À partir du 25 juillet 1940, les actuelles rues des généraux Hirschauer et Mangin, du Maréchal Foch et du président Poincaré forment la “Adolf Hitler Strasse”.
Le retour à Saint-Avold des Naboriens évacués en septembre 1939
Extraits de l’article de Nicolas Provot paru dans le “Cahier Naborien” n° 3
L’armistice du 25 juin 1940 et sa double incidence sur le sort des réfugiés.
Après que l’armistice mettant un terme à la “Drôle de Guerre” suivie du “Blitzkrieg” allemand eut été signé le 25 juin 1940, les réfugiés mosellans prirent rapidement conscience de la double incidence de cet événement sur leur situation présente et leur sort futur. Il leur apparut évident que rien ne s’opposait plus à leur retour prochain dans leurs villes et villages abandonnés depuis près d’une année. Mais il était non moins évident que la Moselle serait à nouveau annexée à l’Allemagne. Les conversations avec les soldats allemands stationnés en France occupée ne laissaient subsister aucun doute sur les intentions de leur Führer. La libération des prisonniers de guerre alsaciens et mosellans comme “Volksdeutsche” dès la mi-juillet en était une confirmation. Ceux parmi les Naboriens qui avaient bénéficié de cette mesure et qui revenaient de Moselle propagèrent même la nouvelle que les anciennes frontières d’avant 1918 y étaient rétablies, (en fait ce fut le 25 juillet 1940).
La grande majorité des Naboriens opta pour le retour au pays natal. Pourtant, mis à part quelques naïfs, personne n’ignorait que la population lorraine serait non seulement germanisée, mais contrainte de se soumettre à l’idéologie nazie. On réalisait aussi qu’à terme, si la partie engagée se prolongeait, les jeunes gens pourraient être enrôlés dans la Wehrmacht. Mais tout ceci, n’étant pour l’instant que du domaine des craintes, passa au second plan. Sans vouloir prétendre que beaucoup - en particulier ceux qui étaient en âge d’être incorporés dans l’armée et ceux qui avaient des fils qui pouvaient l’être dans une paire d’années -pratiquèrent la politique de l’autruche, force est de constater que la détermination de retourner au pays, rêve nourri quotidiennement pendant près d’une année, prévalut.
Il est vrai que le caractère précaire du séjour dans les départements de repli avec des conditions de vie plus que modestes, ne pouvait contrebalancer l’impérieux appel de la terre natale où l’on retrouverait son identité, son cadre de vie et les moyens matériels d’une existence décente. Les personnes âgées de 40 ans et plus avaient connu l’époque wilhelmienne dont elles n’avaient pas forcément gardé un mauvais souvenir. De plus, ces nouveaux Allemands qu’on avait présentés comme des barbares, se comportaient (pour le moment) de façon correcte et impressionnaient par leur bonne organisation. L’on se disait en outre que tant qu’à subir leur loi - la majorité des Naboriens se trouvaient en zone occupée - autant la subir chez soi.
Les premiers retours : familles isolées et délégués des services municipaux.
La Kommandantur de Saint-Avold invita le maire, M. Crusem, à se rendre dans sa ville pour y faire assurer la remise en état du réseau de distribution d’eau. C’est pour cette raison que celui-ci entreprit, aux environs du 20 juillet 1940, le voyage en voiture particulière, accompagné de deux employés de l’usine à eau. Comme la Kommandantur réclama aussi un secrétaire de mairie et un agent de police pour s’occuper des affaires courantes et pour établir la liaison entre les autorités allemandes locales et la municipalité à Sommières-du-Clain, M. Eugène Hoff, secrétaire général de la mairie et M. Emile Antoine, agent de police municipal, rejoignirent bientôt Saint-Avold.
Des rapports que M. Hoff faisait parvenir au maire, retourné à Sommières, il ressort qu’à la mi-août 1940 environ 160 Naboriens étaient déjà réinstallés en ville. Mis à part les personnels des services communaux mentionnés ci-dessus, les familles qui avaient pu revenir étaient des familles isolées, repliées pour l’essentiel dans des localités mosellanes non évacuées. Ces personnes vivaient presque exclusivement du ravitaillement qu’elles avaient apporté ou qu’elles pouvaient se procurer à Faulquemont, car sur place, la situation était “miserabel”, comme l’écrivit M. Hoff dans un de ses rapports au maire Crusem. Il faut ajouter qu’en outre, la ville était privée d’eau courante et d’électricité.
Le faux-retour des premiers rapatriés de la Loire.
