Charte de confirmation des droits et privilèges des bourgeois de Saint-Avold par l’évêque de Metz en 1381 A.M.S.A. 1 (AA1)

Les archives municipales de Saint-Avold : Genèse d’une histoire mouvementée

par Pascal FLAUS (article paru dans le “Cahier Naborien” numéro 15 et actualisé)

Une bourgeoisie soucieuse de son patrimoine papier

Les archives de la ville de Saint-Avold ont une histoire en étroite relation avec le passé prestigieux de la cité affranchie dès le XIVe siècle par une succession de chartes. Le conseil de ville prend conscience de l’importance de ces instruments juridiques pour la défense des intérêts de la bourgeoisie. Elles font l’objet de soins constants de la part du magistrat qui, dès le XVIe siècle, ordonne leurs classements et leurs tris par l’échevin-greffier Bonhans en 1590-1595. Chartes de confirmation de droits et autres documents fiscaux issus du Moyen Âge permettent à la bourgeoisie de se défendre contre les empiètements de l’administration ducale. Bonhans profite de leur remise en état pour rédiger le coutumier ou « Stadtrecht ». Les archives sont alors conservées dans une armoire dans la salle de l’auditoire de la halle ou Hôtel de ville. Une partie du fonds est déposée à l’église paroissiale.

Les archives sont globalement épargnées durant la guerre de Trente Ans. Une partie importante du chartrier et des comptes de ville de 1585 à 1697 nous est parvenue. Les archives sont transférées lors de la construction du nouvel Hôtel de ville en 1734-35, rue des charrons dans la chambre du conseil. Après 1750, les officiers municipaux se servent des archives pour défendre les intérêts de la ville et de ses institutions face à l’administration royale qui tente de franciser les institutions municipales. Dès le 2 mars 1764, les conseillers de l’Hôtel de ville décident de faire classer les archives de l’hôtel-Dieu et de la ville par les officiers Bernard Solver commissaire, et le procureur syndic Nicolas Pascal Gérardy (1715-1793).

Nicolas Pascal Gérardy, en juriste averti, se sert très souvent des anciennes chartes pour faire des synthèses à l’administration royale sur tel ou tel dossier du moment. Les archives sont classées dans la chambre du greffe, dans une grande armoire réalisée à cet effet. Défense est faite aux autres conseillers de les consulter ou d’en extraire des documents. Seul le procureur syndic et le maire qui possèdent une clé ont accès au fonds. De 1773 à 1779 toutes les pièces d’archives éparses, possédées par tel ou tel officier, sont regroupées au greffe. Cet endroit est très exigu et très vite le conseil fait aménager une autre chambre destinée à cet effet. Par délibération du 28 juin 1788, les conseillers municipaux s’émeuvent de l’installation d’un dépôt de poudre à la place des archives sous la tribune des orgues de l’église paroissiale… Les officiers déclarent : « le dépôt d’archives de cette ville est un espace très petit ne pouvant contenir que l’armoire à layettes où sont enfermés les titres… cette maison est propriété du sieur de Varsberg… le conseil bien informé a exigé que les archives soient transférées dans la chambre du greffe de l’Hôtel de ville convertie en chambre de discipline… et que les titres et papiers sont transportés dans la chambre du conseil pour leur donner de l’air, en ôter la poussière et en faire le dépouillement et l’inventorier ». Le riche fonds des archives est utilisé par le procureur du roi, Nicolas Pascal Gérardy, qui s’en sert pour rédiger une « Histoire Administrative de Saint-Avold » en trois volumes de 1766 à 1786. Nicolas Pascal Gérardy, historien de Saint-Avold est sollicité lors du classement de la bibliothèque de l’abbaye des bénédictins transférée à Sarreguemines en 1790 dans le cadre de la création d’une bibliothèque districale.

Charte de confirmation des droits et privilèges des bourgeois de Saint-Avold par Conrad II, évêque de Metz, en 1475 A.M.S.A. 1 (AA1)

Une réglementation qui se précise

Au XIXe siècle, l’administration préfectorale fait appliquer la loi régissant les archives. Il est procédé à un nouveau récolement des archives de la ville le 8 novembre 1836 conformément aux prescriptions de la Préfecture. Un inventaire exhaustif plus précis, qui nous est conservé, est réalisé en octobre 1865 par les conseillers Raimond et Welvert. Le maire précise au sujet de la valeur administrative de ce travail « que nous devons ce remarquable travail qui était une mesure obligatoire pour la nouvelle administration et qui sera d’une utilité incontestable pour celles qui lui succèdent ».

Le transfert des archives communales à Metz

Il faut attendre la période du Reichsland (1871-1918) pour voir les élus prendre conscience et se préoccuper de ce très riche patrimoine historique de toute première qualité. Contrairement à une légende bien établie et encore colportée lors de notre prise de fonction, les archives anciennes de la ville n’ont pas été expédiées à Metz en 1870 avant l’arrivée des Prussiens. La désorganisation militaire et administrative qui précéda l’arrivée des troupes allemandes n’aurait pas permis un tel transfert. Le contraire est vrai puisque, sitôt installée, l’administration allemande, consciente de la richesse des fonds, tente à plusieurs reprises, sans succès, de les soustraire à l’autorité de la municipalité pour les transférer à Metz aux archives du Bezirk pour leur tri et classement. Une première tentative est faite le 6 janvier 1890, en vain. Le conseil, pour des raisons de coût financier et de transport, s’y oppose par délibération du 8 février 1890. Il promet leur stockage en un lieu aménagé à cet effet et vote une subvention de 300 marks pour l’aménagement d’une armoire ignifugée.

