Ensemble du siège Cuvelette, Freyming-Merlebach, 1928 - 1986. Cliché H.B.L.

Naissance et développement des Houillères de Lorraine.

Extraits de l’article de François Belin. paru dans le numéro de septembre 2006 de la revue : “Le Pays Lorrain”

Cet article relate l’évolution de l’exploitation du bassin houiller de son origine au sommet de sa croissance. Un second décrira la période de décroissance jusqu’à sa fin. Par leur forme ils ne peuvent être considérés comme un historique complet des mines de charbon de Lorraine, mais seulement comme un rappel d’une longue épopée industrielle.

Origines de l’exploitation de la Houille en Lorraine

L’exploitation de la houille en Lorraine a commencé en 1835 à Schoeneck, mais elle s’‘inscrit dans la longue histoire du bassin minier sarro-lorrain où le sous-sol du Warndt et de la Sarre recèle à faible profondeur des minerais (cuivre, plomb, fer, houille) qui ont permis, avec l’omniprésence de la forêt et la proximité des salines du Saulnois, le développement d’une notable proto-industrie verrière, métallurgique et céramique dès le XVIIe siècle.

Situé entre le massif du Hunsruck au nord et le plateau lorrain au sud, le gisement houiller sarro-lorrain est constitué par l’affleurement des terrains carbonifères provoqué par les bouleversements tectoniques et les érosions des ères géologiques successives. Orienté NE-SE, ce gisement s’étend sur une longueur de 80 km, de Frankenholz en Sarre à Faulquemont en Moselle. Il est essentiellement localisé dans la dépression du Warndt. Les terrains houillers affleurent en Sarre et s’enfoncent en Lorraine sous des couches de morts terrains, grès triasiques extrêmement aquifères. Il se poursuit vers Pont-à-Mousson à une profondeur qui ne permet plus une exploitation rentable.

L’utilisation du charbon de terre s’était développée en Sarre à partir des grattages anciens des couches affleurantes dès le XVIe siècle, donnant lieu au début du XVIIIe siècle à une extraction proto-industrielle de petite importance. En 1776, le prince Wilhelm Heinrich de Nassau-Saarbrücken réglementa et afferma l’exploitation houillère. Dans le bailliage d’Allemagne du duché de Lorraine, les moines de Vaudrevange (Wadgassen) exploitèrent le gisement d’Hostenbach dès 1750.

Après l’annexion française de la période révolutionnaire, le gisement sarro-lorrain fut reconnu systématiquement par les ingénieurs du corps impérial des mines Beaunier et Calmelet. Leurs travaux aboutirent à la publication par l’Inspecteur Général Duhamel de l’ “Atlas des concessions des terrains houillers de 1a Sarre”. En même temps, était créée l’École des Mine de Geislautern. Le second traité de Paris, en 1815, ayant attribué le gisement sarrois à la Prusse, des industriels lorrains, pour éviter les droits de douane, commencèrent à rechercher la houille du côté français de la nouvelle frontière et demandèrent des concessions. Le gisement lorrain, prolongement sud du bassin sarrois, a donc été mis en exploitation beaucoup plus tard que ses homologues européens pour des raisons géologiques, économiques, historiques et techniques.

Les compagnies pionnières

Une première concession fut accordée par ordonnance royale du 20 septembre 1820, à MM. Thiriet, Gangloff et Rupied qui constituèrent, le 9 juin 1821, la “Compagnie des mines de houille de Schoenecken”, à proximité immédiate de la frontière prussienne ; cette entreprise qui fonça le premier puits d’extraction du bassin houiller mosellan vécut un très modeste démarrage de l’exploitation en 1835, rencontrant de nombreuses difficultés techniques et financières.

De 1835 à 1870, la production charbonnière démarra lentement en Moselle. La reprise de la concession par le maître de forges Charles de Wendel en 1846, sous le vocable de “Compagnie des Houillères de Stiring” aboutit à une véritable production industrielle à Petite-Rosselle. Élément capital pour l’industrialisation de la région, la création de la ligne de chemin de fer de Metz-Saarbriïcken en 1852, permit de transporter à meilleur coût houille et minerai de fer et offrit un marché pour les produits sidérurgiques des hauts-fourneaux de Stiring.

À partir de 1857, plusieurs concessions furent accordées à diverses compagnies minières qui recherchèrent la houille à l’ouest et au sud du Warndt : Carling (1857), l’Hôpital (1857), Hohwald (1857), La Houve (1858), Falck (1859), Ham (1862), Boucheporn (1862), la Forêt (1862), Dalhem (1863} etc.

