Adrienne Thomas posant au bord de la Moselle en compagnie de son père Isidore Strauch

Les “souvenirs” d’Adrienne Thomas

Traduction par Jules VILBOIS de l’article de Daniela DORNER ” DIE „ERINNERUNGEN“ DER ADRIENNE THOMAS “ paru dans le « Cahier du Pays Naborien » numéro 17

Préambule

« Échange possible qu’après accord préalable », était imprimé en petits caractères au bas de la feuille de papier commercial sur laquelle mon père avait annulé les données de ma naissance :

« Elita Pauline STRAUCH, née le 24 juin 1897, à 6 heures 38 du matin à Saint-Avold en Lorraine. Le nom « Elita » avait été barré et remplacé par « Hertha ». On n’aurait pas pu m’échanger, moi, bien qu’on l’eût fait volontiers ».

C’est avec ces termes que la femme de lettres Adrienne Thomas (1897-1980) introduit ses « Souvenirs ». À la question posée à Daniela Dorner : « Pourquoi une Autrichienne est-elle si motivée pour tirer de l’oubli les « Souvenirs » d’un écrivain talentueux, née à Saint-Avold ? » la réponse est vite trouvée. Adrienne Thomas a passé la moitié de sa vie à Vienne. Elle était l’épouse d’un Autrichien célèbre, Julius Deutsch, et elle est inhumée au cimetière de Grinzing dans un cénotaphe érigé par la ville de Vienne en reconnaissance pour son œuvre littéraire.

L’enfance et l’adolescence

Quand Adrienne Thomas, alias Hertha Strauch est née en 1897 à Saint-Avold, l’Alsace-Moselle est annexée depuis 26 ans au Reich allemand. D’origine juive, son père exploite un commerce 31, rue de Hombourg, actuellement rue Poincaré. La maison natale d’Adrienne Thomas n’existe plus. Sinistrée en 1944, elle est démolie en 1958. Hertha Strauch grandit bilingue. Elle adopte pour ainsi dire simultanément le dialecte alémanique avec le lait de sa nourrice alsacienne originaire de Scharach-Bergheim.

« Comme elle prenait soin de moi jusqu’à l’âge scolaire, je me souvient encore très bien d’elle, une grande et robuste fille avec ses yeux gris-vert, son large visage. Elle était toujours en tenue folklorique : blouse blanche sur une ample jupe noire la semaine et rouge le dimanche et comme coiffure un imposant nœud en lourde soie noire. Comme elle ne parlait que le « Elsässer Ditsch » - dialecte alsacien – et moi aussi, il en résulta que je n’arrivais pas à communiquer ni avec mes parents ni avec ma sœur ».

Annonce parue dans le “Sankt Avolder Anzeiger “(journal de Saint-Avold), le 12 février 1903.

Conjointement à Thérèse, la nourrice, c’est M. Ehrmann, propriétaire de la maison, rue de Hombourg, qui marquera de son empreinte les sept premières années de la vie de Hertha Strauch. Grâce à lui, elle apprend la langue française, qu’elle parle sans accent, contrairement à l’allemand. À travers M. Ehrmann, elle prend conscience, dans ses jeunes années, des particularismes de sa patrie lorraine. L’octogénaire qui avait été marqué par l’ère napoléonienne, est en contact avec beaucoup de connaissances qui, après le traité de Francfort, se sont expatriées mais attendent de pouvoir revenir au « bercail français ». M. Ehrmann est de ces Lorrains mosellans qui n’abandonnent pas leur petite patrie. Un jour, le père de Hertha ramène un phonographe à la maison et fait entendre la Marseillaise pourtant proscrite. M. Ehrmann entre en silence dans la chambre, la tête haute, les yeux brillants, se découvre, s’incline après les dernières notes de l’hymne et quitte sans un mot la pièce. À l’âge de sept ans, Hertha perd son ami. Quand on sort le cercueil de M. Ehrmann de la maison, M. Strauch lui joue l’hymne national français.

Dans les « Souvenirs » d’Adrienne Thomas, l’image de Saint-Avold, ville de garnison, est solidement ancrée. L’enfant Hertha Strauch se réjouit à la vue des uniformes bigarrés. Elle et la bonne d’enfant, Victorine, ont un faible pour la cavalerie et elles sont fières de bénéficier de temps en temps de la compagnie de militaires dans leurs promenades.