Le rapatriement des mineurs de la Cité Jeanne d’Arc et de leurs familles ainsi que d’autres mineurs du bassin houiller lorrain, évacués dans le département de la Loire, commença dès la fin du mois de juin 1940. Comment expliquer ce rapatriement précipité, alors que l’armistice venait à peine d’être signé et que le commandement allemand en France n’allait autoriser le retour collectif des réfugiés de la zone libre vers la Lorraine qu’à partir du 3 août 1940 ? En tous cas, quelle que fût l’autorité qui ait organisé ce départ, ce fut une décision prématurée dont nos rapatriés de Saint-Avold allaient faire doublement les frais.
Au cours du voyage de retour, en raison de la destruction de nombreux ponts de chemin de fer, le premier convoi fut immobilisé durant huit jours à Lyon. Les rapatriés furent hébergés dans les locaux de la Foire Exposition sur les rives du Rhône. Après cette semaine d’attente plutôt pénible en raison des conditions d’hébergement, le voyage se poursuivit via Mulhouse où le train fut à nouveau mis sur une voie de garage durant trois jours pendant lesquels les rapatriés durent rester dans leurs wagons. C’est enfin au terme d’un périple de plus de quinze jours que les Naboriens de ce convoi furent débarqués en gare de Sainte-Fontaine d’où ils regagnèrent leur cité. Malgré un voyage harassant on devine leur joie de se retrouver chez eux.
Pourtant ce ne fut qu’une fausse joie. Ce rapatriement prématuré avait pris de court les autorités allemandes de Saint-Avold. En effet, l’alimentation de la Cité en électricité et en eau n’était pas rétablie (on allait puiser celle-ci à la source de Sainte-Fontaine) ni aucun ravitaillement assuré, et surtout les forêts environnantes et même les jardins étaient truffés de mines et d’obus que le service de déminage n’avait pas encore enlevés. Pour toutes ces raisons, les autorités allemandes locales décidèrent d’éloigner les nouveaux arrivants. Une semaine après avoir retrouvé leur Cité, ils se virent contraints de reprendre le train qui, dans un premier temps les déposa à Metz. Ils furent ensuite acheminés dans plusieurs villages de la région de Delme - Château-Salins. Logeant chez l’habitant, pour partie dans les granges et prenant leurs repas aux popotes communes, ils ne furent autorisés à rentrer définitivement dans leur Cité qu’après six longues semaines de séjour dans le Saulnois. D’autres groupes de rapatriés de la Loire qui rentrèrent en Moselle par la suite furent également contrôlés à Metz puis transférés directement dans le Saulnois, sans avoir rejoint la Cité.
Le rapatriement des mineurs du Pas-de-Calais.
Les mineurs de Saint-Avold-Centre et de la Cité Jeanne d’Arc rapatriés du Pas-de-Calais ont également regagné la Moselle en plusieurs groupes et en compagnie de familles originaires d’autres localités du bassin houiller lorrain. Leur retour s’est donc effectué à des dates différentes, se situant dans la deuxième quinzaine du mois d’août. Les trains ont mis généralement deux jours, via Saint-Dizier, pour rejoindre la Moselle. Tout comme pour les rapatriés du département de la Loire, les Allemands ont là aussi connu des ratés sur le plan de la coordination. En effet, l’accueil des premiers groupes de Naboriens dans leur ville dut être différé. Il faffut mettre ces rapatriés “en attente” dans la région de Delme (Prévocourt, Viviers, etc…) où ils logèrent également en partie dans des granges. C’est là qu’ils se trouvaient le 25 août, jour de la fête patronale de Saint-Avold qu’ils avaient espéré célébrer à la maison. Leur rapatriement définitif ne se déroulera que début septembre. Toutefois, un groupe ayant quitté sans doute un peu plus tardivement Lens put rejoindre directement la ville et la Cité. Ceux qui regagnaient ainsi Saint-Avold-Centre constituaient le premier contingent des Naboriens rapatriés collectivement. Les autres retours groupés s’étalèrent sur tout le mois de septembre, les derniers à revenir étant les “Poitevins”.
La longue attente des Naboriens évacués dans la Vienne.
Après la signature de l’armistice, ces Naboriens se mirent à espérer que leur rapatriement se ferait rapidement. Mais leur patience fut mise à rude épreuve, le retour tant attendu n’allant pas avoir lieu de sitôt. Pendant son séjour à Saint-Avold, le Maire M. Crusem fut d’ailleurs avisé par la Kommandantur de la ville que les localités évacuées resteraient interdites tant que le déminage ne serait pas achevé. Il fallut attendre le mois de septembre pour que le rapatriement se fasse.