Période allemande : 1871-1918

En 1871, l’annexion intégra le Pays minier dans l’espace économique de l’Empire allemand dont la législation permit le regroupement de plusieurs petites concessions minières de l’ouest du bassin par “Saar und Mosel Bergwerks-Gesellschafts” fondée en 1873 avec des capitaux belgo-français. Cette compagnie rencontra d’énormes difficultés techniques avec les venues d’eau dans les grès des morts terrains, ce qui amena, en 1899, son rachat par un important groupe industriel allemand (Dresdner Bank, Hugo Stinnes, August Thyssen) sous la dénomination de “Saar und Mosel Bergwerks Aktiengesellschaft zu Karlingen”. La société connut alors un réel développement avec le fonçage de plusieurs puits et la construction à Carling d’une batterie de 40 fours à coke.

À l’est, la “Compagnie des Houillères de Stiring”, regroupée avec la concession de Schoeneck et celle de Forbach par acte du 24 août 1907, fut désormais exploitée sous le nom de “Houillères de Petite-Rosselle” par la Société “Les Petits Fils de François de Wendel”. Au nord-ouest, la “Société de la Forêt de la Houve”, titulaire en 1858 de la concession de la Houve, entreprit des recherches difficiles. Devenue en 1889 “Bergwerks-Aktiengesellschaft la Houve”, elle réussit à foncer plusieurs puits à Creutzwald. Pour assurer les débouchés d’un charbon difficilement commercialisable, cette société constitua avec “Saar und Mosel”, la “Société Alsacienne et Lorraine d’Électricité” (SALEC) qui, depuis sa centrale de la Houve, desservit une partie du département.

Au sud-ouest du bassin, la société “Internationale Kohlenbergwerks-Aktiengesellschaft”, constituée à Cologne le 19 janvier 1906, s’était fait accorder un ensemble de concessions. Elle entreprit dès 1907 le fonçage de deux puits à Folschviller qui furent abandonnés en 1911 à la suite de trop importantes venues d’eau.

La production du bassin charbonnier lorrain monta de 309 000 tonnes en 1870 à 3,8 Millions de tonnes en 1913. Cette période vit une augmentation notable de la population, la mine étant à l’époque essentiellement une industrie de main-d’œuvre, avec un appel à la population des campagnes lorraines, l’immigration de Sarrois, d’Allemands et de Polonais venus des provinces polonaises de l’empire allemand en passant souvent par les mines de la Ruhr. Pour loger ces immigrés dans une région encore peu peuplée, les compagnies minières durent construire des cités et les équiper d’écoles, d’institutions sociales, d’églises, etc. Ceci était d’autant plus nécessaire qu’elles devaient faire face à la concurrence des mines prussiennes qui géraient les houillères de la Sarre et accordaient des avantages sociaux à leur personnel. Ainsi se développait en Moselle-Est un type de vie sociale marqué par la prééminence de l’industrie lourde et la dépendance des populations et des collectivités locales vis-à-vis des Compagnies minières.

En 1907, le bassin connut sa première grande catastrophe minière au puits Vuillemin à Petite-Rosselle, qui fit 83 morts !

Encore peu nombreux, et provenant d’origines diverses, les mineurs lorrains ne créèrent que lentement leurs organisations syndicales, dans le cadre de la législation propre au Reichsland Elsass-Lothringen. La grève de 1889 fut un élément important de cette évolution avec “l’Association de défense des droits de la population minière de Petite-Rosselle” créée par Nicolas Koenig et autorisée le 7 décembre 1889.

Période de l’entre-deux-guerres

Le retour à la France en novembre 1918 fut marqué par de très importantes grèves des mineurs en décembre 1918 et au cours de l’année 1919, notamment pour des raisons économiques et de change, mais aussi à la suite des difficultés de réadaptation à l’administration française centralisatrice. Le 3 janvier de cette même année, un grave accident fit 36 tués au siège Sainte-Fontaine.

À partir de 1919, la production, 2,5 Millions de tonnes, reprit dans le cadre de l’espace économique français qui intégrait également le gisement sarrois exploité par les “Mines Domaniales de la Sarre” sur le territoire du “Saargebiet”, entité sous administration de la Société des Nations en application du traité de Versailles. Pour des raisons techniques et économiques, les Mines Domaniales ne pouvaient pas exploiter le gisement situé sous la massif du Warndt, trop éloigné des puits sarrois, aussi l’État français amodia le 1er juillet 1927 ce gisement dénommé “Mines de Gross-Rosseln” à la “Société les Petits-Fils de François de Wendel” qui commença à l’exploiter à partir des puits voisins de Saint-Charles et de Vuillemin situés à Petite-Rosselle.

