La Seigneurie de Hombourg - Saint-Avold en 1618.
Sur fond de carte de Cassini, les localités dont les noms sont soulignés en rouge sont celles de la la seigneurie de Hombourg - Saint-Avold.
Saint-Avold, Hombourg, Béning, Cocheren, Dourd’hal, Ebersing, Emmersviller, Farébersviller, Folkling, Folschviller, Frémestroff, Freybouse, Haute-Vigneulles, Hoste, Laning, L’Hôpital, Lixing, Macheren, Maxstadt, Metring, Morsbach, Petit-Ebersviller, Pontpierre, Rosbrück, Seingbouse, Theding, Valmont.
Les villages de Lachambre et Henriville (dont les noms sont soulignés en vert sur la carte) ont été fondés à la fin du XVIe siècle.
Le Pays naborien : une réalité historique.
par Pascal FLAUS
Lors de sa création, au printemps 2006, notre nouvelle société s’est trouvée confrontée à l’épineux problème de sa dénomination. Après quelques débats passionnés, y compris au sein de notre comité, elle est baptisée Société d’Histoire du Pays Naborien (S.H.P.N.). Cette nouvelle appellation renoue avec un concept historique très ancien.
En effet, il se crée vers 1160, sur l’ensemble territorial disparate de comtés issus du démantèlement de l’empire carolingien et acquis dès le Xe siècle par les évêques de Metz, une avouerie épiscopale (Vogtei) de Hombourg-Saint-Nabor, constituée à l’origine de terres et revenus des abbayes de Saint-Avold, Sainte-Glossinde, de la nouvelle collégiale Saint-Étienne fondée par l’évêque Jacques de Lorraine en 1254 et de la ville évêchoise de Saint-Avold. Elle est formée au XIVe siècle d’une trentaine de villages regroupés en 14 mairies sur un territoire s’étendant de Haute-Vigneulles et Téterchen, à l’ouest, à Rosselle, l’actuel Grande-Rosselle près de Forbach, voire Morsbach-Folkling, à l’est. Cette avouerie est formée d’un ensemble de fiefs, de droits territoriaux et judiciaires aliénables susceptibles d’être augmentés par achats, par échanges ou par défrichements. Les évêques de Metz, seigneurs fonciers (Grundherr), y exercent leurs pouvoirs en déléguant par inféodation leurs droits aux comtes de Nassau Sarrebruck, leurs avoués héréditaires (Erpvoigde ou Oberster Gerichstsherr), qui exercent en leur nom les pouvoirs de justice, y prélèvent les impôts et y assurent la sauvegarde des marchands et des pèlerins de plus en plus nombreux qui circulent dans l’avouerie ou la traversent aux XIVe et XVe siècles. Cet ensemble territorial d’environ 180 km² au XVIe siècle est limité, à l’est, par les seigneuries de Forbach (80 km²), à l’ouest, les territoires de l’abbaye de Longeville-lès-Saint-Avold, au nord nord-est, par le comté de Nassau Sarrebruck et, au sud, par les seigneuries de Puttelange et de Faulquemont.
Après de longues transactions, cet espace est finalement intégré au duché de Lorraine en 1581. La raison majeure de cette acquisition est la conversion des comtes de Sarrebruck à la Réforme luthérienne en 1575 et le risque de sa diffusion dans l’avouerie, très ouverte sur le comté pour des raisons économiques et linguistiques. En 1594, d’après le Dénombrement des Duchés de Lorraine de Thierry Alix, la seigneurie compte 29 localités domaniales, 17 terres d’Église et 6 fiefs. Elle a pour chef-lieu économique Saint-Avold, ville d’environ 2 000 habitants, réputée pour ses six foires annuelles et son marché hebdomadaire, qui drainent les produits des villages de la seigneurie, mais aussi de territoires bien plus éloignés du sud de la Lorraine, de Metz, de la vallée du Rhin, d’Alsace. A l’inverse, des marchands naboriens sont signalés au XVe siècle à Anvers, Bergen-op-Zoom, Francfort, en Alsace. Ils y vendent tissus et cuirs réputés et achètent poissons et produits manufacturés. A Saint-Avold se réunit sous la halle de l’Hôtel de ville, en dehors du conseil de ville, la Mère Cour, structure intercommunale avant l’heure, composée d’un conseil de 24 échevins désignés par chacune des 14 mairies de l’avouerie, présidée par le Kassmeier, ou haut maire, et le maître échevin ; ces deux derniers sont désignés par l’évêque et son avoué. Cette cour a en outre des compétences judiciaires et elle gère l’immense patrimoine forestier. Au château de Hombourg-l’Évêque réside un bailli gouverneur, homme de l’évêque, ou de son avoué, le comte de Sarrebruck, nommé après 1581 par le duc, aux compétences judiciaires élargies, chargé de prélever les impôts au nom du seigneur.
