Promenade en Pays Naborien

par Bernard Becker

Il existe bien des façons de partir à la découverte du Pays naborien : en voiture, bien sûr, mais aussi en cheminant à pied sur les 196 kilomètres de sentiers balisés par la section de Saint-Avold du Club Vosgien et qui permettent au visiteur d’admirer aussi bien les bulbes de l’église abbatiale de Saint-Avold que l’élégante silhouette de la chapelle Sainte-Catherine à la pointe du promontoire sur lequel s’est installé le village de Hombourg. Nous avons déjà présenté, sur ce site, l’histoire et les richesses patrimoniales de Saint-Avold, Hombourg, Folschviller, Valmont, Altviller, Porcelette. Nous nous intéresserons, dans cette page, aux villages de Lachambre et Macheren.

De Lachambre à Macheren

Holbach

Les origines de l’écart de Holbach (qui fait aujourd’hui partie de la commune de Lachambre) remontent à l’époque gallo-romaine et sont attestées par la présence d’une villa. Au Moyen Âge, le lieu dépendait de la collégiale de Hombourg-Haut. Le chapitre donna le village en bail en 1263 au seigneur de Hingsange, en 1701 à la famille de Séchamp, puis au baron de Henning. En 1743, la Collégiale fut supprimée et tous ses biens et ses rentes furent attribués par l’évêque de Metz au Grand Séminaire de Metz qu’il venait de fonder. Holbach ne fut pas cédé en 1581 au duc de Lorraine, mais resta uni au Temporel de l’Évêché avec lequel il fut réuni à la France en 1648. Holbach forma en 1790 une commune du canton de Saint-Avold, mais fut réuni à Lachambre par décret du 6 mai 1811.

Une chapelle, dédiée à Notre-Dame de la Consolation, anciennement gardée par un frère ermite, était le but d’un pèlerinage assez fréquentée qui finit par être autorisé en 1758. Détruite et reconstruite en 1890, elle fut démolie pendant le seconde guerre mondiale. L’actuelle chapelle a été rebâtie en 1963 sur les plans de l’architecte Haumaret de Forbach.

Dans cette chapelle, la “Vierge au manteau” est particulièrement intéressante. Elle abrite sous ses bras étendus une vingtaine de personnages en costumes du XVIIIe siècle : à gauche, des religieux et deux bourgeois; à droite : des religieuses et des paysannes. Ce thème est très fréquent en Lorraine où l’on a pu en dénombrer une trentaine. La plus ancienne représentation date de 1505 et a été commandée à l’imagier Mansuy Gauvain par le duc de Lorraine René II mais la plupart datent du XVIIIe siècle où le thème a connu un regain de ferveur. La présence de religieux portant l’habit franciscain permet de supposer que cet ensemble se trouvait d’abord à Hombourg-Haut. Au XXe siècle il a été légèrement modifié par le sculpteur naborien Helmuth Muller qui en a assuré la restauration.

La “Vierge au manteau”, chapelle de Holbach

Curieuse représentation de la ville de Jérusalem réalisée à côté de la chapelle de Holbach, vers 1900, à l’initiative du curé Baquet.

Lachambre

Du haut de la petite route qui, de Holbach, permet de rejoindre Lachambre, on jouit d’une jolie vue sur ce village fondé en 1586 par le duc Charles III de Lorraine sur un emplacement défriché dans le bois de “La Fresne”. On trouve le nom “Cameren” en 1594 puis “Caméra” en 1606 et enfin La Chambre en 1751. En 1729, le village fut donné en fief avec d’autres lieux (entre autres Macheren et Petit-Ebersviller) au baron de Henning. En 1790, il devint commune du canton de Saint-Avold. Le 1er septembre 1939, la population fut évacuée dans le département du Calvados et la Mairie repliée à Cabourg. 24 maisons furent détruites lors des bombardements de 1939 - 1940. Le village fut libéré en même temps que Saint-Avold le 27 novembre 1944.

Le village de Lachambre compte un peu plus de 700 habitants.