Pour les compagnies minières, s’il n’y eut aucun changement aux Houillères de Petite-Rosselle, propriété de la “Société les Petits-Fils de François de Wendel et Cie”, par contre la Société “Saar und Mosel”fut mise sous séquestre, le 10 janvier 1919, par le tribunal de Sarreguemines, et le gisement remis aux houillères sinistrées du Nord et du Pas de Calais à valoir sur leurs créances de dommages de guerre. Ces Compagnies créèrent, le 12 décembre 1919, la “Société Houillère de Sarre et Moselle” à qui l’État français amodia pour 99 ans la concession. Pour des raisons identiques à celles de Gross-Rosseln, l’État français amodia, le 10 mai 1924, la concession de Karlsbrunn-St Nikolaus en Sarre à la “Société Houillère de Sarre et Moselle” qui l’exploita à partir de sièges de Merlebach et de Sainte-Fontaine. Pendant cette période, “Sarre et Moselle” fut endeuillée par la catastrophe du puits Reumaux, le 26 mars 1925, à Merlebach où 56 mineurs furent tués dans la chute d’une cage. “Bergwerks-Aktiengesellschaft la Houve”, devenue en 1930 “La Houve, Société Anonyme des Mines et d’Electricité” à capitaux alsaciens, amodia, le 14 janvier 1931, sa concession et son exploitation à “Sarre et Moselle”.

À Folschviller, “Internationale Kohlen-Bergwerks Aktiengesellschaft” devenue “Compagnie des Mines de Saint-Avold “ entreprit sur le site de Fiirst le fonçage de deux nouveaux puits qui n’étaient pas encore achevés au déclenchement de la guerre en 1939.

À l’extrémité ouest du gisement, la “Société des Charbonnages de Faulquemont”, créée le 22 mai 1920, entreprit de faire foncer deux puits par des entreprises allemandes dans le cadre des réparations de guerre 1914-1918. Ils furent mis en service en 1936.

Mais le contexte politico-militaire de rentre-deux-guerres et la situation du gisement mosellan en avant de la ligne Maginot ne favorisa pas l’essor des bassins frontaliers sarrois et lorrain, marginaux par rapport aux grands bassins nationaux de la Ruhr et du Nord-Pas-de-Calais. La production du gisement mosellan passa de 3,8 Millions de tonnes en 1913 à 6,7 Millions de tonnes en 1938, et à cette date, les compagnies houillères lorraines comptaient 24 666 agents.

Après le retour de la Sarre à l’Allemagne en 1935, et la réannexion temporaire de la Moselle au IIIe Reich allemand à partir de 1940, les deux bassins ont vécu avec la guerre de 1939-1945 la dégradation puis d’importantes destructions de leurs installations minières. Les Compagnies françaises avaient été mises sous séquestre, le 13 juillet 1940, Petite-Rosselle intégrée aux “Reichswerke Hermann Goering”; “Sarre et Moselle”, Faulquemont et Saint-Avold (Folschviller) furent contrôlés par “Saargruben Aktiengesellschaft”. C’est en 1942 que la première tonne de charbon fut extraite du puits Fiïrst à Folschviller.

En conclusion de ce rappel préalable, il faut bien garder à l’esprit que l’évolution économique, humaine et technique du bassin houiller lorrain s’est réalisée de 1870 à 1959 - près de 90 ans dans un espace économique commun Moselle-Sarre, à l’exception de la période 1935-1940.

Les Houillères du Bassin de Lorraine et la reconstruction.

À partir de 1945, l’immense besoin de houille pour fournir l’énergie nécessaire à la reconstruction du pays, “la Bataille du Charbon”, conduisit l’État français à nationaliser les Compagnies lorraines le 17 mai 1946 avec la création, par décret du 28 juin 1946; dans le cadre de l’entité “Charbonnages de France” d’un “Établissement public national de caractère industriel et commercial”, les “Houillères du Bassin de Lorraine” (HBL).

Ces dernières se trouvèrent de nouveau englobées jusqu’en 1959 dans un même espace économique (français) avec leurs sœurs et concurrentes, les houillères sarroises. En effet, le territoire de la Sarre ayant de nouveau été séparé de l’Allemagne après la capitulation du IIIe Reich, les houillères sarroises furent exploitées par la “Régie Française des Mines de la Sarre”, puis après le référendum de retour à la République Fédérale en 1955 et le traité franco-allemand du 27 octobre 1956 par “Saarbergwerke A.G.”.

