Promenade en Pays Naborien

De L’Hôpital à Diesen.

par Bernard BECKER

La Communauté de Communes du Pays Naborien regroupe dix communes. L’histoire de sept d’entre elles a déjà été présentée sur ce site. Intéressons-nous dans cet article aux trois communes les plus au Nord : L’Hôpital; Carling et Diesen.

L’Hôpital

Les légendes ont la vie dure. À Saint-Avold, on trouve encore des gens pour affirmer que l’actuel Hôtel de Ville est l’ancien château d’Henriette de Lorraine alors que ce bâtiment a été construit bien après la mort de la princesse. À L’Hôpital, certains affirment encore que le nom de la commune vient d’un ancien hôpital qui accueillait jadis tous les lépreux de la région, y compris ceux de Saint-Avold. Or aucun écrit ne justifie cette allégation. Le nom ne figure dans aucune liste des léproseries lorraines reconnues.

Par contre, il y eut bien un hôpital construit par l’abbaye cistercienne de Villers-Bettnach vers 1210 soit un siècle avant celui de Saint-Avold édifié par l’abbé Jean en 1313. Le terrain avait été donné aux religieux par Luccarde (Liutgarde), héritière de la maison de Leiningen, veuve de Simon II, comte de Sarrebruck, et par Henri, premier comte de Deux-Ponts.

Auparavant, des habitations s’étaient peu à peu regroupées autour d’une ferme implantée à la lisière de la forêt du Warndt, au bord du ruisseau “la Merle” et qui constitue le noyau originel du village. Celui-ci portait alors le nom de “Merla em Varand”. Le peuplement est sans doute très ancien puisque le ban était traversé par l’ancienne voie romaine de Metz à Worms et qu’on a retrouvé des fragments de statues et de poteries gallo-romaines, des canalisations en terre cuite et des monnaies romaines datant de l’Empereur Constantin II.

Le village s’étant étendu également sur le territoire limitrophe de Saint-Avold comprenait deux parties, séparées par le ruisseau de Sainte-Fontaine : la partie appartenant au comté de Nassau-Sarrebruck et la partie lorraine, l’une protestante, l’autre catholique. Les deux bans furent réunis par suite de la convention conclue entre le prince Guillaume-Henri de Sarrebruck et le duc Stanislas Leszczynski en 1766. Puis, après le rattachement de la Lorraine à la France, L’Hôpital, comme Carling, fit partie de la baronnie d’Ueberherrn.

L’église Saint-Nicolas *Les habitants de L’Hôpital achevèrent vers 1700 la construction d’une chapelle, mais en 1752 elle menaçait de tomber en ruine. Une église fut construite sur l’ancien emplacement en 1762 et terminée vers 1764. Le 27 juin 1882 eut lieu la bénédiction solennelle de l’église agrandie. Depuis, elle a été restaurée plusieurs fois. D’importants travaux ont été effectués en 1950 puis en 1980. En 2007 une très belle restauration intérieure a été réalisée.

Calvaire élevé en 1859 à partir d’éléments plus anciens : la Vierge, Madeleine et saint Jean datent du XVIIIe siècle.

Le décret impérial de Napoléon 1er du 24 janvier 1812 réunit les deux communes de Carling et de L’Hôpital. Chacune des deux communes conservait ses droits de vaine pâture et parcours dont elles continuaient à jouir séparément. Les deux communes étaient dissoutes administrativement : disparition des deux Conseils Municipaux et création d’un nouveau Conseil comprenant 12 membres dont 7 pour L’Hôpital et 5 pour Carling. Dès le départ, Carling était minoritaire dans la prise des décisions régissant la vie communale. La mairie nouvelle devait être implantée à L’Hôpital et les archives municipales de Carling devaient y être déposées.

Dès la réunion, de nombreux écueils s’élevèrent et qui ne firent que s’amplifier au fil des ans :

  • problèmes de gestion administrative,
  • problèmes de gestion financière,
  • problèmes de bonne entente entre élus,
  • et par voie subséquente, problèmes de bonne entente entre les habitants des deux communes réunies. Ce qui devait arriver… arriva en 1837. La zizanie dans la commune était telle que le Sous-Préfet de Sarreguemines ne voyait qu’une seule solution : procéder à la dissolution du Conseil Municipal. De nouvelles élections eurent lieu le 17 mai 1837, suite à la “rivalité et la mésintelligence qui régnent depuis de longues années entre les sections de L’Hôpital et Carling”. L’autre conséquence de cette mésentente était exprimée dès début janvier 1837 par des habitants de L’Hôpital qui demandaient “la division de la commune en deux” en clair : la “séparation pure et simple et le retour à la situation antérieure à 1812”. Ce n’est qu’en 1894 que les deux communes seront séparées et retrouveront leur autonomie.