L’église Saint-Martin de Lachambre, édifiée vers 1700 au centre du village, puis remaniée et agrandie, était rattachée dès sa construction à l’archiprêtré de Saint-Avold. La chaire qui date de 1860 est remarquable : ici, Saint Grégoire. (voir “La vie religieuse à Lachambre”).

Petit-Ébersviller

On quittera Lachambre par la petite route qui monte vers le Brummberg (314 m) d’où l’on a une belle vue sur Petit-Ébersviller qui fait partie aujourd’hui de la commune de Macheren. Situé sur une petite colline, le village primitif a su garder son cachet et toutes les constructions qui en font le secteur le plus peuplé de la commune se sont implantées en dehors de ce noyau originel.

La première mention écrite “Ébersweiler” date de 1185. Le nom devient “Ébersviller” en 1221 puis, en 1779, “Ébersviller-la-Petite”afin de différencier la localité de la ville d’Ébersviller près de Bouzonville. La forme actuelle “Petit-Ébersviller” est adoptée en 1869.

L’évêque Guillaume de Trainel (1264-1270) engagea le village à l’abbaye de Saint-Avold ; son successeur Laurent de Lichtenberg remboursa le gage en 1272. En 1360, l’évêque Adémar céda la moitié du village à Ludemann de Büden qui rendit hommage plus tard à l’évêque Thierry de Boppard.

En 1486, la moitié du village de Petit-Ébersviller et des biens à Macheren formaient un fief épiscopal, détenu alors par Jean de Wickersheim, dit Sachs, et en 1490 par Jean de Fénétrange et Jean de Hérange. Après 1581, où le village fut acquis par le duc de Lorraine, le fief fut possédé (en 1681) par les Delavigne, seigneurs de Fürst, et en 1729 par les barons de Henning. Les seigneurs de Varsberg y possédaient une ferme (cour seigneuriale) ; ils en vendirent la moitié en 1679 aux Bénédictines de Saint-Avold qui la cédèrent en 1682 à l’abbaye de Wadgassen pour l’entretien du vicaire résident à Valmont.

Petit-Ébersviller : l’église Saint-Étienne et la rue haute en 1967.

L’église paroissiale Saint-Étienne fut reconstruite en 1753, à l’emplacement d’un édifice de 1676. Par décision de l’abbé Vergas de Wadgassen, tous les décimateurs, au nombre de douze, durent payer leur quote-part au prorata des parts et portions qu’ils percevaient dans les dîmes. Il s’agissait des seigneurs Cailloux et O’more de Valmont, du sieur Gillot de Fürst et de sa sœur ainsi que des huit villages suivants : Macheren, Hombourg-Haut, Hellering, Guenviller, Holbach, Altviller, Valmont et Fürst. Ces huit villages formaient ensemble la paroisse de Petit-Ébersviller. À cette occasion les trois seigneurs Cailloux, O’more et Gillot demandèrent que l’église de Valmont soit érigée en cure dans un délai d’un an mais cette demande n’aura de suite que cinquante ans plus tard.

D’abord commune indépendante appartenant au canton de Saint-Avold (1790), Petit-Ébersviller fut réuni en 1811 à Macheren.

Petit-Ébersviller : le lavoir.

Macheren

Si l’on est à pied, on empruntera la rue du stade puis on tournera dans la rue des prés qui conduit à un joli chemin traversant un petit bois et menant au village de Macheren.

Le nom a connu plusieurs graphies : Mâchera (1121), Macheren (1165), Machern (1594). Macheren et Petit-Ébersviller formaient une métairie de la seigneurie (avouerie) épiscopale de Hombourg-Saint-Avold qui sera vendue, en 1581 au duc de Lorraine et réunie à la France, en 1766 Le comte de Sarrebruck, comme haut-avoué y avait des biens et des droits (redevances en blé), de même les Bacourt, comme sous-avoués et leurs héritiers (en 1460) les Créhange, et en outre la Collégiale de Hombourg-Haut. L’Évêché avait constitué un fief à Macheren, dont fut investi au XIVe siècle Marsilius, châtelain du comte de Sarrebruck ; le fief fut acheté en 1344 par Wéry de Torcheville, bailli de l’Évêché, l’ancêtre des Créhange. En 1490, Jean de Hérange possédait un fief épiscopal à Macheren (perception de différentes redevances). En 1726, le duc de Lorraine céda le village avec le droit de haute justice au baron de Henning.