Les Naboriens disposant de voitures particulières touchèrent des bons d’essence, délivrés par les autorités allemandes (iI y avait par exemple 22 voitures particulières dans les six localités de Châtillon, Couhé, Ceaux, Payré, Vaux et Voulon). Les autres partirent par le train en trois convois le dimanche 15, le mardi 17 et le vendredi 20 septembre 1940. Ils mirent deux jours pour parcourir les quelque 800 kilomètres qui les séparaient de leur bonne ville. Ainsi, ceux qui avaient quitté la gare de Couhé dans la matinée du 15 septembre arrivèrent à Béning - d’où ils furent acheminés à Saint-Avold en camions militaires, - le 16 à 17 heures. La durée du voyage en chemin de fer s’explique pour deux raisons. D’une part, comme la ligne Metz-Saint-Avold-Forbach était hors d’usage, le train était dévié par Bénestroff, Sarralbe, Sarreguemines, sur Béning; ce court trajet nécessitant à lui seul la bagatelle de neuf heures.
À leur retour à Saint-Avold, les Naboriens découvrent les destructions causées par les combats sporadiques de juin 1940 et les pillages.
Saint-Avold livrée pendant une année au pillage et au vandalisme.
Rappelons que le 2 septembre 1939, les habitants de Saint-Avold avaient quitté leurs maisons, n’emportant pour la plupart qu’une trentaine de kilos de bagages, à savoir quelques provisions de bouche, des habits, une couverture et quelques ustensiles de cuisine. Tout le reste, le mobilier, la literie, le linge, beaucoup de provisions et cette foule d’objets qui s’accumulent dans une maison au fil des années avaient été abandonnés, livrés aux squatters, aux pillards et aux vandales. Ceux-ci disposèrent librement de tout, en toute quiétude et, semble-t-il, en toute impunité. De septembre 1939 à fin mai 1940, ce sont les troupes françaises qui eurent l’exclusivité de la mise à sac des maisons naboriennes. La propagande nazie exploita du reste très habilement en 1940 cette lamentable réalité. Mais le retrait de nos soldats, fin mai 1940, ne mit pas un terme au pillage : des Allemands et même des autochtones prirent le relais.
Le pillage fut rendu possible par une accumulation d’erreurs. En premier lieu l’effectif ridiculement faible des agents chargés de veiller sur la ville et les biens de ses habitants. Cet effectif comprenait en tout et pour tout deux malheureux gendarmes. Très vite débordés par l’ampleur de leur mission, impuissants face aux nombreuses troupes de passage, aussi bien de nuit que de jour, ils n’eurent d’autre ressource, dans la plupart des cas, que de laisser faire. Leur propre sécurité était du reste parfois menacée par la meute des pillards. Les gardes-frontaliers constituaient une unité formée par une trentaine de soldats originaires de Saint-Avold. Au lieu d’être chargés eux-aussi d’une mission de surveillance et de protection de la ville, ils étaient utilisés pour partie comme standardistes à la poste, pour partie comme manutentionnaires. Encasernés au quartier Lahitolle pour la plupart, ils étaient encadrés par des gardes-mobiles. Très vite, dès le 18 octobre 1939, ils furent mutés dans la Mayenne. Preuve sans doute que leur rôle qui aurait pu être déterminant à Saint-Avold, était mal défini. La deuxième erreur a consisté à charger certaines unités, les “compagnies de récupération” de collecter literie, fourneaux, machines à coudre dans les maisons, pour les expédier dans les départements de repli, afin de redistribuer ces biens aux réfugiés démunis. L’idée était peut-être généreuse mais dans la pratique, cette opération a, selon des témoins, donné lieu à beaucoup de gâchis, d’autant plus qu’elle se déroula pendant une période de pluies diluviennes. Mais ce qui est plus condamnable encore, c’est le caractère spoliateur de l’opération, les objets récupérés n’étant pas destinés directement à leurs légitimes propriétaires. Enfin (et surtout) permettre à l’armée de pénétrer dans les maisons, c’était rendre légale la violation de domiciles qui, au contraire, auraient dû être considérés comme des sanctuaires inviolables. Dans la brèche ainsi ouverte, pilleurs et vandales de tout poil s’en s’ont donné à coeur joie. Une dernière erreur, concernant en particulier Saint-Avold, a été d’autoriser les nombreuses troupes de passage de s’y arrêter, d’y établir des cantonnements dans les maisons, alors que les nombreuses casernes ceinturant à cette époque la ville, offraient une capacité d’accueil suffisante pour plusieurs régiments.