Adrienne Thomas ne passe que sept ans de son enfance à Saint-Avold, sa ville natale. Ses parents déménagent à Metz, Königstrasse 4. Son père et son oncle y possèdent un grand magasin avec quatre filiales dans la province mosellane. La famille vit donc dans une relative aisance bourgeoise. Les deux sœurs bénéficient d’une bonne scolarité et fréquentent la « Höhere Mädchenschule », un Pensionnat, rue Poncelet.

« J’étais une élève moyenne, sérieuse, ouverte, au contact facile. Avec le calcul, et plus tard les mathématiques, j’étais alors, et ce pendant toute ma vie, sur le pied de guerre ».

Durant sa scolarité à Metz, elle est confrontée à la spécificité frontalière de la Lorraine mosellane. La fonction de cette ville, creuset de cultures et de groupes linguistiques différents, se manifeste dans un cadre plus restreint. C’est ainsi que la classe de Hertha se compose de Françaises, d’Allemandes et d’Alsaciennes mosellanes dont l’amitié, à l’occasion d’évènements nationaux, est mise à rude épreuve.

« Une occasion se présente par exemple lors d’un événement sportif exceptionnel. En 1908, Louis Blériot, le constructeur d’avions français, avait entrepris, le premier du continent, un circuit de Toury à Arthenay. Déjà en 1911 Metz et Trèves se hasardèrent à organiser un vol non-stop Trèves-Metz. Y prennent part, en rivaux, un Rhénan, Robert Thelen et un Mosellan, Émile Jeannin. Le Lorrain, un homme élancé de belle prestance, gagne la course dans un temps record. Quant à Robert Thelen, il avait dû faire escale à deux reprises. La classe était divisée en deux clans. Les amies d’hier s’évitaient ».

On retrouve le même antagonisme parmi le personnel enseignant. La professeur d’histoire, Marie Meyer, représente pour les élèves le prototype de la mentalité prussienne qu’elles rejettent. Elle désapprouve tout ce qui est français, ce qui provoque chez Hertha Strauch une réaction de révolte. C’est intentionnellement qu’elle accorde sa préférence à Napoléon et Voltaire. L’Alsacien Lucien Muller par contre, le professeur titulaire, est le chouchou de ces demoiselles. Il laisse transparaître ses convictions politiques. Il espère le retour de sa petite patrie à la France tout en reconnaissant la générosité de l’Allemagne qui d’emblée a octroyé un statut spécial à l’Alsace-Lorraine.

Hertha Strauch, alias Adrienne Thomas, à 16 ans.

La diversité des courants politiques est perçue par Hertha Strauch comme positive et nullement dérangeante. D’après elle la confrontation des idées est préférables à une indifférence dangereuse. En arrivant à comprendre les différentes opinions, on évite de se transformer en nationaliste.

La faculté d’analyser les différentes cultures et les courants de pensée est inhérente à la population frontalière. Des choses qui sur le plan national posent problème, appartiennent dans ces régions au quotidien et ne présentent pas d’obstacle. Cette ouverture d’esprit est propre à Adrienne Thomas comme le prouve sa vie agitée dans les différents pays d’Europe et en Amérique. Son établissement est transféré en 1910 à Montigny-les-Metz et sur le chemin de l’école, elle est de nouveau en contact avec les militaires comme jadis à Saint-Avold, ici avec les régiments d’infanterie bavarois.

« Nous étions fascinées par le champ de manœuvres et nous pouvions passer des heures à voir et à écouter comment les « satanées recrues du Palatinat » étaient dressées. Elles étaient abreuvées de jurons et de gros mots – impossibles à traduire – Nous prenions une vive part à cette formation et à cet entraînement militaire ».

Durant son cursus scolaire à Metz, Adrienne Thomas apprend l’anglais dispensé par Miss Griffin, une vraie Anglaise. L’accent britannique acquis durant ces années lui sera fort utile lors de sa recherche d’emploi en Amérique. En 1913, lors d’une excursion de sa classe, Adrienne Thomas vivra une de ses dernières journées heureuses. Il s’agit d’un des derniers jours de paix avant la guerre qui n’est pas voulue par les hommes, mais imposée « d’en haut ».

