Regards sur la vie religieuse à Lachambre d’après les visites pastorales (1698 - 1789)

Extraits de l’article de Sandrine Belvoix paru dans le « Cahier Naborien » n° 15 Photos Bernard Becker

Sous l’épiscopat de Georges d’Aubusson de la Feuillade (1669-1697), le diocèse de Metz entre dans une phase de reconstruction et d’imprégnation de la Réforme Catholique qui passe par l’application des décrets tridentins. Le Concile de Trente a revalorisé la visite pastorale. Les Pères ont un but précis : « établir une doctrine pure et orthodoxe en bannissant toute hérésie, maintenir les bonnes mœurs, corriger les mauvaises, animer par des remontrances et des exhortations le peuple en faveur de la religion, de la paix et de l’innocence (de la vie) et régler toutes autres choses que la prudence des visiteurs jugera utiles et nécessaires pour l’avancement des fidèles, dans la mesure où le permettront le temps, le lieu ou l’occasion ». La visite pastorale devient un moyen pour l’évêque de contrôler le clergé et les fidèles ainsi qu’un moyen d’informations. Pour nous, elle nous montre les progrès de la Réforme, les centres d’intérêt des évêques. Cependant, il faut se méfier de cette source, certes importante, pour essayer de comprendre la vie religieuse à cette époque, car l’archiprêtre peut ne pas être objectif, omettre certains éléments, en particulier au début du XVIIIe siècle.

Lachambre est visité six fois par l’archiprêtre de Saint-Avold, nombre moyen de visites par village dans l’archiprêtré de Saint-Avold. Mais cela est loin des exigences des Pères du Concile qui préconisaient une visite tous les ans. Nous pouvons supposer que des comptes-rendus de visites pastorales ont dû être perdus. On a dégagé quatre rubriques dans les comptes-rendus de visite pastorale : « aspects temporels (collation des cures, répartition des dîmes…), les questions matérielles (état des églises, du linge, du mobilier…), le comportement religieux et moral du curé, la vie religieuse et morale des paroissiens ».

À partir de là et avec quelques documents annexes, nous allons essayer d’étudier la vie religieuse à Lachambre au XVIIIe siècle.

Petit aperçu de la situation de Lachambre

Lachambre, situé sur le plateau lorrain, à 7 km au sud de Saint-Avold, appartient au duché de Lorraine qui depuis 1737 a perdu son indépendance et est administré par un intendant français, Chaumont de la Galaizière. En 1766, à la mort de Stanislas, la Lorraine est définitivement réunie à la France.

Au niveau religieux, Lachambre fait partie du diocèse de Metz. Ce dernier est constitué de quatre archidiaconés : Metz, Marsal, Vic et Sarrebourg. Ceux-ci se subdivisent en archiprêtrés. Lachambre est l’une des trente-deux paroisses qui composent l’archiprêtré de Saint-Avold en 1789. La carte paroissiale de l’archiprêtré de Saint-Avold est en évolution au cours du XVIIIe siècle. En 1753, la paroisse de Lachambre s’agrandit. Les habitants de Holbach demandent le démembrement de leur village à la paroisse d’Ebersviller et son union à celle de Lachambre. Les raisons sont évoquées dans cet extrait de la demande faite par les habitants de Holbach : « Le village est composé de 30 feux et de 100 communiants. Il est distant de Petit-Ebersviller de près de cinq quarts de lieue. Le chemin est mauvais. Il est coupé de plusieurs fossés et plusieurs monticules qui le rendent presque impraticable en hiver. Le plus grand nombre d’habitants ne remplissent que très rarement leur devoir de paroissiens. Ils ne peuvent recourir que difficilement au curé pour les secours des malades. Holbach n’est distant de Lachambre que d’un quart de lieue. Les habitants y remplissent le plus souvent leur devoir de chrétiens. Ils sont prêts à aider à l’agrandissement de l’église de Lachambre ». Après enquête, l’évêque a ordonné le rattachement de Holbach à la paroisse de Lachambre.