Blasons de L’Hôpital et de Carling

Au XVIIIe siècle, la grande industrie commença à se développer à L’Hôpital avec la construction, en 1749 et en 1766, d’un fourneau et d’une forge. Mais c’est surtout l’exploitation du charbon qui allait entraîner une mutation profonde du village. À partir de 1857, plusieurs concessions furent accordées à diverses compagnies minières qui recherchèrent la houille à l’ouest et au sud du Warndt, notamment à Carling et à L’Hôpital. La population, qui comptait 384 habitants en 1800, passa à 1789 en 1900, puis atteignit son point culminant en 1954 avec 7 906 habitants avant de décroître avec la fermeture progressive des mines de charbon. On vit naître pendant cette période de prospérité des cités ouvrières construites autour du village primitif. L’Hôpital prit le titre de “ville” à partir de 1950.

Suite à la guerre de 1870, L’Hôpital se vit rattaché en 1871 comme toute l’Alsace-Moselle à l’Empire allemand conformément au traité de Francfort. L’Hôpital dépendait alors du Landkreis Forbach au sein du Bezirk Lothringen. Le nom de “L’Hôpital” se vit germanisé en “Spittel in Lothringen”.

Ce monument rappelle trois grandes catastrophes qui ont endeuillé les mineurs travaillant au puits de Sainte-Fontaine : - le 2 janvier 1919, une explosion de grisou coûte la vie à 36 personnes, - le 29 mai 1950, un coup de poussière à l’étage -660 fait 26 morts, - le 1er août 1961, un éboulement coûte la vie à 8 mineurs.

Le 1er septembre 1939, la population fut évacuée dans le département de la Vienne à pied et en charrettes. La mairie se replia à Lusignan dans l’arrondissement de Poitiers. Après une très longue et douloureuse marche, les habitants furent chargés dans des trains qui les transportèrent au centre de la France. Les Spitellois trouvèrent refuge chez l’habitant à Lusignan et dans les communes alentour ou encore dans le département de la Loire, à Saint-Étienne notamment. Certaines religieuses de la Maison des Filles de la Charité suivirent également la population dans son exode. L’Hôpital fut bombardé du 26 novembre 1944 au 5 décembre 1944, date de sa libération.

Hommage de L’Hôpital au commandant Alexandre Lofi. Né à Dudweiler (Allemagne) le 21 février 1917, cet habitant de L’Hôpital s’engagea en 1933 dans la Marine et fit carrière dans les fusiliers-marins. Refusant la défaite de juin 1940 et l’annexion de “sa” ville, il gagna l’Angleterre et se rallia aux Forces Françaises Libres du général De Gaulle. Comme lieutenant, il commanda l’une des compagnies du “commando” français Kieffer, qui participa au débarquement en Normandie le 6 juin 1944.

Aujourd’hui, avec presque 6 000 habitants, L’Hôpital est la seconde ville de la Communauté des Communes du Pays Naborien. Sa particularité est d’être presque entièrement urbanisée sur une superficie d’environ 440 hectares. Malgré la disparition progressive de l’activité charbonnière et une baisse régulière de la démographie, L’Hôpital croit en ses atouts grâce; notamment, à la présence de l’industrie chimique sur une partie du ban communal.

Carling

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Le village, situé en bordure de la forêt du Warndt, domaine privilégié de chasse, fut fondé en 1716 par le comte de Sarrebruck, Charles-Louis, d’où l’appellation “Karlingen”. Carling comptait 12 maisons en 1728 et 22 en 1756. Cédé en 1770 à la France, il fut rattaché à la baronnie créée par Louis XV pour son médecin, François-Charles Richard. Louis, prince de Sarrebruck, reçut en échange Emmersweiller (en Sarre, à l’est de Forbach) et Baerendorf (à l’est de Fénétrange). Le décret impérial de Napoléon 1er, du 24 janvier 1812, réunit la jeune commune de Carling à celle de L’Hôpital. 25 ans plus tard les conseillers municipaux demandèrent la séparation qui n’aboutira qu’en 1894.