La Mairie de l’époque (à gauche sur la photo) a également souffert lors des combats de 1940.
Combats et destructions à Saint-Avold en 1940.
Les dégâts causés à un nombre important d’immeubles de Saint-Avold pendant que ses habitants étaient évacués ont une triple origine : les destructions par charges explosives, les tirs d’artillerie et les intempéries.
Pendant la phase de la “Drôle de Guerre”, les escarmouches entre nos corps francs et les Allemands se déroulèrent pour l’essentiel sur le sol sarrois. Mais l’offensive de l’armée allemande en mai 1940 amena 1’Etat-major français à retirer les troupes engagées devant la ligne Maginot. Cette retraite s’accompagna, dans le but de retarder l’avance ennemie, d’une série de destructions exécutées par des unités du génie. Celles-ci firent sauter les quatre ponts qui enjambaient la Rosselle :
- le pont situé rue de la Chapelle
- le pont, Avenue Clemenceau
- celui, situé à l’angle nord-ouest de l’actuelle place du Marché
- enfin le pont dit de la “Wirtzmühle”, près du square Weiller. Les immeubles et installations situés à proximité de ces ponts furent de ce fait ou détruits ou fortement endommagés. La destruction du pont de la “Wirtzmühle”, par exemple, entraîna celle d’une partie de cet ancien moulin, d’un immeuble comportant plusieurs logements ainsi que des conduites d’eau partant de la station de pompage toute proche et assurant l’alimentation de la plus grande partie de la ville. C’est à l’angle de la place du marché actuelle (anciennement rue roi Albert), que les dégâts étaient les plus importants. A cet endroit, les dommages causés à l’ancien Hôtel Bristol, aux maisons d’habitation Cuisinier et Pennerad ainsi qu’au lavoir public de la ville furent tels qu’il fallut les araser. Le transformateur implanté à proximité fut également malmené mais put toutefois être réparé. Le génie fit sauter de même le château d’eau de la Carrière, cet observatoire d’où par temps favorable l’on voyait jusqu’au Donon. Ce réservoir alimentait non seulement le hameau de la Carrière mais aussi le Wenheck et la gare de Saint-Avold. Les deux réservoirs d’eau de la gare ainsi que le poste d’aiguillage et les aiguillages eux-mêmes subirent un sort identique. Un grand nombre de rails furent même déboulonnés et enlevés.
Beaucoup de dégâts étaient également dûs aux tirs de l’artillerie française survenus après le retrait de nos troupes en mai 1940, donc au moment où les Allemands s’installèrent en ville. Un certain nombre de maisons furent éventrées par des coups au but. Ce fut le cas entre autre de l’ancienne Mairie, à l’angle de la rue Hirschauer et de la rue de la Montagne, près de la fontaine Saint Jean. Les nombreuses explosions et surtout les tirs d’artillerie expliquent que les toits de beaucoup de maisons étaient soufflés, les fils électriques aériens arrachés, énormément de vitres brisées et les rues jonchées de gravats, sans parler des innombrables façades de maisons mutilées par les éclats d’obus.
Les intempéries ont elles aussi contribué à la dégradation de bien des immeubles. Ce fut le cas dès l’hiver 1939-1940 qui fut d’une extrême rigueur. De nombreuses conduites d’eau que l’on n’avait pas pensé à vidanger au moment du départ en septembre se rompirent sous l’effet du gel, causant des inondations dans les maisons. Mais les dégâts les plus importants ont été dûs aux chutes de pluie sur les maisons aux toits troués ou soufflés. Les infiltrations d’eau occasionnèrent souvent des dommages importants aux plafonds et aux planchers. C’est d’ailleurs ce qui ressort, par exemple, de l’inventaire des dommages de guerre dressé par la Mairie de Saint-Avold en 1941 et concernant les immeubles communaux. Il y est toujours précisé que ceux-ci avaient été endommagés par des tirs d’artillerie puis par les infiltrations d’eau de pluie.
Les Naboriens restés en “Vieille France” jusqu’en 1945.