Les deux villes de Saint-Avold et Hombourg, situées à peu de distance l’une de l’autre, affranchies par les évêques, dynamisent l’espace central de la seigneurie, mais leur antagonisme les affaiblit aussi. En effet aucune des deux villes, ne parvient à s’imposer, du moins jusqu’à la Guerre de Trente Ans. Ce partage des rôles, à Hombourg l’administration de la seigneurie, à Saint-Avold le commerce, prend fin en 1640-1660. Le démantèlement du château de Hombourg en 1634-1635, puis son abandon, permettent à Saint-Avold de s’affirmer comme chef-lieu d’une prévôté bailliagère créée le 31 août 1698, au retour du duc Léopold Ier (1679-1729) dans ses états. Cette nouvelle structure administrative regroupe autour du chef-lieu, Saint-Avold, les 23 villages de l’ancienne seigneurie de Hombourg-Saint-Avold, dont Hombourg-l’Evêque. Le duc récompense ainsi la cité naborienne pour sa fidélité à la dynastie des Vaudémont durant les guerres du XVIIe siècle et sa résistance passive lors de la dure occupation française de 1670 à 1697. La ville, suprême hommage, se voit conférer en août 1699 les armoiries pleines de Lorraine, qui sont celles de la famille ducale. La prévôté, gérée sans aucun problème par des officiers souvent issus du sud de la Lorraine, est supprimée en juin 1751. Sous le règne de Stanislas Leszczynski (1677-1766), elle est intégrée à 90% dans le nouveau bailliage de Boulay et dans celui de Sarreguemines pour sa partie orientale, malgré l’opposition farouche et vaine des habitants de Saint-Avold qui payent au prix fort leur attachement indéfectible à la maison ducale. La ville connaît après 1766 une grave crise économique et identitaire.
Le Pays Naborien peut aussi se définir géographiquement. Il s’agit d’une partie de l’ancien « Rosselgau » ou pays de la Rosselle, structure administrative carolingienne peu étudiée, irriguée par Rosselle qui prend sa source dans la forêt d’Oderfang et qui traverse l’ancienne seigneurie sur 37 kilomètres avant de se jeter dans la Sarre à Wehrden. Elle reçoit de nombreux affluents du plateau lorrain. Sa vallée permet à l’homme de circuler vers le bassin de Sarre. La création, sur son cours d’eau, d’une quantité impressionnante de moulins de tous genres (blé, foulon, tan, huiles) dynamise l’économie des communautés villageoises de la seigneurie jusqu’à la révolution industrielle du début du XIXe siècle.
Le Pays Naborien forme aussi une entité linguistique et culturelle de Lorraine allemande. La langue originellement parlée par tous ses habitants appartient au moyen haut allemand de l’ouest. Il s’agit d’un dialecte de la zone de transition entre le francique rhénan et le francique mosellan. L’expression écrite de ses parlers est en allemand standard, largement diffusé dès le XIVe siècle dans tous les actes administratifs. A cette langue sont rattachés toute une série de traditions, de dévotions populaires (les 14 saints auxiliaires), de chants religieux allemands composés au XVIIIe siècle et diffusés par un clergé tridentin au statut social puissant. Certes, la disparition du bailliage de Boulay, en 1790, et la création de six cantons dont celui de Saint-Avold, intégrés dans le district, puis l’arrondissement de Sarreguemines, modifie en profondeur une structure politique séculaire héritée de l’Ancien Régime. La création des forges De Wendel à Stiring, la découverte du charbon à Petite-Rosselle, la proximité du dynamique marché sarrebruckois augmentent l’attractivité de Forbach, y compris sur des villages situés en périphérie de l’ancienne seigneurie de Hombourg Saint-Avold, dès après 1850. Saint-Avold est, en 1870-1880, une ville recroquevillée sur son passé, hostile à l’industrialisation gérée par une bourgeoisie de marchands rentiers de la terre. Elle se trouve dynamisée par l’apport de garnisons, sources de profits, sur demande insistante de ses habitants, heureux de faire de leur ville un « Soldatennest », ou nid de soldats. Cette situation ne changera qu’après 1950 avec l’aventure de la chimie.
Combien de Naboriens qui empruntent de nos jours la RN3 vers Hombourg-Haut ou Sarrebruck savent-ils que l’ère de rayonnement de leur ville s’étendait à l’origine jusqu’au portes de Forbach, alors qu’il n’y a jamais eu de lien politique avec Longeville-lès-Saint-Avold, possession séculaire de l’abbaye bénédictine Saint-Martin-des-Glandières, toute proche.
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