Le dénoyage, la reconstitution des installations minières et la reprise de l’exploitation s’effectua dans le cadre d’une modernisation intense exigeant en sus d’énormes moyens financiers, une augmentation numérique considérable du personnel ; la mine était encore à cette époque avant tout une industrie de main-d’œuvre.

Cette véritable épopée industrielle devait se réaliser dans une région ayant subi de très nombreuses destructions immobilières (n’oublions pas que le front germano-américain fut immobilisé entre Forbach et Saarbrùcken tout l’automne et l’hiver 1944-1945) et dont une partie de la population avait dû fuir.

Pour accomplir sa mission, HBL dut simultanément lancer des investissements considérables et recruter de la main-d’œuvre de toutes provenances. Au personnel traditionnel (habitants des cités provenant en partie de l’ancienne immigration polonaise, sarrois du proche Warndt, mineurs-paysans des campagnes lorraines) on dut ajouter des personnes déplacées qui avaient été entraînées dans le reflux de la Wehrmacht depuis l’Ukraine ou les Balkans, des prisonniers de guerre allemands en attente de libération (11 400 en 1946) puis des ouvriers venus du sud européen, généralement d’origine rurale.

Si de nombreux immigrés étaient célibataires, d’autres étaient accompagnés de leurs familles. Pour loger ces dernières, les 9 000 logements propriétés des anciennes compagnies souvent partiellement détruits ne suffisaient évidemment pas, HBL fît donc construire en urgence plus de 3 000 logements en baraques qui subsistèrent jusque dans les années 1960.

Cette période de reconstruction vit la production passer de 2,2 Millions de tonnes à 10,3 Millions de tonnes, les rendements de 1,2 tonne/jour par homme au fond à 1,7 tonne/jour et les effectifs de 29 300 en 1945 à 45 000 en 1947.

Mais les séquelles de la guerre, les pénuries, notamment alimentaires, se traduisaient par des difficultés de vie considérables pour les populations minières qui s’estimaient peu récompensées de leurs efforts dans la fameuse “Bataille du Charbon”. Le bassin connut en 1947 et 1948 des grèves très sérieuses et même violentes avec la mort d’un mineur à Merlebach en 1948.

Maisons construites dans les années quarante, place Sainte-Barbe à Folschviller. Cliché F. Belin.

La croissance et les “Grands Ensembles Miniers” : 1949 - 1955

La politique de l’État (actionnaire unique de l’entreprise) s’inscrivait dans le cadre des Plans de modernisation et d’équipement qui allaient rythmer pendant de longues années la marche de l’économie française. À cette époque, la place de la houille était encore fondamentale dans l’économie nationale et mondiale ; elle allait d’ailleurs devenir un enjeu essentiel dans la constitution des institutions européennes avec la création en 1951 de la “Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA)”.

L’objectif du Plan gouvernemental était pour la Lorraine de parvenir pour 1965 à la production de 17 Millions de tonnes de houille par an. Pour tenter d’atteindre ce but ambitieux, HBL développa dans le cadre des Charbonnages de France, une politique de constitution de “Grands Ensembles miniers” avec rationalisation de l’exploitation, concentration des chantiers, électrification des installations du fond, ce que l’évolution des techniques permettait.

Ces développements, avec l’augmentation de la production se traduisaient aussi par une transformation des installations de surface, lavoirs, ateliers, centrales thermiques, cokeries, réseaux de chemin de fer (400 km de voies ferrées HBL), etc. Un nouveau paysage industriel prit forme occupant une surface toujours croissante de la dépression du Warndt, cœur du bassin houiller.

Les nouvelles méthodes impliquaient plus qu’une augmentation des effectifs, une amélioration de la compétence technique des mineurs dont la seule qualité n’était plus la force et l’endurance physique, mais aussi la capacité à conduire des machines de plus en plus complexes et à s’intégrer dans un processus d’exploitation évolutif. Les anciens Centres d’Apprentissage se transformèrent en établissements d’enseignement technique spécialisés conduisant au CAP de mineur avec des filières de poursuite d’études vers la maîtrise et les écoles d’ingénieurs.

Parallèlement au développement de l’industrie extractive, HBL poursuivit vigoureusement la politique de valorisation de la houille, déjà engagée par les anciennes Compagnies minières, avec production d’électricité, de coke et création d’une carbochimie, dans l’optique d’un développement et d’une diversification industrielle basés sur le charbon lorrain.

