge, des acteurs jouèrent les mystères de la Nativité sur les parvis, dans des tableaux animés de “crèches spectacles”. La tradition hagiographique rappelle que saint François d’Assise (1182-1226), impressionné par la visite de la basilique de la Nativité de Bethléem, voulut, de retour en Italie, reproduire la scène de la Nativité pour les pèlerins d’occident interdits de Terre Sainte suite à l’échec de la cinquième croisade. Il utilisa de ce fait une mangeoire remplie de foin, un âne et un bœuf réels dans une grotte, appelée “chapelle de la crèche”, près de l’ermitage de Greccio, petite localité située dans le Latium, en Italie centrale où s’étaient implantés les Frères mineurs. Il y associa pour la première fois; à la messe de minuit de Noël 1223, les villageois de ce lieu, qui participèrent à une crèche vivante, aménagée dans cette grotte.

Cette coutume de la célébration d’une crèche vivante dans les églises, la nuit de Noël, se répandit rapidement en Italie, en Provence, sous l’influence de sainte Claire (1194-1253), disciple de saint François d’Assise et fondatrice de l’ordre des Pauvres Dames (clarisses), et bien sûr des prédicateurs franciscains.

Très vite, furent aussi construites des crèches dites définitives, plus souvent dans des couvents ou des églises. Elles connurent un engouement important au XIIIe siècle. La plus ancienne crèche de ce type, connue à ce jour date de 1252. Elle fut installée au monastère franciscain de Füssen en Bavière. Il s’agit d’une crèche qui contient des personnages de différentes tailles en bois, de belles factures. Ce type de crèche fut aussi réalisé à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome en 1288.

Les premières crèches miniatures avec des statues indépendantes installées durant le temps de Noël du 24 décembre à la Chandeleur, le 2 février, firent leur apparition, dans les églises et les couvents aux XVIe-XVIIe siècles grâce à l’ordre des jésuites, dans le cadre de la Contre-Réforme catholique. Une première crèche de ce type apparaît à Prague en 1562, puis à Munich en 1608. Ces crèches servirent à la catéchèse en milieu rural. Ce modèle se diffusa progressivement d’Italie vers l’Europe germanique au XVIIIe siècle. Cette belle tradition toucha la France à la veille de la Révolution par le développement de crèches sur le modèle des santons de Provence.

Des crèches miniatures apparurent aussi dans les églises lorraines à la fin du XVIIIe siècle. Elles se diffusèrent plus généralement dans les maisons de particulier au début du XIXe siècle, après une courte période d’interdiction à la Révolution. Au XIXe siècle, furent aussi érigées de grandes crèches publiques dans les métropoles européennes. La démocratisation des crèches domestiques est favorisée par la fabrication en série des figurines en plâtre peint et leur diffusion par des marchands d’objets religieux, leurs matériaux, techniques et scénographie (crèche-armoire, hutte, “Mont de Nativité “), connaissant une grande variété. Cette vulgarisation correspondait en France à l’âge d’or de la crèche de style sulpicien qui se diffusa de 1860 à 1920.

Il existe en Europe différents modèles de crèches dont les plus célèbres sont la Provençale, la Napolitaine, celles de type baroque, des pays rhénans ou de Bavière. En Lorraine, une crèche, généralement rustique, était installée le 24 décembre, par les adultes au vus et au sus des jeunes enfants, dans le salon ou la salle à manger, souvent sur un beau meuble, puis au bas d’un sapin, dont la tradition se diffusa dans les années 1870-1890. On plaçait généralement l’enfant Jésus dans la crèche à minuit le 24 décembre. Les personnages de la Sainte Famille sont bien sûr agrémentées d’animaux domestiques, d’un âne, ayant transporté Marie enceinte, d’un bœuf, qui selon la tradition aurait réchauffé le nouveau-né de son souffle. La Vierge est souvent représentée à genoux devant son Fils dans ses habits ordinaires, alors qu’elle vient d’accoucher, signifiant qu’elle n’a pas subi l’épuisement lié à l’enfantement.

Des bergers, à qui fut en premier lieu annoncée la bonne nouvelle de la naissance du Christ, complètent le décor. Un ange est généralement installé au sommet de la crèche. Il symbolise l’annonce au monde de la venue du Messie.

Cette belle coutume européenne et chrétienne de la crèche s’est répandue avec le développement du christianisme sur d’autres continents en Asie, Afrique et Amérique.