« Et le train arriva. Soudain tous les Français étaient sur le perron et nous aidèrent à monter en train. Les portières claquèrent, le train se mit lentement en marche. – « Muss i dem, muss i dem zum Städtle hinaus » - Dois-je quitter mon village… - entonna Lucien Muller, et nous mêlions nos voix et nos jeunes voisins de l’autre côté de la frontière en firent autant – Nous avions tant de choses en commun, pas seulement quelques chants. Le sifflet de la locomotive, chanter, rire, se faire signe. Il ne vint à l’idée de personne d’entre nous que les pères et les frères de ces jeunes filles exubérantes pointeraient l’année suivante leurs fusils sur ces jeunes Français et que ceux-ci riposteraient. Une nouvelle fois la locomotive fit entendre un interminable sifflet. Le train s’ébranla, nous rapprocha de l’an 1914. Et c’est en 1914 que prit fin ma jeunesse ».

C’est aussi avec cette phrase significative que se terminent les « Souvenirs » d’Adrienne Thomas. Probablement une indication que les années de guerre qui suivirent ne valaient pas la peine d’être évoquées. La belle époque prend donc fin en 1914. Toute l’Europe est en révolution. L’Alsace et la Lorraine englobées dans la ligne de front sont particulièrement exposées. Pour Adrienne Thomas aussi commence une période mouvementée qui influence durablement sa vie et sa création littéraire.

La première guerre mondiale

Au début de la guerre, Hertha Strauch, 17 ans, s’investit comme aide-soignante à la gare de Metz. Elle s’occupe du ravitaillement des troupes et très vite elle est confrontée aux affres de la guerre en prenant soin des blessés et des réfugiés. Elle est choquée par l’exécution d’un jeune déserteur allemand :

« On oblige quelqu’un à mourir dont le seul forfait est de ne pas vouloir mourir ».

Suite aux nombreuses attaques sur Metz, la famille Strauch cherche refuge à Berlin. Quand Hertha Strauch quitte, le cœur lourd, le 14 avril 1916, la ville où elle a passé ses années de jeunesse, elle ne sait pas que c’est un départ définitif.

« Peu de choses m’auront autant coûté que de faire mes adieux à ma patrie lorraine. Jamais plus je n’ai éprouvé ce sentiment d’appartenance absolue, de sécurité comme je l’ai ressenti là-bas – mis à part chez l’une ou l’autre personne – mais jamais je ne me suis sentie vraiment liée à un paysage, à une ville ou à une contrée. J’étais déracinée. Déracinée, j’errais dans Berlin – j’abhorrais cette ville, son idiome que souvent je ne comprenais pas, je haïssais les habitants ».

Les aveux témoignent de son attachement pour la Lorraine sa vie durant, et combien elle aime se souvenir de son enfance et de sa jeunesse à Saint-Avold et à Metz. La guerre exerce ses effets sur la plupart des Lorrains. Beaucoup perdent leurs racines culturelles, leur petite patrie, ce qui s’imprégne dans la mémoire collective lorraine. À Berlin, Hertha Strauch travaille temporairement comme enseignante et de nouveau comme infirmière. Elle survit à la grippe espagnole et à la guerre et, en 1918, se pose la question de son avenir.

L’après guerre

En 1921, Hertha Strauch épouse en première noces un médecin d’origine juive, Arthur Lesser, qu’elle suit à Magdeburg. Mais il décède en 1930 d’un cancer. La même année est publié le premier roman d’Adrienne Thomas : « Die Katrin wird Soldat » - « Catherine, soldat » – son plus grand succès littéraire, traduit dans quinze langues. Dans ce roman où elle dénonce la guerre, elle évoque son vécu personnel pendant la première guerre mondiale et met en exergue la situation des provinces frontalières que sont l’Alsace-Moselle en se référant à des personnalités historiques. Prenant comme exemple le Maire de Metz, Dr Fôret, elle décrit le comportement ambigu de fonctionnaires mosellans confrontés aux Allemands et aux Français.

« Dr Foret se tient devant la fenêtre et contemple la cathédrale. Tout a été fait pour dissuader les Messins d’élire cet avocat catholique issu d’une vieille famille lorraine, comme Premier Magistrat de leur ville. Les Allemands à Metz ne l’aiment pas, se méfient de lui et affirment qu’il détient en cachette le drapeau tricolore pour accueillir dignement les Français. Peut-être lui en coûte-t-il d’annoncer du vieil Hôtel de Ville les défaites des Français aux Messins ».