Au XIXe siècle, la commune connut un très grand essor industriel. Le Puits Saint-Max ou Maximilien de Carling, appartenant à la “Compagnie Houillère de la Moselle Maximilien Pougnet et Cie”, fut le premier siège mis en exploitation dans le secteur Ouest du bassin. Le 17 novembre 1855, la société démarra le fonçage du Puits Max. Après cinq années d’efforts et de luttes pour maîtriser les nombreuses venues d’eau, les travaux atteignirent, le 15 octobre 1860, le gisement houiller et la première veine de charbon. Le 26 octobre, le premier bloc de charbon fit une entrée triomphale à Saint-Avold. Le 9 décembre, « l’on put promener dans les rues de Metz et de Sarreguemines, au son d’une musique militaire, un bloc que l’on avait réussi à extraire ». Après l’euphorie passagère de la découverte du charbon à Carling et à L’Hôpital, une longue période de prospérité industrielle s’installa dans les deux communes. Le démarrage fut cependant difficile, comme le confirme la production de l’année 1861 avec 162 tonnes de charbon. L’exploitation se développa rapidement et, en 1864, Carling produisit 17 642 tonnes de charbon. Seul puits du siège (situation courante pour l’époque) le Puits Max était de ce fait compartimenté. Il servait à la fois d’entrée et de retour d’air. Avec le développement des travaux du fond, l’aérage devint insuffisant et les nombreuses infiltrations d’eau au travers du cuvelage aggravèrent la situation. Un deuxième puits devenait indispensable, mais faute de capitaux, il ne sera jamais réalisé. Finalement, c’est l’administration des mines qui imposa l’arrêt de l’exploitation en 1875. En 1910, à l’initiative de la “Société des Houillères de Sarre et Moselle” fut créée la Cokerie du Puits 6 qui prendra par la suite le nom de “Cokerie de Carling”.

Comme sa voisine L’Hôpital, la commune fut évacuée le 1er septembre 1939 dans le département de la Vienne. La mairie se replia à Iteuil. Le village fut bombardé le 25 novembre 1944 et libéré par les Américains le 4 décembre.

Depuis la Libération, Carling est devenu un grand centre industriel houiller et chimique, d’une superficie de plus de 750 hectares. La population est passée de 203 habitants en 1801 à 2 736 en 1999 (pont culminant). Quatre tours de réfrigération de la centrale thermique Émile-Huchet dominent le site de la localité. Les cités ouvrières se sont ajoutées, dès 1946, aux anciennes maisons d’habitation, groupées le long de la rue principale qui mène à L’Hôpital.

L’église Saint-Gérard Dédiée à Saint Gérard de Majella, de style néo-roman ottonien, elle fut construite de 1906 à 1908 sous la direction de l’architecte Klein. Les cloches ont été réquisitionnées par l’occupant lors de la Seconde Guerre mondiale. Le 16 février 1949, on procéda à l’inauguration et au baptême des nouvelles cloches.

Diesen

Diesen et son moulin sont mentionnés dès 1422, mais le village, situé en bordure de la forêt du Warndt, ne se développa qu’au XVIIe siècle. En 1718, Jean Georges, seigneur de Boucheporn, céda le “Hof zu Diesen” au Comte Charles-Louis de Sarrebruck qui vendit la même année 1/5 des champs du ban. En 1758, Diesen comptait 16 maisons et le moulin banal. Jusqu’en 1766, le village fit donc partie du comté de Sarrebruck-Nassau. Puis la localité fut comprise dans la baronnie d’Ueberherrn créée en 1767 par Louis XV. En 1790, elle devint commune et appartint successivement aux cantons de Berus, de Bisten (Sarre), de Sarrelouis, puis de 1815 à 1829 à celui de Bouzonville. Cependant, de 1811 à 1954, elle constitua l’annexe de Porcelette. En 1954, elle redevint commune autonome, rattachée au canton de Saint-Avold.

Du point de vue cultuel, nous ignorons l’existence d’édifices religieux, bien que la localité fût marquée par les cultes protestant et catholique. Une chapelle, dédiée à la Vierge, ne fut élevée qu’en 1792. Remaniée en 1900, elle fut sérieusement endommagée pendant la dernière guerre et fut complètement démolie en 1957.

Comme ses voisines, la commune fut évacuée le 1er septembre 1939 dans le département de la Vienne. La mairie se replia à Vivonne. Le village fut libéré par les Américains le 18 novembre 1944. Le nombre d’habitants de cette commune est passé de 180 en 1844 à un peu plus de 1 100 aujourd’hui.

L’église Saint-Antoine construite en 1958-1959 sur les plans de l’architecte Ch. Sommermatter de Freyming. Sa construction avait été rendue nécessaire par l’extension du village et la construction de cités minières à partir de 1948.