Crèche à l’église de la cité Emile Huchet

Adoration des rois - Retable de Sainte-Colombe - VAN DER WEYDEN - 1456

L’Epiphanie ou Dreikönigsfest

L’origine sémantique

L’Épiphanie, vient du grec “apparition”. Elle est célébrée par les églises d’Occident et d’Orient et rappelle l’adoration des Rois Mages ayant suivi l’étoile de Bethléem.

L’origine de cette vénération

C’est l’évangile de Matthieu qui évoque dans le cadre du récit de la naissance de Jésus-Christ, la vénération du sauveur par des mages d’Orient. Il s’agissait très vraisemblablement de prêtres Zoroastre originaires de Perse ou de Babylone qui rencontrèrent d’abord Hérode à Jérusalem puis se rendirent à Bethléem en suivant l’étoile. Ils vénérèrent l’enfant de la crèche en apportant des présents chargés de symboles :

  • l’or : qui signifiait que l’enfant est roi,
  • l’encens : l’enfant de la crèche est prêtre d’Israël,
  • myrrhe : le fils de Dieu s’est fait homme, il mourra sur la croix et son corps sera embaumé avec de la myrrhe. C’est un père de l’Église, Origène (185-254), qui affirma qu’ils furent au nombre de trois : Gaspard, Melchior et Balthazar.

Le culte en Occident

Selon la “Légende dorée” de Jacques de Voragine, sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin Ier, aurait lors d’un pèlerinage en Terre Sainte trouvé les reliques des Rois vers 326. Elle les offrit à l’évêque Eustache de Constantinople, qui les transféra à Milan à l’église Saint-Eustache. L’évêque Rainer von Dassel, les obtint en cadeau de l’empereur Frédéric Barberousse après sa victoire sur Milan, en 1164. Cet évêque les offrit, à la cathédrale de Cologne où elles se trouvent toujours exposées à la vénération des fidèles. Leur transfert en Rhénanie, donna lieu à un début de vénération qui se propagea rapidement sur “l’axe de la catholicité” ( il s’agit là, de toute une série d’États catholiques, d’Italie du nord (États papaux, Lombardie, Savoie, Alsace, Lorraine, Pays-Bas espagnols) qui ont des traditions communes dans le domaine religieux avec un culte des saints et certaines traditions populaires identiques : Saint Nicolas de Bari à Amsterdam, les 14 Saints auxiliaires, sainte Barbe).

Au XIIe siècle, on croyait que les Rois représentaient les trois continents : Europe, Asie et Afrique (l’Amérique n’est pas encore connue). Gaspard représentait l’Afrique, Melchior l’Europe et Balthazar l’Asie.

Les traditions en Lorraine

Depuis le XVIe siècle, les enfants de chœur, déguisés et portant l’étoile de Bethléem, sillonnaient, pendant huit jours, les villages. Ils s’arrêtaient aux maisons pour y chanter un vieux cantique, une chanson de quête, de 14 strophes, qui racontait l’arrivée des Rois en Palestine. Ce chant rappelle les mystères du Moyen-Âge, petites piéces jouées sur les parvis des églises et des cathédrales : « Es kommen drei Könige aus dem Morgen -Land, sie kommen daher von Gott gesand … ». Puis un des rois, prend la parole et dit : « Ich bin der kleine König gib mir nicht zu wenig, lasst mich nicht so lange stehen, wir müssen heute Abend noch weiter gehn ». Les familles qui les accueillaient, leur donnaient une pièce ou une tranche de gâteau appelée tranche du pauvre. Ils les remerciaient en chantant les paroles suivantes : « Ihr habt uns eine Bescherung gegeben, drum sollt ihr das Jahr mit freude erleben. Ihr und eure Kinder » et ils bénissaient leur demeure.

Si les familles refusaient de donner une obole, ce qui était très rare, les rois se faisaient carrément vulgaires : « Ihr habt uns keinen Taler gegeben, euch soll das Hemd dann am Arsch ankleben. Ihr und eure Kinder ». « Vous ne nous avez point donné d’argent, que la chemise vous colle au c… » .

Les rois, avant de quitter les lieux, rajoutaient à la craie sur chaque demeure pour signer leur passage « Christus Mansionem Benedicat », en abréger, ce qui veut dire : “Christ bénit cette maison”, et l’année : 20+ C+M+B+14.