Au niveau démographique, Lachambre regroupe 286 habitants en 1735 et 220 en 1751. Cette paroisse enregistre une perte de 23 % de sa population. Plusieurs villages de l’archiprêtré sont dans ce cas. Le début de la baisse de la fécondité entraînée par la baisse de la nuptialité et le recul de l’âge au mariage en particulier chez la femme ainsi que le recul de la mortalité notamment au niveau de la mortalité des femmes en couches avec le développement de l’obstétrique sont à l’origine de ce ralentissement démographique.

Enfin, comme le reste de l’archiprêtré de Saint-Avold, Lachambre se situe en partie germanophone. Malgré le contrôle français puis l’intégration, la langue parlée reste l’allemand.

Carte extraite des « Cahiers Lorrains » - Numéro de septembre 2004

L’organisation de l’espace paroissial

L’église au centre de cet espace

Tous les édifices sont dédiés à un saint qui protège la paroisse. La Réforme conteste le culte des saints. Le Concile de Trente réaffirme que « l’invocation des saints est bonne et utile dans la mesure où les saints peuvent demander à Dieu des bienfaits pour les fidèles, leurs frères en humanité par l’intermédiaire du Christ ». L’église de Lachambre a pour saint patron saint Martin. Il appartient à la catégorie des saints du premier millénaire. C’était un militaire. Un jour, voyant un pauvre, il partage son manteau en deux pour le couvrir. La nuit suivante, le Christ lui apparaît vêtu de la moitié de son manteau. Il se convertit au christianisme et fonde un monastère. Il meurt en 397. Son culte va dans le sens de la lutte contre le paganisme. Dans le diocèse de Metz, il est le patron de 55 paroisses.

Les comptes-rendus des visites pastorales nous permettent d’étudier l’évolution des bâtiments, des ornements, du mobilier… et de connaître les exigences de l’évêque. Ce dernier, par l’intermédiaire de l’archiprêtre, essaie de redonner à l’église et à l’ensemble des éléments du culte liturgique son caractère sacré. Dans un premier temps, il s’intéresse au bâtiment lui-même. En 1698, ce dernier est en mauvais état. Il le reste longtemps malgré les ordonnances de l’évêque. En 1743, il est même frappé d’interdit. Les habitants en demandent la levée. Ils promettent de bâtir et de s’acquitter de tout ce qui est à leurs charges.

Mais, lors de la visite pastorale de 1751, le chœur et la nef menacent toujours ruine. En 1753, l’église est enfin reconstruite. Par manque d’informations, nous pouvons supposer que cette lenteur peut s’expliquer par le manque de moyens de la paroisse ou par un conflit entre les différents décimateurs qui pour certains ne veulent pas payer leur part. A la suite de tel conflit, « les autorités civiles sont obligées d’intervenir : dans la partie française de la région, le Parlement de Metz prend un arrêt à ce sujet le 5 mai 1722 et, dans les duchés, un conseil de douze avocats fait de même en septembre 1741. Ces deux textes chargent le curé, s’il a au moins un tiers des dîmes, de la toiture et de la muraille du chœur, les décimateurs de la toiture et de la muraille de la nef, les fidèles de la tour, du portail, des vitres, du pavé, de la toiture et des lambris de la nef ».

Pour que les églises retrouvent entièrement leur caractère sacré, il faut que les ornements, les vêtements sacerdotaux, les objets de culte soient correctement rangés d’où la nécessité d’une sacristie. De plus, elle permet au curé de se changer avec plus de décence et de ne plus souiller le maître-autel avec ses habits. Donc au XVIIIe siècle, elle devient un élément indispensable. En 1698, Lachambre ne possède pas de sacristie. En 1735, il y en a une mais elle est dans un mauvais état et, en 1751, elle menace ruine. En 1766, elle semble être en bon état car l’évêque n’ordonne plus rien à son sujet. Depuis 1758, la présence d’un bassin pour que le curé puisse se laver les mains est devenue obligatoire. En 1766, il ne s’y trouve toujours pas.

Le dernier point au niveau du bâtiment concerne le clocher. En 1767, l’évêque ordonne que la cloche devra retentir assez fort pour être entendue par les paroissiens. La cloche est un élément très important car elle rythme la vie quotidienne des paroissiens avec les trois sonneries de l’Angélus; elle prévient des offices divins et des événements tels que la mort d’un des leurs. Mais elle a aussi un rôle païen. En effet, lorsqu’il y a de l’orage, un habitant du village monte dans la tour (à ses risques et périls) et fait sonner la cloche pour éloigner l’orage des récoltes. « Il fallait les mettre en branle dès les premiers coups de tonnerre. Si l’on hésitait quelque peu, la sonnerie ne faisait que déchirer les nues et attirer la grêle sur les cultures ». L’évêque, qui ne cautionne pas ces pratiques, veut que la porte soit fermée à clef.

