« Ange tenant le médaillon de Jean des Porcelets de Maillane, avec la Foi et l’Espérance » (César Bagard - Musée Lorrain - Photo P. Mignot)
Jean Des Porcelets De Maillane Évêque et Comte de Toul (1581 - 1624) Abbé de Saint-Avold et fondateur de Porcelette
Extraits de l’article de Roland WILHELM paru dans le « Cahier Naborien » n° 9
En ce début du XVIIe siècle une paix relative régnait en Lorraine tant ducale qu’évêchoise. Les séquelles des guerres de Religion s’estompant, un vigoureux essor démographique relança la colonisation agricole. Demandes de défrichement et autorisations accordées par les seigneurs laïcs ou ecclésiastiques en attestent la vivacité.
La fondation d’une trentaine de villages nouveaux de 1600 à 1630 en est l’aspect le plus spectaculaire. Fruits de l’émulation de fondateurs éponymes, ils coupent en diagonale le nord-est de l’espace lorrain de St-François-Ia-Croix (1614) à Brouderdorff, œuvre fraternelle de cinq seigneurs de Lutzelbourg (1616). A Givricourt (1609) fondé par le cardinal de Givry, évêque de Metz, répond Porcelette (1611) créé par Jean des Porcelets de Maillane, évêque de Toul et abbé de Saint-Avold, intercalé entre Creutzwald, construit par la famille verrière des Condé (1607), Henriville (1608), Willerwald (1618). Furent également fondés à cette époque Diane-Capelle, Henridorff, Saint-Louis, Bickenholz, Charleville, Saint-Bernard, et Valette, face à Henrivi1le en 1610 par Louise de Valette, abbesse de Sainte-Glossinde. Cette prolifération juxtapose des projets différents. Les uns sont strictement économiques, d’autres de type pionnier. Ainsi Porcelette amorce l’investissement et l’exploitation du Warndt. Outre les surprises toponymiques qu’il introduit, ce mouvement original impose partout le village-rue et l’assolement triennal et installe des îlots romanophones au-delà de la frontière linguistique. Le succès est rapide. Prévu pour trente familles, Porcelette en compte cinquante-cinq en 1621.
Son fondateur est issu d’une vieille famille provençale. Les Porcelets furent, en effet, seigneurs en ARLES, aux BAUX, de FOS, de MARTIGUES, de VERNEGUES, de MAILLANE , etc.
André des Porcelets de Maillane suivit en 1527 Claude de France, épouse de Henri Ier, duc de Lorraine, et devint écuyer du duc, gouverneur et bailli d’Epinal. Il épousa en 1542 Catherine de VALHEY, petite localité près d’Einville au Jard (canton de Lunéville). Leur fils Jean occupera d’importantes charges auprès du duc de Lorraine puisqu’il fut chambellan du duc, bailli à Metz, finalement maréchal du Barrois et de Lorraine. En 1571, il épousa Esther d’Apremont de la famille de Lorraine. Quatre enfants naquirent de cette union: André, JEAN, Catherine et Paul.
JEAN vit le jour le 14 août 1581 à VALHEY. Eduqué par sa tante, Madame d’Apremont, chanoinesse de Poussay (Vosges), il poursuivra ses études à la célèbre université de Pont-à-Mousson et à Ingolstadt. Attiré par l’état ecclésiastique, il fit sa théologie à Pont-à-Mousson puis à Rome. Il revint à Pont-à-Mousson pour y passer sa licence de droit et retourna à Rome où le pape Clément VII le nomma, en 1604, camérier secret. Il exerça ces fonctions sous les pontificats de Léon XI et de Paul V. Le duc de Lorraine, Charles III, le choisit comme résident à Rome pour défendre les affaires de la Lorraine auprès de la Cour Pontificale. Négociateur habile, il jouit d’une grande et sympathique considération à Rome comme à Nancy.