La tradition des Rois à Dourd’hal en 1950

Cette visite des Rois est aussi célébrée dans une autre pièce de sept strophes du répertoire de chants lorrains, qui retrace leur quête jusqu’à Bethléem. Ce cantique célèbre leur hommage à l’Enfant de la crèche. Il s’instaure, un dialogue direct entre les mages et les anges qui, craignant qu’ils puissent s’égarer, leur prodiguent des conseils. Cette pièce met aussi en scène le roi Hérode, que la tradition populaire fait regarder par la fenêtre à l’instant où passent les Mages : « Sie reisen’s Herodes sein Haus vorbei. Herodes der schaut dem Fenster heraus ». Il leur offre le gîte et le couvert et les interroge : « Warum ist bei euch der in der Mitte so schwarz ? », exprimant la fascination que devaient exercer les Noirs sur les paysans d’Occident. L’avant-dernière strophe de ce chant témoigne de l’admiration des Lorrains pour saint Joseph dont il souligne de façon imagée et populaire la grande bonté et l’amour pour Jésus : « Sankt Joseph zog sein Hemdelein aus. Und gibt es Maria : Macht Windelein draus ». C’est cette version du “Voyage des mages” que nous interprétions dans les années 1960, dans notre village.

Les petits cadeaux récoltés par les enfants, beignets, gâteaux étaient partagés par le curé de la paroisse. Cette tradition des Rois ou “Königskinderen” est aussi évoquée dans les riches archives de Saint-Avold. Les comptes de ville, en 1660, signalent que la ville leur versait une obole de dix francs.

Un office religieux solennel au “Dreikönigstag”

Le jour de l’Épiphanie, on procédait à la bénédiction du “Dreikönigswasser”, ou eau des Rois, tradition diffusée dans nos régions au XVe siècle, qui rappelait le baptême de Jésus dans l’eau du Jourdain. Cette eau servait au baptême et à la protection des particuliers. L’introït interprété à cette occasion, Ecce advenit rappelle Dieu qui s’est fait homme.

La galette des Rois ou “Dreikönigskuchen”

Cette tradition très ancienne est mentionnée dès 1311, à Amiens. Elle s’étendit aux XIVe - XVe siècles à la Lorraine ducale. Elle disparaîtra en Lorraine germanophone au XIXe siècle, pour réapparaître après-guerre par la commercialisation dès novembre d’une galette industrielle, souvent, de mauvais goût, appelée “galette des Rois”.

La veille du 6 janvier, à la tombée du jour, la maîtresse de maison apportait sur la table de la cuisine, couverte d’une nappe parée de festons de pierre, le fameux gâteau des Rois qui ressemblait à une brioche. Le père le partageait en autant de tranches qu’il y avait de convives. Dans le gâteau, on avait précédemment caché une fève. Le père envoyait le plus jeune de ses enfants se placer le visage contre le mur ou se glisser sous la table. Il saisissait une tranche du gâteau et demandait : « pour qui est ce morceau ? ». L’enfant nommait un convive et le père déposait la tranche sur l’assiette de la personne désignée. Lorsque tout le monde était servi, chacun mangeait sa part, et la personne qui trouvait la fève était reine ou roi. Celui-ci imposait à chaque convive le récit d’un conte, une chanson ou des devinettes et il réglait l’ordre des “santés” à boire. Celui ou celle qui refusait de se soumettre aux injonctions du roi ou s’acquittait mal de sa tâche était puni : on lui barbouillait le visage de suie. Jadis l’usage voulait que l’on laisse une tranche de galette, cette dernière appelée part du bon Dieu, part de la Vierge ou part du pauvre, était destinée au premier pauvre qui se présentait au logis.

L’Épiphanie est une fête religieuse importante dans l’Europe catholique. En Allemagne trois Länder (Bavière, Bade-Wurtemberg, Saxe) en font des jours fériés, de même que l’Autriche. En Espagne, et en Italie, les enfants reçoivent les étrennes à la place de Noël. La Pologne célèbre cette importante fête catholique depuis 2011, par un nouveau jour férié. Les catholiques allemands et autrichiens ont su donner un nouveau dynamisme à cette tradition par la tradition du “Sternsingen”. Depuis 1959, des dizaines de milliers d’enfants de chœurs déguisés en rois, sillonnent les villages et les villes et quêtent, dans la semaine du six janvier, pour des œuvres sociales et caritatives soutenues par les diocèses. En 2013, les 85 000 “Sternsinger” allemands collectèrent plus de 200 000 euros.