C’est cette expansion très rapide, conjuguée à celle de la sidérurgie lorraine (Sollac) qui suscita l’expression “Texas lorrain” attribuée à la Lorraine industrielle de l’époque.

Mineur guidant une haveuse pour extraire le charbon. Cliché H.B.L.

L’Urbanisation du Bassin

Pendant la période 1952-1965, la politique du logement du personnel connut un essor considérable. Il fallait loger bien sûr les nouveaux arrivants, venus notamment de Sicile et de Sardaigne, mais aussi reloger les habitants des cités de baraques. Dès 1952 un programme de construction annuel de 1 500 logements était lancé par HBL. Ce point mérite du fait de son impact sur les travailleurs et leurs familles et plus généralement sur le bassin, quelques précisions.

La politique traditionnelle des industriels français était, dans les régions où l’habitat existant était insuffisant, de loger leur personnel. Cette façon de faire des Compagnies minières, souvent qualifiée de paternaliste, correspondait en fait à une nécessité concrète puisque le marché immobilier local inexistant ne permettait pas aux mineurs de se loger personnellement. De plus, cela assurait la stabilité et un certain contrôle de la main-d’œuvre qui bénéficiait, outre le logement gratuit et la fourniture de charbon, de multiples avantages sociaux. Au fil des ans, un réseau complet d’institutions sociales avait vu le jour, depuis les consultations pour nourrissons, les “gouttes de lait”, les colonies de vacances, les écoles ménagères, les assistantes sociales, les foyers pour personnes âgées, les centres d’apprentissage, les transports d’élèves, etc. Le Statut du Mineur, promulgué en 1946, avait confirmé ces pratiques anciennes et accordé des avantages sociaux supplémentaires.

Il convient de rappeler en outre le régime particulier d’assurances sociales, héritier des dispositifs anciens de caisses de solidarité (Knappschaft) et du système bismarkien de 1884 et les diverses œuvres sanitaires et sociales, les Caisses de Sécurité Sociale Minière : consultations médicales, dispensaires, hôpitaux, centres de vacances, etc.

Cette prise en charge des besoins de la population minière allait jusqu’à la création d’un réseau de coopératives à succursales lié à l’entreprise (Konsum, puis SAMER), et même pour pallier les difficultés d’approvisionnement, à l’organisation directe par HBL d’un train complet annuel de pommes de terres, des régions productrices vers le bassin !

Notons cependant que la population lorraine des mineurs-paysans échappait partiellement à ce schéma, puisqu’ils habitaient dans leurs villages, ce qui représentait près de la moitié du personnel dans les années 1950-1960. Des services d’autocar assuraient quotidiennement le transport de ces ouvriers de leur domicile jusqu’aux différents sites miniers. Ainsi, à la différence de l’industriel sarrois qui préférait donner des primes à son personnel, à charge pour lui de se loger dans le site urbanistique local, l’industriel lorrain plaçait son personnel dans une situation d’assistance. Il s’imposait de gérer un lourd parc immobilier et un service de transport avec toutes les sujétions financières et sociales que cela entraînait.

HBL engagea un programme de construction de 15 000 logements dans le bassin houiller. Comme les terrains disponibles manquaient dans la dépression du Warndt, les extensions de localités existantes ne suffisant plus, il fallut implanter de toutes pièces de nouvelles bourgades sur le plateau lorrain. C’est ainsi que furent notamment créées les cités de Farebersviller (1 780 logements), Rouhling (360 logements), Behren (2 600 logements), etc. Dans ces nouveaux ensembles comme dans les autres localités, HBL développa une politique d’animation sociale et culturelle et d’organisation des vacances familiales qui complétaient les “œuvres sociales” traditionnelles évoquées plus haut, avec construction de foyers et mise à disposition d’animateurs recrutés parmi les agents de l’entreprise qualifiés.

Ceci peut paraître désuet, mais il convient de rappeler que dans les conceptions de l’époque (1950-1965) les Houillères Nationales étaient considérées par les pouvoirs publics et les municipalités comme investies d’une sorte de délégation de puissance publique les chargeant de tout : achat des terrains, création des voiries, aménagements urbains, équipements sociaux et culturels, etc.

En fait, l’industrialisation et l’urbanisation du bassin étaient laissées à HBL considéré ainsi comme une institution plutôt qu’une entreprise, et l’on estimait qu’HBL faisait vivre une population de près de 200 000 habitants dans le triangle Boulay, Morhange, Bitche.