Dans l’intimité du Souverain Pontife, Paul V le chargea d’une délicate mission en Angleterre (1606) auprès de Jacques Ier. Ce roi, fils de Marie Stuart, elle-même fille de Marie de Guise de Lorraine, reine d’Ecosse! était un adversaire acharné des catholiques. Alarmé, le pape demanda à Charles III d’envoyer Jean, en leur nom, intercéder auprès du royal cousin pour obtenir quelque adoucissement à la position des catholiques cruellement persécutés. Jean des Porcelets eut plusieurs entretiens avec le roi mais n’obtint que de piètres concessions. Il avait néanmoins mis tout en œuvre pour donner satisfaction à Paul V et au duc de Lorraine.
En 1606, il devint abbé commendataire des abbayes de Saint-Mansuy de Toul et de Saint-Avold (ce qui suscitera plus tard la création de Porcelette). Fin avril 1607, l’évêque de Toul mourut. L’évêché ainsi que ceux de Metz et Verdun étaient déjà de fait depuis 1552 dans l’orbite française. (Ils seront rattachés de droit en 1648 par le traité de Westphalie).
Il convenait de pourvoir le siège vacant d’un candidat agréant tant au roi de France qu’au duc de Lorraine et au Saint-Siège. Jean des Porcelets, bien connu du duc, du pape, parent même de Henri IV, roi de France, devenait le candidat idéal. Il fut nommé évêque le 26 novembre 1607 avec une dispense papale (il n’avait que 26 ans !).
Le 19 décembre 1607, il prêta lui-même serment entre les mains du pape. Le 27, il fut solennellement consacré par le cardinal Bellarmin en l’église Sancta Maria della Scala à Rome. S’il a prêté serment de fidélité le 8 juillet 1608 à Fontainebleau à Henri IV, il n’en a pas fait autant à l’empereur germanique Rodolphe II quoique par sa nomination à l’évêché il devenait comte de Toul et prince du Saint Empire Germanique.
Le début de son épiscopat fut marqué par le décès, le 14 juillet 1608, de Charles III. La pompe funèbre que présida Jean des Porcelets fut grandiose.
Jean des Porcelets de Maillane dans le cortège lors des funérailles du duc de Lorraine Charles III
L’évêché, un des plus vastes du royaume, était dans un état déplorable. Son administration politique et temporelle était difficile. Etait-il français, germanique ou lorrain ? Le nouveau prélat se trouvait confronté à ces diverses tendances des uns ou des autres membres du clergé ou de la noblesse. Il favorisera finalement la primauté française. Quant au spirituel, la tâche était encore plus ardue. Chose qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait faite jusque-là, il visita toutes les terres du diocèse. N’oublions pas que cette époque était encore sous le coup des guerres de Religion. Montée du protestantisme, relâchement des pratiques religieuses, hérésie, sorcellerie, voilà ce qu’il trouva ! Face à quoi, un clergé régulier et séculier peu nombreux, souvent corrompu, indiscipliné, ignorant et indigent. Des évêchés voisins, celui de Verdun était dans un état à peu près identique, car l’évêque ERRIC de Lorraine était incompétent; celui. de Metz, sous la haute direction du cardinal de GIVRY, était seul en bonnes mains.
Dans un premier temps, il employa utilement les Pères Jésuites, les Capucins et les Cordeliers à instruire le peuple. Tout au long de son épiscopat, il s’ingéniera à susciter de nouvelles vocations, à réformer le clergé séculier et régulier, à encourager toutes les créations de nouvelles congrégations d’une manière très active. Jean des Porcelets réglementa le rituel, publia des statuts synodaux, etc. Il s’occupa toujours très activement de son clergé et partout où sa présence était nécessaire, partout où il pouvait contribuer à la gloire de Dieu et de l’Église, il ne manquera pas de le faire. Il fut chargé en outre par le pape en 1610 de réformer tous les monastères des Trois Evêchés. C’est ainsi que dans le diocèse de Metz, il s’occupera de l’abbaye Saint Arnoul de Metz, de celles de Bouzonville et de Saint-Avold qui fut l’une des premières à accepter la réforme préconisée par le concile de Trente.