Après quelques années d’immobilisme, la désignation de maires de carrière, hauts fonctionnaires conscients de la richesse archivistique de la ville, débloque la situation. Par délibération du 14 décembre 1895, le conseil municipal autorise le maire Robert Hein à déposer les archives communales anciennes aux archives du Bezirk. Le 26 janvier 1896, elles sont transférées à Metz. Juridiquement les archives sont propriétés de la commune. Elles peuvent être rapatriéés sur demande de celle-ci. Elles sont classées par les soins d’un conservateur en 1907. Un inventaire est réalisé en 1911. Les archives de l’hôtel-Dieu gérées par la commune sont également envoyées à Metz.

Vers la création d’un service autonome au service du public

Les archives courantes restées en mairie sont transférées début septembre 1939 lors de l’évacuation de l’administration communale à Sommières-du-Clain. La commune, soucieuse de conserver son patrimoine, évite ainsi aux fonds municipaux un pillage certain. Après la guerre, le problème de la conservation des archives municipales se pose avec acuité. En février 1965, lors du transfert des services de l’Hôtel de ville dans les locaux actuels, la municipalité aménage très sommairement un dépôt d’archives dans les combles du bâtiment. L’exiguïté de ce local (60m2) et sa faible hauteur sous plafond (2,15 m), son accès difficile, révèlent les limites de ce choix.

L’encombrement des quelques 300 ml de rayonnages, qu’il a parfois été possible d’aménager au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires était tel que l’accès même aux documents fut dans nombre de cas impossible. Aux conditions matérielles de ce stockage archaïque sans classement et sans répertoire, s’ajoutèrent l’inconfort et la vétusté des lieux. Pour obvier à la saturation de ce local, un second dépôt d’archives est provisoirement créé au printemps 1983 dans une partie du magasin des services techniques situé route de Porcelette. 20 ml de rayonnages sont ainsi aménagés pour recevoir un certain nombre de dossiers dont la conservation dans les archives mêmes était devenue impossible faute d’espace de rangement.

La municipalité met à profit l’opportunité des travaux de restructuration de l’aile ouest de l’Hôtel de ville en 1983-1984 pour concevoir et réaliser des locaux suffisamment vastes et aménagés (250 m2 de surface pour 850 ml de rayonnages). Un service Archives-Documentation fut créé par délibération du conseil du 5 avril 1984 et un archiviste, M. Pascal FLAUS, embauché le 1er octobre 1985. Sitôt nommé, celui-ci entreprit le rapatriement des archives des deux dépôts et du fonds ancien des archives Départementales revenues à Saint-Avold le 16 octobre 1986. Doté d’un règlement en conformité avec la législation en vigueur, le service est ouvert au public le 1er janvier 1988.

Depuis cette date le service Archives-Documentation est engagé dans un classement systématique de ses fonds. Il a réalisé une dizaine de répertoires qui facilitent l’accès des documents à un public plus large. Le service a aussi fait l’achat systématique de livres traitant de l’histoire locale et régionale. Environ 4000 ouvrages enrichissent une bibliothèque historique consultable sur place. L’acquisition d’une collection de journaux officiels sur microfiches facilite l’accès à la documentation administrative par les services municipaux et un vaste public intéressé. Au 1er janvier 2008, 5000 lecteurs venus de l’extérieur ont déjà bénéficié des prestations du service, l’objectif étant de favoriser le rayonnement du service vers l’extérieur. Ouvert sur le monde scolaire, il participe au développement de l’histoire locale par des interventions dans les écoles de la ville et des animations dans la salle de lecture, par la visite des archives et des services municipaux. Il s’est enrichi de versements divers et variés provenant des services de l’Hôtel de ville et de particuliers.

Dans le cadre de la réorganisation des services municipaux et après 26 ans de fonctionnement à l’Hôtel de Ville, le Service des Archives municipales s’est installé en juin 2011 au 21 rue du Merle à la Cité Jeanne d’Arc. Il est vrai que le Service commençait à manquer sérieusement de place à l’Hôtel de Ville et que les conditions de conservation des documents anciens n’étaient pas idéales. Une cellule de pré-archivage continuera à fonctionner en mairie mais c’est à la Cité Jeanne d’Arc que les chercheurs devront se rendre désormais. Ils trouveront sur place des locaux fonctionnels et lumineux dont une vaste salle de lecture.

Les archives proprement dites sont désormais conservées dans un vaste local de 750 m2 sur des rayonnage métalliques dont la longueur totale atteint 7 kilomètres. La température est constamment maintenue à 17° et l’hygrométrie de l’air est constante afin d’assurer une bonne conservation du papier.

Du lundi au jeudi, le nouveau Service des Archives municipales est ouvert de 8 h 30 à 11 h 45 et de 13 h 45 à 16 h. Le vendredi, il est ouvert uniquement le matin.

Chaque année, la visite des Archives, organisée par Pascal Flaus dans le cadre des Journées du Patrimoine, suscite un vif intérêt. (photo “Républicain Lorrain” du 19.09.2010).