La “bataille de Macheren”, en 1131, dans laquelle le duc de Lorraine aurait vaincu le comte de Bar, l’Évêque de Metz et l’archevêque de Trèves a eu lieu plutôt à Kœnigsmacker ; si ce n’est pas tout simplement une fable !!!

Au cœur du village de Macheren : l’église, construite en 1750, dédiée à Saint Thomas.

Trois chapelles subsistent sur le ban de Macheren :

La chapelle de Lenzviller

Tous les ans, le 15 août, une messe en plein air rassemble de nombreux fidèles autour de la chapelle de Lenzviller. Pour s’y rendre, il faut emprunter la route qui va de Macheren à Marienthal et prendre un chemin sur la droite. Entourée d’arbres, la chapelle n’est pas visible de la route. Dédiée à Notre-Dame de Lorette, elle a été construite avant 1698 près de la ferme de Lenzviller. Au XVIIIe siècle, elle appartenait au Doyen de Hombourg. Le compte rendu de la visite de l’archiprêtre de Saint-Avold en 1735 indique qu’elle était “visitée avec dévotion par tous les peuples des environs”.

Le 21 février 1840, Dame Françoise Colbus, veuve d’Antoine Kouch, propriétaire de la ferme, fit don de la chapelle de Lenzviller à la paroisse de Macheren. Une ordonnance de Louis-Philippe en date du 18 octobre 1840 autorisa la fabrique de l’église de Macheren à recevoir ce don et, dès lors, les pèlerinages se firent encore plus nombreux. Elle était gardée par un ermite nourri par les gens du village.

En 1885, l’abbé Georges-Nicolas Marx, alors curé de Macheren, fit agrandir la chapelle qui, auparavant, ne comprenait que le chœur actuel et la sacristie. C’est à cette époque qu’il y accueillit, de nuit, Catherine Filliung (1848 - 1915), “la mystique de Biding” et les abbés Meyer (ex-curé de Biding) et Guldner (ex-curé de Guenviller). Informé de ces rencontres suspectes, l’évêque de Metz, qui considérait Catherine Filliung comme une illuminée, ordonna la fermeture de la chapelle le 17 avril 1886. Une rue de Biding porte aujourd’hui le nom de Catherine Filliung qui y créa, en 1884 - 1885 un orphelinat (détruit pendant la seconde guerre mondiale). En 1900, l’abbé Watrin, nouveau curé de Macheren, très connu pour ses “Échos poétiques de Lorraine”, obtint la réouverture de la chapelle et fit construire à proximité une “grotte de Bernadette”.

L’édifice est un bâtiment à deux vaisseaux dans le prolongement l’un de l’autre, le plus petit faisant office de chœur liturgique. Le clocher-porche est date de 1900. Il est à trois étages. Le premier est au niveau de la nef et lui sert d’accès. La nef tire tout son décor d’une niche ornée d’une statue de la Vierge. Les vitraux sont récents.

Une chapelle oubliée : “Heiligenbronn”

Cette petite chapelle est située dans un pré (aujourd’hui terrain privé) à l’écart de la route qui va de Moulin-Neuf à Petit-Ebersviller, avant le pont du chemin de fer. Construit sur un terrain en pente et entouré d’arbres, cet oratoire qui abrite un calvaire est placé à proximité d’une source aujourd’hui tarie, à un emplacement jadis lieu de culte païen où l’on a trouvé une statue de la déesse Diane. Il était dédié à Saint Fridolin et à Saint Fiacre et a été “renouvelé” en 1772. Aujourd’hui à l’abandon, la chapelle était autrefois lieu de pèlerinage car on prêtait des vertus médicales aux eaux de la “Sainte source” dite aussi “Bonne-Fontaine”.

Dans l’édition de 1891 de son “Grand Almanach de Saint-Avold” (“Da Grossa Fora Colenna”), Philippe Bronder nous raconte l’un de ces pèlerinages.

