Le Vieux Hombourg et son église collégiale derrière laquelle se dressait autrefois un imposant château.
Le système défensif du château de Hombourg ou la dissuasion dans la sobriété
Extraits de l’article de Vincent Vion et André Schmitt paru dans le “Cahier Naborien” n° 3
L’ouvrage que l’évêque de Metz Jacques de Lorraine fit bâtir, entre 1250 et 1300 probablement, est souvent évoqué lors des guerres féodales, mais aucune description concernant cette époque ne nous est parvenue. Précisons que le château, objet de la présente étude, n’est en réalité qu’une “réduction” de la forteresse initiale qui s’étendait depuis l’actuel cimetière près de l’église jusqu’à la chapelle Sainte-Catherine, énorme complexe fortifié - probablement plus de 1,5 km de murs d’enceinte - que l’on reconnait encore aisément sur un plan de 1736 dû à Nicolas Ismeurt, arpenteur-géomètre de Morhange. De nos jours, les fossés et une base de tour sont décelables autour de la chapelle Sainte-Catherine. Nous ignorons quand et pourquoi la partie Est du château appelé Ritterburg fut abandonnée, certainement pour des raisons pécuniaires, l’entretien d’une telle forteresse et de sa garnison devant être un véritable gouffre financier pour l’évêché. La partie abandonnée devint le “jardin du château”.
Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle, au moment de l’achat de l’avouerie Hombourg-Saint Avold par la Lorraine et de l’installation d’une administration fiscale pointilleuse, que les renseignements abondent.
Situation générale
La position extrêmement avantageuse du château était sans conteste son atout principal. Implanté sur un plateau gréseux à l’altitude de 280 m, il dominait au sud la vallée de la Rosselle de près de 70 m, le versant nord accusant une dénivellation de 60 m environ. Le côté ouest était protégé par la ville fortifiée de Hombourg et le côté Est barré par un énorme fossé, nettement visible, et qui dans la mémoire collective des Hombourgeois est resté “die Fallbrück” (le pont-levis).
Le burg permettait non seulement le contrôle de la route Metz-Sarrebrück, mais aussi celui du Warndt au nord et des petites vallées menant vers Guenviller et Betting au Sud et à l’Est. Type même du château-cour en vogue au XlVe siècle, Hombourg est une construction de plan trapézoïdal d’environ 120 m de long sur 60 m de large à l’Est et 45 m à l’ouest. La cour, bien plane, probablement aménagée artificiellement, est entourée par un système défensif simple : quatre courtines dont les angles sont marqués par des tours cylindriques. Il faut également noter l’absence de donjon.
Situation du château par rapport à la vieille ville de Hombourg.
Les fossés
Bien que le lieu d’implantation du château constitue déjà en lui-même un sérieux obstacle à une attaque potentielle, cet avantage naturel est renforcé par une ligne de fossés. Sauf sur le versant ouest (derrière l’église), les courtines sont soulignées par des fossés secs et larges, à présent à demi comblés et transformés en jardins.
Le plus grand, dit “Fallbrück”, situé du côté de l’attaque, à l’Est (vers la chapelle Sainte-Catherine), particulièrement bien visible de nos jours, a les dimensions suivantes : 80 m de long, 20 à 40 m de large, et 8 à 10 voire 12 m de profond. Il était traversé par un pont dormant, probablement assis sur des piles de maçonnerie. Le grand pont-levis rejoignait ce passage obligé. Un chemin taillé dans le roc menait vers le pont, que les ouvriers réparaient ou élargissaient périodiquement comme en 1619 où Démange le maçon travaille au “chemin qui est de roche” afin que les chars puissent entrer plus commodément.
Les fossés sont garantis par des palissades, et même un pont-levis palissadé en défendait l’accès. Certains accès étaient fermés par des murailles : “murailles et fossés contre la tour de lanterne” en 1621, et le fossé Fallbrück possédait une contrescarpe maçonnée en 1616.
En 1591, Odet de Thuilly, gouverneur de l’avouerie, fit abattre tous les arbres près des fossés “pour mieux découvrir alentour du château “. Les travaux dans les fossés se soldent quelquefois par des drames : on déplore trois accidents mortels parmi les maçons. En 1624, Boyer Hans et Paulus de Hombourg ont été tués sous la roche d’où l’on tirait les pierres pour les fortifications. Le prince de Phalsbourg dédommagea les familles en leur accordant trois quartes de blé par an leur vie durant. En 1629, un troisième ouvrier décède dans les mêmes conditions.