Un conflit s’établit progressivement entre une conception « populaire » et médiévale qui fait de l’église la maison commune où l’on vient pour se retrouver et la conception des visiteurs post-tridentins qui voient en elle le lieu consacré conservant en son tabernacle le corps du Christ. Dans la lutte menée contre les « bavardages », les « clameurs », les « attitudes indécentes », il y a la mise en place d’une frontière sacré/profane qui n’est pas ressentie comme telle par l’ensemble des fidèles. Cet effort entrepris par les évêques successifs et soutenu par le clergé se voit dans le mobilier, les objets de culte.

En ce qui concerne le mobilier :

• Les autels : en 1698, Lachambre possède trois autels non consacrés par le fait des guerres. L’évêque est très exigeant sur cet aspect surtout que le maître-autel occupe la place primordiale dans le chœur, espace le plus sacré de l’église car le Christ y est présent. C’est dans cet endroit que le curé procède à la transsubstantiation. En 1735, le visiteur s’intéresse surtout à la décence de ces autels. Pour Lachambre, ils sont assez décents. La décence passe par l’élimination des images difformes comme c’est le cas en 1698 ou par la suppression de statue jugée indécente. En 1758, les habitants de Lachambre doivent supprimer la statue de l’autel de la sainte Vierge jusqu’à ce qu’elle soit remise dans un état plus décent. Par images « indécentes », il faut entendre « une certaine imagerie populaire contre laquelle s’efforce de réagir le courant théologique issu du Concile de Trente, imagerie qui donnait des saints une représentation familière et profane, donc inconvenante.

• Les fonts baptismaux : à Lachambre, en 1698, à la place d’un bassin, les habitants ont un chaudron. Par contre, en 1751, ils sont en règle comme dans la plupart des églises de l’archiprêtré de Saint-Avold. A partir de 1751, l’évêque devient plus exigeant face aux fonts baptismaux : il faut qu’ils soient bien placés c’est-à-dire « dans la partie la plus honorable de l’église, du côté de l’Evangile, près de la porte, car c’est grâce à eux que les hommes entrent dans la communauté chrétienne ». Ils doivent être également fermés à clef et couverts d’un tapis. Le bassin doit être également étamé pour ne pas avoir le vert de gris. En 1767, l’évêque ordonne aux habitants de Lachambre de fournir un bassin plus grand et de l’étamer.

• La chaire à prêcher : C’est un autre élément très important du mobilier mais il n’apparaît véritablement qu’au XVIIe siècle. La chaire à prêcher, lieu surélevé où le curé fait la prédication, doit également se trouver dans la nef, du côté de l’Evangile. Aucune indication n’est fournie pour Lachambre mais nous pouvons supposer que la paroisse en possède une et qu’elle est dans un bon état.

Lachambre : chaire de l’église Saint-Martin (1860) : Saint Ambroise (à gauche) et saint Jérôme (à droite)

• Le confessionnal : les autorités ecclésiastiques ont plus de mal à imposer leur volonté. Pourtant, il est un élément important dans la Réforme Catholique étant donné que lors du Concile de Trente, le sacrement de pénitence est réaffirmé. En 1751, à Lachambre il est assez propre et est placé dans la nef. Nous pouvons supposer qu’il se situe du côté de l’Épître. En refusant d’installer les confessionnaux près du maître-autel et du côté de l’Évangile, les autorités épiscopales veulent que les endroits marqués directement par la présence du Christ ne soient pas en contact des péchés des hommes.

En ce qui concerne les objets de culte, en particulier les vases sacrés tels que le ciboire, le calice, le soleil sont en argent en 1735 à Lachambre. En 1751, une nouvelle exigence apparaît. Il ne s’agit plus d’avoir des vases sacrés en argent mais il faut qu’ils soient dorés. À Lachambre, c’est le cas dès 1751 mais en 1758 ils doivent être redorés sous peine d’interdit.

