Saint-Nicolas à Saint-Avold

Article de Pascal FLAUS et André PICHLER paru dans le « Cahier du Pays Naborien » n° 18

De nos jours, la tradition de la Saint-Nicolas se résume, pour le plus grand nombre, à un défilé organisé par les soins de la municipalité, le samedi qui précède le 6 décembre ainsi qu’à un passage du saint patron dans les écoles primaires de la ville, offrant aux enfants des friandises. Depuis 1922, suite à une demande de la société des commerçants, la Ville organise une foire de la Saint-Nicolas qui, jusqu’en 2002, avait lieu le premier lundi de décembre. Elle est transférée à présent au dernier dimanche de novembre.

En 1477, René II, duc de Lorraine, place son armée sous sa protection avant d’affronter Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, qui assiège Nancy. Après son éclatante victoire, René II lui donne le nom de « Patron de la Lorraine ». Son culte officiel est célébré à Saint-Nicolas-de-Port qui devient, au Moyen Âge et jusqu’à la Guerre de Trente Ans, un haut lieu de dévotion à saint Nicolas. Des pèlerins venus de toute l’Europe y vénèrent la relique de l’osselet d’un des doigts de l’évêque de Myra (270-326), apportée par un chevalier lorrain, Aubert de Varangéville, de retour de Terre Sainte. A Saint-Avold, son culte se répand dès la fin du XVe siècle.

La ville connaît alors une grande prospérité liée au développement de corporations puissantes comme celles des bouchers et des marchands-merciers qui, respectivement en 1457 et 1486, se placent sous sa protection. Le culte de saint Nicolas s’étend à une grande partie de la Lorraine.

Aujourd’hui, dans le diocèse de Metz, plus de cinquante églises portent son nom.

Dans la logique de cette tradition bien ancrée à Saint-Avold, l’ancienne église paroissiale Saints-Pierre-et-Paul réserve à saint Nicolas une place de choix. Cette église, reconstruite dans la période de 1489 à 1494, comporte outre le maître-autel, six ou sept autels placés dans les bas-côtés. Deux d’entre eux occupent une place privilégiée, sans doute dans l’axe des collatéraux, l’un étant dédié à la Vierge et l’autre à saint Nicolas. Les qualificatifs, d’usage courant à cette époque, « nef de la Sainte Vierge » et « nef de saint Nicolas », illustrent l’importance donnée à cette disposition.

La corporation des merciers et celle des bouchers célèbrent la fête de leur saint patron le 6 décembre et aux quatre-temps. Ses membres se rendent alors en procession à l’église paroissiale pour y chanter une messe solennelle en l’honneur du saint et font des offrandes de cire et d’argent. La corporation des bouchers acquiert, vraisemblablement en 1773, une nouvelle statue de saint Nicolas qui est placée sur son autel.

Pendant la Révolution, l’église paroissiale Saints-Pierre-et-Paul est désaffectée pour être cédée comme bien national à l’issue de l’échange avec l’église abbatiale. Elle est vendue le 20 octobre 1798 à Hubert Watrin de Metz, pour 2421 francs, puis transformée en maison d’habitation.

Une partie du mobilier de l’église Saints-Pierre-et-Paul, dont vraisemblablement la statue de saint Nicolas, est alors transportée à Saint-Nabor, ancienne abbatiale devenue église paroissiale par le décret de l’Assemblée Nationale du 10 septembre 1792, signé Danton.

Dès la fin de 1801 et surtout à partir de 1802, année de la signature du Concordat et de la restauration du culte, la nouvelle église paroissiale fait l’objet de nombreux et importants travaux, sous l’impulsion de la municipalité conduite par le maire Jacques-Louis Delesse et de Jean-Nicolas Houllé, enfant de Saint-Avold, curé-archiprêtre de 1803 à 1841. La couverture de l’édifice exige des réparations urgentes et il convient d’effacer les stigmates de la Révolution pour redonner à la communauté naborienne un lieu de culte de qualité. Nul doute que saint Nicolas retrouve aussitôt sa place, mais la pauvreté des archives de la première moitié du XIXe siècle nous confine aux hypothèses. La copie d’une délibération du conseil de fabrique, en date du 17 juillet 1864, mentionne « la petite allée de la Vierge » et « la petite allée de saint Nicolas », preuve que la tradition naborienne a bien été perpétuée.