« Nous sommes au 1er Mai. Au-dessus des arbres du Steinberg: le soleil sort de sa couche de pourpre et d’or. Il se lève radieux dans un ciel sans nuage, chassant devant lui les sombres brouillards, derniers satellites de la nuit. Il avance brillant de clarté et entoure Saint-Avold de ses rayons de lumière.

Cinq heures sonnent à l’église paroissiale. À cette heure tout est calme encore. Mais soudain les échos de la rue retentissent. Les accords harmonieux de la belle Musique de Saint-Avold sonnent le départ pour la Bonne-Fontaine. Elle s’avance militairement sur plusieurs rangs et en bon ordre, commandée par son vaillant chef, Monsieur Alexis Lebrun. Une foule nombreuse suit avec enthousiasme, réglant non sans difficulté son pas sur celui des exécutants. Aux fenêtres, beaucoup de curieux et quelques dormeurs attardés regrettant de ne pouvoir se joindre à la foule joyeuse.

Arrivé à la Bonne-Fontaine, on s’assoit sur l’herbe, on installe son petit campement, puis on boit de l’eau à volonté; elle ne manque pas. Quelques uns font la grimace et vous prennent un petit air de suprême résolution quand ils boivent un verre de cette eau, un peu amère il est vrai pour une bouche délicate. Mais il faut prendre son parti en brave. Après une consommation plus ou moins copieuse d’eau ferrugineuse, les promeneurs courent aux provisions; les paniers sont ouverts et les dames, toujours attentives et empressées dressent sur la blanche serviette un déjeuner frugal.

Bientôt l’entrain et une franche gaité règnent parmi les groupes. Adieu onde amère et vive le jus rosé de la treille ! Les chants et la musique vont réveiller les échos endormis dans les profondeurs lointaines du Steinberg, et le train qui passe sur la hauteur regarde tout surpris, à travers les spirales de fumée de sa noire locomotive.

Pendant ce temps on fait une petite visite à la chapelle. Les uns apportent des bouquets de fleurs ou de verdure, les autres font une courte prière, quelques uns chantent le refrain d’un cantique aimé. Puis enfin on se met en route, toujours musique en tête. Au Moulin-Neuf, les habitants sur le pas de leurs portes écoutent avec délices ces belles symphonies. Ils regardent les brillants insignes et la bonne tenue des exécutants et c’est avec regret qu’ils voient cette joyeuse société disparaître dans le lointain sous les arbres de la route.

Tous les dimanches du mois de Mai, quand le temps est beau, on renouvelle cette promenade matinale. Un grand nombre de personnes retournent encore à la Bonne-Fontaine pendant la semaine, d’autres y vont tous les jours. La route est superbe, la vue délicieuse, sans compter les charmants concerts des oiseaux qui jettent au matin les premières notes de leurs gaies chansons ».

La chapelle de Moulin-Neuf

Érigée à Moulin-Neuf, sur le ban de Macheren, en bordure de la route qui va de Saint-Avold à Hombourg, cette petite chapelle date de 1910 et a été construite aux frais de la famille Bour à la suite d’un vœu. Sans intérêt architectural particulier, cet édifice abritait des statues anciennes qui ont hélas disparu : une statue de saint Florent, une autre de saint Benoit et une très belle Vierge à l’enfant.

Elle appartient à un type d’édifices simples à un vaisseau dont le mur pignon tient lieu de façade principale. Le maître de l’œuvre a repris la disposition des exemples voisins : la chapelle de la Sainte Trinité à Saint-Avold ou celle des Saints Auxiliaires à Folschviller : porte cintrée entourée d’oculi et baies latérales cintrées. Le chevet plat a remplacé la forme polygonale qui n’était pas justifiée ici pour un bâtiment aussi exigu (4,10 m sur 2,56 m). Le toit, à deux versants également, porte un clocheton dont la nécessité semble être surtout de distinguer la chapelle de constructions similaires.

On ne quittera pas Macheren sans avoir admiré au passage la décoration de ce mur ! (rue de l’abbé Watrin).