Son action portera également sur la réforme des ordres féminins. En 1611, il fut chargé de l’administration de l’évêché de Verdun. Le pape Grégoire XV, à qui il avait présenté en 1621 ses hommages à Rome, lui donna en 1623 tous les pouvoirs pour réorganiser tous les ordres des duchés de Bar et de Lorraine. Jean des Porcelets était devenu un prélat important. On pensait même pour lui au chapeau de cardinal.
Dès le début de son épiscopat, il se lia d’amitié avec le futur Saint PIERRE FOURIER (né à Mirecourt, Vosges) et travailla avec lui à la réforme des Augustins et à la fondation de la Congrégation Notre-Dame, aidés en cela par mère ALIX LE CLERC.
Avec l’aide financière de son ami le duc Henri II et d’autres généreux donateurs, il fonda à Nancy un collège de Jésuites dont il paya à lui seul la construction de l’église.
Une autre facette de Jean des Porcelets était son goût pour les arts. Lui-même taquina la muse de la poésie. Il encouragea le jeune Jacques CALLOT, devenu un célèbre graveur, en lui commandant à dix-huit ans de graver l’arbre généalogique des Porcelets depuis l’origine (972) à l’époque présente (1610). Plus tard, pour remercier l’évêque de ses largesses, Callot lui dédiera une gravure “Le miracle de Saint Mansuy”, premier évêque de Toul, où l’on voit le saint représenté sous les traits de Jean des Porcelets. Sur le bas de la chape figurent ses armes reprises dans le blason de Porcelette : au pourceau d’or passant de sable.
Datée de 1621, année qui vit le retour de Callot à Nancy, cette estampe a pour thème un miracle attribué au premier évêque de Toul, Mansuy (IVe siècle) représenté ici sous les traits de Jean des Porcelets de Maillane, identifié par ses armes rapportées sur la chape. La mise en scène évolue selon deux lectures de la tradition, la première voulant que le saint ait rendu la vie au jeune fils du roi noyé dans la Moselle (1er état), la seconde qu’il ait été frappé par une balle lors d’un jeu de paume (les 8 états suivants). Le paysage qui occupe le fond de la scène reproduit le site de Toul dont on reconnaît la cathédrale, le Mont-Saint-Michel et l’abbaye Saint-Mansuy, établie dans les faubourgs de la ville, représentée ici comme un édifice à rotonde.
D’une activité débordante, il ne ménagea pas sa santé. Il tomba malade peu après le décès de son ami le duc Henri II (31 juillet 1624). Le père Fourier se rendit à son chevet de longs instants. Jean des Porcelets s’éteignit le 14 septembre 1624, le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix, en son hôtel de la rue des Augustins à Nancy, dans la 44ème année de son âge et la 17ème de son épiscopat. Il fut inhumé dans l’église du collège qu’il fonda. Cette église a hélas disparu mais on peut admirer le cénotaphe de notre évêque dans la chapelle des Cordeliers à Nancy.
Jean des Porcelets de Maillane fut, dans toute la plénitude du terme, un prêtre pieux et instruit, un évêque éclairé et digne, un réformateur charitable et dévoué. Toutes ses actions religieuses, importantes à l’époque des conciles successifs les ont profondément modifiées ou effacées. De son œuvre et de son nom, il ne subsiste que Porcelette.
Dans la thèse que Henri Tribout de Morembert lui consacra en 1936, nous relevons en conclusion ces mots : “Alors que tant de villes et de villages se sont dépeuplés et se dépeuplent encore, celui-ci n’a fait que suivre une courbe ascendante. L’évêque de Toul serait fier de son œuvre “.