Les courtines et les terrasses
Les textes ne sont guère précis quant à la hauteur ou l’épaisseur de ces murs. Toutefois, des examens archéologiques témoignent d’une épaisseur de 1,50 m en moyenne. Les murailles semblent être d’inégales hauteurs puisqu’en 1589, on maçonne “15 marches de pierre de taille pour monter de dessus la grande courtine (côté vallée de la Rosselle) sur la courtine de derrière qui est plus haute”. Une autre indication de 1602 nous informe que la montée sur la muraille près de la citerne est de 50 marches (environ 10 m). En rajoutant le parapet percé d’ouvertures de tir ou d’observation, on peut raisonnablement estimer la hauteur totale à 12 mètres.
Dans la dernière décennie du XVIe siècle, on se livre aux premiers travaux de “modernisation”, conséquence logique du développement de l’artillerie. En effet, les anciennes courtines héritées du Moyen Âge étaient incapables de résister à un bombardement en règle. De plus, pour la défense de la place, on pouvait difficilement déplacer les canons sur un mur de 1,50 m d’épaisseur. Les courtines sont alors transformées en terrasses. Cette technique consiste en l’établissement d’une nouvelle muraille d’une épaisseur d’environ 1,20 m à l’intérieur de la cour, parallèle à l’ancienne courtine. On apporte alors de grandes masses de terre que l’on jette entre les deux murailles et, pour consolider le tout, des fagots sont placés par couches successives entre les amas de terre.
Ce sont tout naturellement les corvéables des villages de l’avouerie qui effectuent ces travaux, comme par exemple les sujets de Biding et d’Altviller en 1587. Le résultat de ces longs et laborieux travaux est un rempart très solide d’environ 3,50 m d’épaisseur sur lequel les pièces d’artillerie peuvent être déplacées avec facilité. Mais ce genre d’ouvrage est très vulnérable aux intempéries et l’on s’emploiera à couvrir toutes les nouvelles courtines en y posant des galeries en bois couvertes par des tuiles. En 1602, ce sera chose faite pour l’ensemble du château, mais les conditions climatiques sont telles que ces galeries sont en perpétuelle réparation, surtout quand la “tempête des vents” les emporte en 1606, 1607, 1609 et 1611.
Les postes de guet
Pour pallier le manque de visibilité dans les galeries couvertes, on installa divers postes de guet sur les remparts, principalement sur la courtine Est près du grand pont-levis, endroit le plus difficile à défendre, ainsi que sur la grande courtine Nord, derrière le corps de logis. En revanche, la grande courtine Sud dominant la vallée de la Rosselle en est totalement dépourvue, une attaque de ce côté étant quasi impossible.
Il serait vain de vouloir établir avec exactitude le nombre et la disposition des canonnières du château. Selon l’avis du gouverneur, des architectes ou des maçons, on ne fait que percer, murer et repercer à longueur de chantiers. Là aussi, souci constant : la défense efficace du grand pont-levis.
Les entrées et les pont-levis
Contrairement à ce que l’on a écrit, le pont-levis au lieu-dit Fallbrück, côté Est, était bien celui de l’entrée principale du château, donc l’endroit le plus vulnérable de la forteresse. La voûte de la porte de pierres de taille mesurait 12 pieds de haut et 7 pieds de large. Au-dessus, sur une plate-forme se trouvait un tour qui tirait la herse, en fait une grille de fer. En 1588, c’est une chaîne qui retient la grille pesant 1091 livres et coulissant entre deux montants en bois.
Nous ignorons le système utilisé pour manœuvrer le pont, mais il est vraisemblable que l’on se servait d’un pont à bascule (deux verges avec un contrepoids se logeant dans une fosse derrière la porte). En effet, il n’y a pas la moindre allusion à des chaînes remplacées ou réparées dans les comptes.
La seconde entrée était percée dans la plus courte des murailles, la courtine Ouest qui dominait l’église et la ville. Elle était certainement l’entrée la plus utilisée, mais uniquement semble-t-il par les piétons et les cavaliers, la montée y menant étant trop raide et étroite pour les charrois. Le chemin grimpait le long du rocher taillé, très abrupt. En 1587, Hans le charpentier fabrique “une neuve porte de bonne épaisseur à l’entrée du château” qui est fermée par une chaîne et un verrou. Après le coup de main d’un parti messin qui fit sauter la porte, le charpentier dut en doubler l’épaisseur en 1588. Cette porte, de 8 pieds de large, était de plus protégée par une barbacane.
Cette barbacane, encore appelée “l’advance de la tour des Prêtres”, était un ouvrage défensif avancé dont la muraille devait descendre le long du rocher depuis la tour du côté de la ville jusqu’à la place et se refermer sur la tour des Prêtres. C’est la partie la plus difficile à reconstituer, il n’en reste pas la moindre trace au sol (sauf contre la tour des Prêtres d’où part un pan de muraille qui pourrait concerner “l’advance”). Les documents ne sont guère plus explicites quant à la hauteur ou la forme de l’ouvrage.