Le rapatriement des réfugiés de Saint-Avold en 1940 fut un événement très pénible pour ceux qui ne rentraient pas. Tout autant tenaillés par le mal du pays que les rapatriés, il leur fallut patienter cinq longues années supplémentaires avant de goûter la joie de retrouver leur cité. Il n’y avait aucune obligation de se faire rapatrier en 1940 et aucune pression ne fut exercée sur les réfugiés de la part des autorités allemandes. Quant à la position des autorités françaises, elle se trouvait clairement exprimée dans la circulaire du Préfet de la Vienne du 23 août 1940 en ces termes : “Le fait de se faire inscrire n’entraînera pour les inscrits aucune obligation de se mettre en route si, le moment venu, ils ont changé d’avis.” Un certain nombre d’hésitants se feront rapatrier parce qu’ils ignoraient ces dispositions, tout comme ils ignoraient que l’allocation aux réfugiés continuerait à leur être versée. Au sujet de cette dernière mesure il faut noter que c’est au moment où les réfugiés de Saint-Avold se trouvaient à la gare pour être embarqués dans le train du retour, que le tambour de ville de Couhé en informa les non-rentrés. Le Maire de Château-Garnier ne fut avisé de cette disposition que le 5 octobre 1940.
L’éventail socioprofessionnel des 900 personnes qui avaient choisi d’attendre l’issue du conflit dans les départements français “de l’intérieur” était très large allant du modeste ouvrier au fonctionnaire en passant par l’artisan et le commerçant. Les uns avaient des revenus assurés, les autres vivaient chichement tantôt de travaux occasionnels, tantôt de l’allocation aux réfugiés. Pour bon nombre d’entre eux, l’option prise de vivre loin de Saint-Avold constituait un indéniable sacrifice. Les motifs de leur choix furent très divers. Ainsi, les soeurs enseignantes du Pensionnat Sainte-Chrétienne et de l’école communale de filles au nombre d’une vingtaine ne sont pas revenues parce que les Allemands ne permettaient pas à des religieuses d’enseigner dans leurs écoles. Certains Naboriens sont restés parce qu’ils ne voulaient pas courir le risque d’être un jour incorporés dans l’armée allemande ou d’exposer leurs fils à subir ce sort. D’autres ne voulaient rien savoir du régime allemand moins encore du régime nazi. D’autres encore étaient simplement motivés par une fidélité indéfectible envers la Patrie.
L’annonce par la radio et par les journaux de la libération de Saint-Avold par les boys de Patton, le 27 novembre 1944, fut un jour d’allégresse que d’aucuns fêtèrent copieusement… Les quelque 220 Naboriens restés dans la Vienne tinrent à associer leurs hôtes et amis poitevins à leur immense joie. C’est dans ce but que M. Emile Schilling, chargé de la classe des petits réfugiés de Couhé Vérac, organisa dans cette localité, le dimanche 3 décembre 1944, une cérémonie pour fêter la libération de Saint-Avold. À cette cérémonie participèrent non seulement les autorités civiles et religieuses mais aussi tous les Naboriens des alentours et une grande partie de la population de Couhé.
On devine aisément avec quelle impatience nos réfugiés attendaient l’heure du retour à Saint-Avold. Les plus optimistes espéraient fêter Noël au pays natal enfin retrouvé. Hélas, il était permis de rêver, mais la guerre continuait… Les premiers retours ne furent autorisés par le Service des Réfugiés de la Préfecture de Metz qu’au mois de juin 1945. Beaucoup, n’y tenant plus, rentrèrent isolément - le voyage en train et le transport des bagages étant gratuits - sans attendre le rapatriement collectif organisé entre autre à partir de Poitiers le 2 octobre.
Munis d’un maigre viatique, à savoir 750 F de “ prime de réinstallation” par famille, et 15 jours d’allocations aux réfugiés supplémentaires, nos gens réintégrèrent leurs maisons à Saint-Avold, où ils ne trouvèrent généralement que des pièces vides. Leurs biens avaient été vendus et dispersés par les nazis comme biens ennemis. Les premiers temps, il y en eut qui renouèrent avec l’habitude de coucher sur la paille en attendant de se voir attribuer quelques méchants meubles récupérés chez les fonctionnaires allemands en poste à Saint-Avold, et que l’avance américaine avait contraints de quitter les lieux. Ils furent certes déçus par les conditions matérielles qu’ils trouvèrent à leur retour, mais en revanche, ô combien heureux de vivre à nouveau dans le cadre familier de la bonne ville de Saint-Avold, entourés de parents chers, d’amis et de connaissances enfin retrouvés après cette si longue absence.
Les bombardements aériens de 1944 ont fortement endommagé le centre-ville (ici, place de la Victoire).