Avec l’avènement du nazisme le succès du livre est promptement stoppé. En 1933 le roman est victime des premiers autodafés. Adrienne Thomas émigre en Suisse et fait paraître son deuxième roman : « Dreiviertel Neugier » - « Trois-quarts de curiosité » dont le succès est loin d’atteindre celui de sa première œuvre. En 1934 Adrienne Thomas déménage pour la première fois à Vienne, ville pourtant peu sûre à cette époque. En 1935 sort son troisième roman : « Katrin ! die Welt brennt » - « Catherine ! le monde est en feu » – dont les évènements se passent dans les années 1920 à l’époque du National-socialisme naissant. En 1937 suivent deux livres pour enfants où elle fait état de problèmes de société et d’ordre social. Quand les troupes d’Hitler entrent à Vienne en 1938, elle reste sur place malgré le danger qui menace. De nouveau se pose le problème : quel avenir ?

« Durant des semaines nous parcourions les rues de Vienne envahie, voyant et entendant tout. Et la nuit, assis au bureau, nous prenions des notes, sériions les évènements sans savoir pour quelle utilité… À Vienne j’avais peur… j’avais peur de la peste brune, du rebut du genre humain qui soudainement avait envahi la voie publique. J’avais peur, et pourtant la nuit, assise devant l’une ou l’autre table, j’écrivais. Nous n’avions pas le droit de nous taire ».

Les Nazis arrivent cependant à dénicher Adrienne Thomas. Elle s’enfuit à Paris où elle termine son roman : « Von Johanna zu Jane » - « De Johanna à Jeanne » – Elle y décrit la vie d’une juive à Vienne au début du siècle. Le début de la deuxième guerre mondiale interrompt sa créativité littéraire.

La deuxième guerre mondiale

Comme veuve d’un Allemand, Adrienne Thomas est confrontée à Paris aux persécutions.

« La concierge me salua visiblement avec réserve. À la librairie on évite les conversations matinales habituelles. Les causeries s’arrêtent partout où apparaissent les femmes d’Allemands. L’infiltration nazie qui avait eu lieu en France bien avant la guerre avait réussi à faire en sorte que le peuple n’arrivait plus à faire la différence entre persécuteurs et persécutés ».

Cette déclaration d’Adrienne Thomas me rappelle le vécu des Mosellans de l’est évacués au début de la guerre à l’intérieur de la France et traités de « Sales Boches » à cause de leur dialecte francique. Adrienne Thomas se sent à cet égard solidaire du destin de ses compatriotes mosellans.

Avec mille autres femmes elle est internée en 1940 au Vélodrome d’Hiver à Paris et finalement se retrouve dans le sinistre camp de réfugiés de Gurs. C’est là qu’elle met par écrit ses souvenirs. Avec la signature de l’armistice entre Berlin et Paris, la situation des prisonniers allemands à Gurs devient critique. Ils craignent la menace d’extradition. Avec deux autres femmes, Adrienne Thomas tente la fuite. Durant des semaines, elles se cachent dans les Pyrénées avant d’arriver à Marseille où elles obtiennent un visa pour l’Amérique. Le 13 septembre 1940, une petite valise à la main, elle foule le sol américain. Elle se trouve devant le néant.

En 1941 Adrienne Thomas fait la connaissance à New-York de son futur mari, l’Autrichien Julius Deutsch. Cette rencontre va transformer sa vie. Grâce à lui elle obtient un emploi dans un périodique mensuel. Exploitant ses manuscrits commencés à Gurs, elle écrit son nouveau roman : « Reisen sie ab, Mademoiselle » - « Partez, Mademoiselle » - où elle compte apporter son tribut dans la lutte contre le nazisme. Le livre ne sortira en Europe qu’après la guerre et sera accueilli favorablement : pour témoigner sa reconnaissance à l’Amérique, terre d’asile, Adrienne Thomas écrira : « Ein Fenster am East River » - « Une fenêtre à East River » – où elle idéalise les U.S.A. sous forme de clichés. Le livre ne paraîtra en Autriche qu’en 1948. Pour Adrienne Thomas les années passées aux U.S.A. avec son mari sont une période heureuse. Elle a un emploi et, en 1947, elle revient avec lui en Europe.