Les autres édifices religieux

• Le cimetière : au XVIIIe siècle, le cimetière est devenu le lieu principal pour inhumer les corps. En principe, le cimetière est situé à côté de l’église afin de permettre l’intégration sociale de la terre des morts. Cette cohabitation est nécessaire pour que les défunts profitent de la protection des saints honorés dans le sanctuaire et que les vivants associent leurs ancêtres à leurs prières. Les visiteurs s’intéressent plus à la clôture des cimetières. C’est de cette dernière que dépend en partie son état. En effet, elle s’inscrit dans la politique des évêques au sujet de la sacralisation des cimetières. Les fidèles et le clergé n’ont pas la même conception de cet espace. Pour les ouailles, le cimetière est un lieu profane qui peut servir de passage pour aller dans leurs champs, un lieu de convivialité où certains viennent danser, un lieu où les paysans en profitent pour faire paître leurs bêtes étant donné que l’herbe est grasse. Pour le clergé, par contre, le cimetière est un espace sacré qu’il ne faut pas souiller d’où l’effort entrepris pour imposer la clôture des cimetières.

À partir du XVIIe siècle, le catholicisme combat des conceptions très enracinées selon lesquelles la séparation n’est qu’un processus continu, permettant donc la présence agissante de fantômes venus se plaindre des humains qui n’ont pas suivi les normes et les rites établis. En effet, cette transition exige des rites d’apaisement. Mais, il faut du temps pour que les fidèles se détachent de leurs coutumes.

En 1698, à Lachambre, le cimetière est fermé de palissades et ouvert en plusieurs endroits. En 1730, le visiteur se plaint que le cimetière ne soit fermé que de palissades. Le problème est que ce genre de clôture n’est pas un rempart efficace contre les animaux. Mais les habitants de Lachambre manquent de pierres. Toutefois, en 1751, le cimetière est entouré d’une muraille comme dans la plupart des paroisses. Il y a de temps en temps des réparations de brèches à faire. En 1767, l’évêque ordonne que la porte du cimetière soit réparée et fermée à clef en dehors de la sainte messe.

À partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le clergé essaie d’organiser l’espace des morts en imposant la délimitation d’un lieu pour les enfants morts sans baptême. En général, les villageois sont réticents face à cette exigence car l’âme de leurs enfants morts sans baptême ne pourra pas atteindre le paradis. À Lachambre, il semble que le visiteur n’a pas eu trop de mal car il n’y a aucune mention de faite dans les comptes-rendus de visites pastorales.

• Le presbytère : le Concile de Trente a rendu obligatoire la résidence des curés dans leur paroisse. Par conséquent, la maison curiale est devenue indispensable. En 1698 à Lachambre, il n’y a pas de maison curiale. Par contre, en 1751, le compte-rendu de la visite pastorale mentionne une maison presbytérale neuve dans laquelle réside le curé.

Lachambre : église Saint-Martin : le chemin de croix

Deux personnages clés de la vie religieuse : le curé et le maître d’école

Le curé

Lachambre, au cours de notre période étudiée, est administrée par neuf curés. Ce sont des curés bénéficiers c’est-à-dire que leurs revenus proviennent d’une partie de la dîme. À Lachambre, ils touchent un tiers des dîmes. Ils touchent également le casuel : offrande versée aux curés et aux fabriques à l’occasion de certaines cérémonies religieuses, messes, baptêmes, mariages, sépultures. Au total les curés de Lachambre touchent 800 livres de revenus. Ils se situent juste en dessous de la moyenne des revenus des curés de l’archiprêtré de Saint-Avold.

Le Concile de Trente s’applique surtout à réformer le clergé. Tout d’abord, les Pères du Concile décident de l’instauration de séminaires pour former les futurs prêtres. Pour ceux de l’archiprêtré de Saint-Avold, nous pouvons supposer qu’ils ont été formés à Metz. En dehors des séminaires, les évêques organisent des conférences ecclésiastiques et aident les curés dans leur tâche par le biais de manuels tels que les catéchismes, les rituels, les bréviaires.