Les tours
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LA TOUR DU CÔTÉ DE LA VILLE (à l’angle Sud-Ouest) Elle flanquait la porte haute et était aussi appelée la petite tour (diamètre 8 m) ou tour Fiacre, du nom du gardien qui l’occupait. Quant à sa hauteur, on peut l’estimer à 13-15 m, comme les autres tours d’ailleurs, sauf la tour de Lanterne, plus haute.
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LA TOUR DES PRÊTRES (à l’angle Nord-Ouest) Elle était ainsi nommée car elle se trouvait non loin des bâtiments du chapitre. Elle est parfois appelée la grosse tour, et en 1736 tour des sorcières. Cette dernière appellation a dû supplanter la première au cours du XVlle siècle après la “grande épidémie de sorcellerie” de la fin du XVIe et du début du XVlle siècle. En effet, toutes les sorcières condamnées de l’avouerie y étaient enfermées avant leur procès.
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LA TOUR FALLBRÜCK (à l’angle Sud-Est) Comme son nom l’indique, elle flanquait le grand pont-levis, ainsi que la grande courtine Sud. Son diamètre est inconnu, probablement de 9 à 10 mètres. Deux fenêtres seulement 1’éclairaient.
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LA LANTERTOUR (à l’angle Nord-Est) Également appelée la haute tour, elle faisait office de tour de guet et devait permettre de contrôler tous les alentours du château, particulièrement la route Metz-Sarrebrück. Cette obligation nous autorise à estimer sa hauteur à 20 m au moins. C’est en effet une hauteur minimale pour offrir une vision du fond de la vallée depuis le sommet de la tour, par-dessus la courtine Sud. C’était la tour la mieux entretenue.
Les grands travaux de modernisation
En 1624, le prince de Phalsbourg décide de doter son château des derniers perfectionnements de l’art de la fortification, pour adapter la défense aux nouvelles conditions des guerres et notamment aux progrès de l’artillerie. Le gouverneur Mathieu de la Salle, baron de Curel, est chargé de la coordination des travaux.
On commençe par élever un ravelin ou demi-lune au milieu de la grande courtine qui domine la vallée de la Rosselle. On édifie ensuite trois bastions “en tenaille” autour de la Lantertour, de la tour Fallbrück et de la tour côté ville.
L’espace entre l’ancienne courtine et les nouvelles murailles est entièrement comblé et terrassé. Trois manouvriers façonnent 800 fagots de 10 pieds de long et 1000 autres de 4 pieds pour asseoir la terre et décharger au maximum la muraille du poids de cette terre. Il serait fastidieux d’énumérer les ouvriers de toutes corporations concernés par cette entreprise : charpentiers, charrons, tonneliers tous chargés de fabriquer divers engins utilisés par les manœuvres (poulains, bayarts, chevalets, civières, claies, cuves et tonneaux). L’eau était charroyée depuis l’étang situé sur la Rosselle.
Pendant l’édification des nouvelles fortifications, d’autres maçons démolissent les anciennes tours maintenant archaïques et inutiles. La Lantertour est abattue la première, mais tout porte à croire que le rez-de-chaussée des tours était épargné, puisqu’on les retrouve sur le plan de 1736.
C’est en 1633 que les travaux semblent définitivement achevés.
le déclin
Trois ans avant que notre région ne sombre dans la guerre de Trente Ans, le château se trouve donc dans un excellent état général et doté d’un système défensif moderne. Et pourtant ces travaux coûteux ne pèseront pas lourd lors du grand conflit à cause de l’incohérence de la politique militaire des ducs. Paradoxalement, tout en puisant largement dans les caisses pour l’entretien de leurs châteaux, ils n’y installèrent que de maigres garnisons dotées d’un armement totalement obsolète (il n’y avait dans la solide forteresse de Hombourg que trois canons, huit arquebuses à croc, 31 balles de fonte, un peu de poudre et de la poix à brûler !) . Après la prise de Hombourg par les Français en 1634, le château fut destiné au démantèlement. Contrairement à l’idée largement répandue, la forteresse ne fut pas rasée mais simplement rendue inutilisable : probablement portes abattues et courtine principale rompue. C’est un chanoine du nom de Schrembgen qui tenant le château en bail au début du XVllle siècle, le ruina irrémédiablement pour des motifs bassement mercantiles (il vendit pierres et bois de construction aux habitants de Hombourg et environs).
Au premier plan : le Vieux Hombourg avec, à la droite de l’église, l’espace boisé où se dressait le château.
Pour en savoir plus, se reporter à l’ouvrage de Vincent Vion et André Schmitt : LE CHÂTEAU DE JACQUES DE LORRAINE Collection “Monographies hombourgeoises”