« Revenir en Europe ne me serait pas venu à l’idée, si je n’avais dû le faire pour suivre Julla… Il voulait rentrer chez lui… Que me restait-il à faire d’autre ? Et c’est ainsi que je me retrouve avec lui à Grinzing, qui est quand même la plus belle banlieue de Vienne (Je n’aime pas du tout Vienne ni les Viennois) mais j’ai un chez-moi magnifique ».

La vie à Vienne

À Vienne, Adrienne Thomas, la mal-aimée, trouve pourtant une nouvelle patrie. La maison de la famille Deutsch-Thomas, dans la « Himmelstrasse 41 » à Grinzing est un lien de rencontres mondaines de politiques haut placés et d’hommes de lettres connus. L’activité littéraire d’Adrienne Thomas reste désormais en veilleuse. Elle se contente de publier quelques petites histoires dans un journal et devient membre du « PEN-Club » autrichien.

En 1950 elle épouse Julius Deutsch et se convertit au protestantisme. La même année elle publie le roman : « Da und dort » - « Ici et là » – qui relate une nouvelle fois la vie de l’auteur. Son œuvre littéraire se termine après l’édition de deux livres pour jeunes en 1955. Quand Julius Deutsch meurt subitement en 1968, elle ressent cette épreuve comme si elle avait perdu une nouvelle fois sa patrie.

« D’après les dernières volontés de Julius, tout doit continuer comme de son vivant. Je dois conserver l’habitation et la gouvernante. Mais quant à mon propre sort, il ne pouvait pas en décider ».

Adrienne Thomas rassemble une nouvelle fois ses forces et écrit : « Rund um mein Gästebuch » - « Autour de mon livre des invités » – et naissent aussi : « Hymnen » - « Hymnes ». Après cet ultime effort, elle ne s’occupe plus que de l’héritage spirituel de son mari et de sa réhabilitation complète en Autriche. Elle obtient l’apposition d’une plaque commémorative sur la façade de sa maison dans la « Himmelstrasse ». En 1979 Adrienne Thomas reçoit la médaille d’honneur de la capitale fédérale, Vienne, une très belle distinction pour elle. Affectée par l’âge et la maladie, elle se retire de plus en plus de la vie publique. Elle décède le 7 novembre 1980.

Conclusion

La vie d’Adrienne est des plus tourmentées. Elle vit les deux grands conflits du XXe siècle qui ont une grande influence sur sa personnalité et son œuvre littéraire. Mais jamais elle n’oublie sa patrie lorraine, les villes de Saint-Avold et Metz. Quand la première guerre mondiale l’arrache à son environnement familier, commence alors pour elle la recherche d’une nouvelle patrie capable de remplacer le « bien-vivre » lorrain. Jamais elle ne retrouvera la quiétude d’un tel bien. Elle ne supporte Vienne, la mal-aimée, que grâce à l’amour qu’elle porte à son mari, l’homme politique autrichien Julius Deutsch. L’œuvre littéraire d’Adrienne Thomas est, de son vivant, couronnée de succès et la ville de Vienne se montre reconnaissante en lui érigeant un cénotaphe au cimetière de Grinzing.

La vie d’Adrienne Thomas est restée sans écho dans son pays d’origine. Autant elle rayonne avec succès comme femme de lettres, en Lorraine par contre elle reste une grande inconnue. C’est pour cette raison que cet article a vu le jour. Je considère de mon devoir d’en appeler à Saint-Avold de se souvenir d’Adrienne Thomas comme elle se souvenait de ses origines à l’automne de sa vie. Durant toute sa vie elle s’est considérée comme une vraie Lorraine et sa biographie est aussi mouvementée que l’histoire de cette contrée frontalière et de ses habitants.

Adrienne Thomas représente cette génération lorraine qui est imprégnée profondément des deux cultures, la romane et la germanique. Elle a choisi l’allemand littéraire pour s’exprimer dans son œuvre littéraire et je souhaite ardemment que ceci ne fasse pas obstacle à son souvenir, d’autant plus que beaucoup de ses romans ont été traduit en français. Il serait imaginable et souhaitable que des élèves qui apprennent l’allemand en Moselle, s’intéressent à Adrienne Thomas et qu’à Saint-Avold en particulier on prenne conscience que dans leur ville est née une femme de lettres de renommée internationale dont l’œuvre a été couronnée de succès.

Rappelons la parution récente, aux Éditions Serpenoise, du livre de Jacques Gandebeuf : « Adrienne Thomas, le fantôme oublié de la gare de Metz »