Hormis la formation, le curé doit résider dans sa paroisse. L’absentéisme du clergé paroissial était la grande plaie dont souffraient les fidèles. Tous les curés de Lachambre y résident sauf le curé François Gignart qui réside à Saint-Avold car il était l’aumônier des religieux bénédictins de Saint-Avold. Les curés doivent également se distinguer du reste des paroissiens. Pour cela, il faut qu’ils aient une vie irréprochable (interdit de chasser, interdit de boire, interdit d’avoir des servantes âgées de moins de 40 ans), une tenue vestimentaire spécifique (habits noirs : soutane avec un rabat ou collet, cheveux courts). Aucun reproche n’est formulé à l’égard des curés de Lachambre.

Une des tâches des curés au XVIIIe siècle est la diffusion du catéchisme. Ce dernier est né suite à la Réforme Catholique inspirée par les Pères du Concile de Trente. En effet, ces derniers ont déclaré que « le fidèle doit savoir pour être sauvé ». Ceci s’inscrit dans la volonté de combattre le protestantisme. Le catéchisme s’adresse en premier lieu aux enfants. A Lachambre, aucune plainte du visiteur n’est formulée à l’encontre du curé, ni à l’encontre des enfants. Nous pouvons supposer que le catéchisme s’y fait correctement (c’est la cas dans tout l’archiprêtré de Saint-Avold) et que les enfants y assistent sans trop de réticences.

Le curé au XVIIIe siècle a aussi le devoir de contrôler les fidèles. D’abord, il doit lutter contre l’hérésie et les superstitions. Pour cela, les autorités ecclésiastiques ont rendu obligatoires l’assistance à la messe, la pratique des sacrements, l’étude du catéchisme, la scolarisation. Elles combattent également toutes les pratiques teintées de superstitions comme la fête de la Chandeleur ou la fête de la saint Jean. Dans l’ensemble, les autorités ecclésiastiques essaient d’encadrer au maximum toutes ces fêtes et pratiques car elles redoutent les débordements. Le curé doit veiller aussi à lutter contre le relâchement moral en limitant certaines pratiques : le cabaret doit être fermé en principe au moment de la messe le dimanche; une attention particulière est portée aux veillées qui selon l’Eglise sont des lieux de débauche et d’irréligiosité. Le curé doit étroitement surveiller la sage-femme. Il y en a une à Lachambre et aucune plainte n’est formulée contre elle.

Le maître d’école

La question de l’éducation populaire est soulevée au Concile de Trente, mais ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que les agents de la Contre Réforme voient la portée et l’enjeu d’une telle innovation. Ils vont pouvoir former des enfants dont la foi catholique est pure et qui ont des valeurs fondamentales : respecter ses parents, obéir aux maîtres, avoir des mœurs pures, fuir le mal. Pendant tout le XVIIIe siècle, les autorités ecclésiastiques se font les défenseurs des petites écoles. L’école est d’abord un instrument d’instruction religieuse.

Dans un premier temps, les autorités civiles ont soutenu cette initiative. Un édit de 1698 oblige les parents à envoyer à l’école leurs enfants jusqu’à l’âge de 14 ans. En 1752, l’évêque ordonne aux parents de Lachambre d’envoyer leurs enfants à l’école. Ce fait est présent dans plusieurs villages. Ce décalage entre les paroissiens et le clergé s’explique par le fait que pour les fidèles, leurs enfants sont avant tout une main d’œuvre utile pour les travaux des champs. Ils ne comprennent pas la nécessité de leur apprendre à lire, à écrire. De plus, cette instruction est payante ce qui peut expliquer le peu d’enthousiasme des parents d’envoyer leurs enfants à l’école, surtout s’ils en ont plusieurs dans la tranche d’âge concernée.

Le maître d’école est en général un laïc. Il est élu par la communauté et le curé. Ensuite, il doit être approuvé par l’évêque. Chaque année, il doit reconduire son approbation. Il doit avoir un certificat de bonne vie et mœurs et être compétent. Bien souvent, le maître d’école devient un auxiliaire du curé : chantre, sonneur de cloches. En général, les régents ne restent pas longtemps dans une même paroisse. À Lachambre, il y a un maître d’école dès 1698. En 1751, les parents n’ont pas à se plaindre de lui. Le curé, par contre, n’est pas content de lui; il est entré dans ses fonctions contre sa volonté. Mais devant le visiteur, il lui pardonne et lui enjoint d’être fidèle et exact à son devoir.