Dans son ouvrage édité en 1868, l’historien naborien Philippe Bronder confirme cette disposition en situant le calvaire des Porcelets « près de l’autel de saint Nicolas ». À cette époque ce calvaire, daté de 1624, est fixé sur la baie du bras droit (côté sud) du transept, murée en 1792 et réouverte en 1910.

En 1881, l’abbé Georges-Auguste Lemire, curé-archiprêtre de 1880 à 1906, remplace les autels d’origine du transept par des autels de style rocaille en marbre blanc . L’autel de gauche est toujours dédié à la Vierge tandis que celui de droite devient l’autel de saint Joseph. La statue de saint Nicolas est alors fixée sur le pilastre à droite de cet autel. La photographie en noir et blanc, datant des années 1930, illustre ces modifications.

Dans un manuscrit inédit rédigé vers 1900, Philippe Bronder confirme que « l’autel de droite dédié à saint Joseph… C’est l’ancien autel de saint Nicolas ».

La bombe alliée qui dévaste l’église dans l’après-midi du 9 novembre 1944, détruit, entre autres, les deux autels du transept et mutile la statue de saint Nicolas. Celle-ci, sommairement réparée mais sans sa crosse, est placée dans la niche gauche du transept en 1956, dès l’achèvement des autels actuels dans le cadre des travaux de restauration d’après-guerre. L’autel de droite est, depuis cette époque, dédié à la Sainte Vierge.

Quelques années plus tard, en 1961, la statue en bois de saint Joseph, réalisée par le sculpteur naborien Helmut Muller, prend la place de la statue de saint Nicolas qui est remisée sans ménagement dans le local situé à gauche du chœur de l’église. Elle restera exposée à la poussière et aux outrages du temps, pendant plus de 40 ans.

Cette statue de saint Nicolas, ronde-bosse frontale en chêne, de taille légèrement supérieure à deux mètres, de facture baroque, datant du XVIIIe siècle, a été récemment restaurée dans les règles de l’art par les soins de la Ville. Depuis le 5 décembre 2003, veille de la Saint-Nicolas, elle peut à nouveau être admirée dans la niche gauche du transept de l’église paroissiale Saint-Nabor. On y distingue, à sa base, à gauche, la représentation de la légende des enfants sauvés du saloir.

Saint Nicolas, personnage fort sympathique, a ainsi une histoire très ancienne à Saint-Avold. Il y est vénéré durant plus de 350 années par les plus puissantes corporations de la ville qui se sont placées sous sa protection. Cette dévotion ancienne s’inscrit dans le culte officiel que lui ont voué les ducs de Lorraine depuis René II. Son culte s’étend de Bari, en Italie où sont exposées ses reliques venues d’Asie Mineure, jusqu’aux Pays-Bas, par la dorsale catholique des pays germaniques ou germanophones : l’Autriche, l’Allemagne du sud, la région rhénane, la Lorraine, le Luxembourg et la Belgique. Il est un saint typique du pays de « l’Entre-Deux » qu’est la Lotharingie, vénéré par de nombreuses corporations, dont celles des marins, des juristes, des bouchers, des étudiants…, et aussi par les écoliers.

La déchristianisation de nos sociétés d’après-guerre a fait disparaître son culte dans de nombreuses paroisses. Ce sont souvent les municipalités qui, d’une certaine façon, en ont repris la commémoration par l’organisation de cortèges ou en faisant distribuer des friandises aux enfants par le patron des écoliers, manifestations teintées parfois d’un certain esprit commercial.

Souhaitons que cet article permette aux habitants du Pays naborien de redécouvrir un saint très populaire dans une grande partie de l’Europe, intimement lié à l’histoire religieuse de la région et dont le culte, depuis quelques décennies, connaît un nouvel essor, notamment grâce aux cérémonies du pèlerinage de Saint-Nicolas-de-Port.