Dommage que cette belle tradition, n’ait pas inspirée plus les catholiques mosellans, si prompts à reprendre de nombreuses traditions de Noël d’Outre-Rhin.

Présentation de Jésus au temple par Bergognone (1453 – 1523) - Musée du Louvre

La Chandeleur (Mariä Lichtmess)

Mariä Lichtmess ou la Chandeleur marque le début de février. Fêtée le 2 février, quarante jours après la Nativité, la Chandeleur marque la fin du temps de Noël bien que sa thématique soit proche de la naissance de Jésus. « Elle clôt le temps des lumières qui caractérise le cycle de Noël ». On parle de Chandeleur car ce jour-là des chandelles bénites et allumées sont transportées à travers les églises pour commémorer la présentation de Jésus au temple et la bénédiction de Marie. Jacques de Voragine explique les origines de cette coutume dans “La légende dorée”. Il précise que dans les traditions pré-chrétiennes, ces chandelles avaient le pouvoir d’éloigner les mauvais esprits. « Tous les cinq ans, aux Calendes de février, les Romains illuminaient les villes avec des cierges et des flambeaux en l’honneur de Februa, mère de Mars, afin que son fils accorde la victoire aux armées romaines. Cette lustra populi ou lustrum était une grande fête quinquenale de purification du peuple accompagnée de sacrifices publics ou privés ».

L’Église reprend cette célébration à la fin du VIIe siècle en instaurant une procession des lumières bénites, substitut d’une procession païenne similaire. Au Xe siècle, la Chandeleur se diffuse dans les campagnes de l’Europe de l’Ouest semi-romanisées : Gaule, Bretagne.

Rappel du disque solaire

À Saint-Avold, les documents les plus anciens datant du XVIe siècle relatent cette coutume. La ville paie des bougies distribuées aux fidèles. Un office a lieu tôt le matin ou tard le soir, associé à une procession autour de l’église. « Les bougies étaient conservées et servaient à protéger les maisons de la foudre, de l’incendie, du malheur, de la guerre. Quand un orage éclatait, on allumait la bougie de la Chandeleur ».

À la Chandeleur, il est de tradition de manger des crêpes. C’est la survivance d’un mythe lointain, se rapportant à la roue solaire qui expliquerait la coutume de crêpes (ou des beignets de forme ronde, dans le Sud de la France). Et pour faire une crêpe de la Chandeleur, elle doit être de froment, qui provient de la moisson précédente. « On peut en empiler sans craindre la famine car bientôt les champs retrouveront leur blondeur. Si point ne veut de blé charbonneux, mange des crêpes à la Chandeleur ». Ainsi pensaient les habitants soucieux de trouver, dans chaque signe, le présage d’une bonne récolte.

Contre les maux de gorge

Le 3 février, l’on célèbre la Saint-Blaise, patron des semailles printanières, guérisseur des maux de gorge, maître des pluies et des eaux abondantes, protecteur des bergers. « Ce médecin est nommé évêque de Sébasté, en Cappadoce ; Il fuit les persécutions de Dioclétien et est martyrisé en 316 sur ordre de Lucinius ». Les personnes souffrant de maux de gorge vénèrent saint Blaise. Pourquoi ? Une veuve s’approche de saint Blaise et lui tend son fils, qui étouffe car il a avalé une arête de poisson. L’évêque impose les mains sur l’enfant inanimé qui se réveille plus radieux que jamais. Le culte de saint Blaise se développe aux XIe et XIIe siècle, il est vivace en Italie, dans les Balkans, en Allemagne du Sud. En Moselle, plusieurs paroisses lui sont dédiées et on le célèbre à Grostenquin, Mainvillers, Varsberg, Behren, Saint-Eucaire à Metz. « Au cours de l’office on croise deux bougies bénites sur les gorges des fidèles. Une distribution de pains briochés garnis de picots, symbolisant le flux protecteur du saint, a lieu ». Une tradition, qui sera observée cette semaine dans la région naborienne.

D’autres fêtes et traditions

Fêtes et traditions II : Le Carnaval à Saint-Avold - La Semaine Sainte ou “Karwoche”

Fêtes et traditions III : Le mois de Marie - La Fête-Dieu - L’Assomption - La Toussaint